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28/11/2019 | FRANCE | N°16VE02680

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 novembre 2019, 16VE02680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler, l'arrêté du 20 août 2015 par lequel le président du Centre Communal d'Action Sociale de la commune d'Angervilliers (ci-après CCAS) l'a réintégrée dans ses fonctions de secrétaire à compter du 1er mai 2005, l'a placée en congé sans traitement à compter de cette date pour une durée de six mois et a mis fin à ses fonctions pour inaptitude physique à compter du 1er novembre 2006.

Par un jugement n° 1506912 du 14 juin 201

6, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 20 août 2015 en tant q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler, l'arrêté du 20 août 2015 par lequel le président du Centre Communal d'Action Sociale de la commune d'Angervilliers (ci-après CCAS) l'a réintégrée dans ses fonctions de secrétaire à compter du 1er mai 2005, l'a placée en congé sans traitement à compter de cette date pour une durée de six mois et a mis fin à ses fonctions pour inaptitude physique à compter du 1er novembre 2006.

Par un jugement n° 1506912 du 14 juin 2016, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 20 août 2015 en tant qu'il prononce le licenciement pour inaptitude physique de Mme D... et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2016 et 9 octobre 2019, Mme D... doit être regardée comme demandant à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en ce qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de son placement en congé sans traitement.

2° d'annuler l'arrêté de la présidente du CCAS d'Angervilliers du 20 août 2015.

3° de joindre cette requête avec l'instance 16VE02679 pendante devant la Cour.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait pour s'être fondé sur la circonstance qu'elle avait été placée en congé de maladie depuis le 3 février 2004 dès lors qu'elle n'a pas été dans cette position et qu'au contraire, étant, pour la même période placée en congé de maladie imputable au service par la commune d'Angervilliers, elle aurait dû être placée dans une position statutaire similaire par le CCAS ;

- il est entaché en conséquence d'une erreur de droit pour avoir jugé qu'elle ne pouvait pas prétendre au bénéfice de son plein traitement après trois mois d'absence ;

- l'arrêté du 20 août 2015 a été pris dans un contexte de harcèlement moral et est par suite entaché d'un détournement de pouvoir ;

- avant de prendre l'arrêté litigieux, le CCAS aurait dû s'assurer qu'elle ne pouvait pas prétendre au bénéfice d'un congé de grave maladie ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle ne pouvait pas être placée en congé sans traitement sans avoir au préalable été placée en congé de maladie ordinaire et éventuellement en congé de grave maladie ou d'accident du travail, et bénéficier de l'accès à son dossier médical ;

- elle ne pouvait être regardée comme inapte à la reprise de ses fonctions que pour la période précédant la date de consolidation de son état de santé, fixée au 15 avril 2010 ;

- elle est en droit d'obtenir une indemnité correspondant aux sommes dont elle a été privée depuis son éviction illégale de ses fonctions ;

- sa réintégration juridique après l'annulation de la décision l'ayant évincée illégalement du service, devait conduire le CCAS à la replacer dans la situation qui était la sienne, et dans laquelle elle bénéficiait de son plein traitement.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, rapporteur,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., pour le CCAS d'Angervilliers.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., titulaire du grade d'attaché territorial et exerçant les fonctions de secrétaire de mairie de la commune d'Angervilliers, a exercé à titre accessoire les fonctions de secrétaire du CCAS d'Angervilliers à compter du 1er janvier 1986, pour lesquelles elle a perçu une indemnité correspondant à 10% de son traitement, prélevée sur le budget de cet établissement public, en application d'une délibération du 10 janvier 1986 de son conseil d'administration. Par une délibération du 31 mars 2005, le conseil d'administration du CCAS d'Angervilliers a décidé de supprimer le poste de secrétaire qu'occupait Mme D... ainsi que l'indemnité qui lui était allouée. Par un arrêt n° 08VE02940 du 25 mars 2010, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé cette délibération, rejeté les conclusions indemnitaires en réparation du préjudice financier que Mme D... réclamait au titre de sa perte de revenus depuis son éviction illégale de ses fonctions, au motif que devant être regardée comme agent contractuel employé par le CCAS, elle ne pouvait prétendre au maintien de sa rémunération au titre du congé de maladie ordinaire dans lequel elle avait été placée, et a enjoint la réintégration juridique de l'intéressée dans son emploi de secrétaire à compter du 1er mai 2005. Par un arrêt du 5 février 2015, la Cour a, à la demande de Mme D..., constaté que le CCAS n'avait pas exécuté son précédent arrêt et l'enjoignait d'y procéder sous astreinte. La présidente du CCAS a alors, par un arrêté du 13 mai 2015 rapportant un arrêté du 20 avril précédent, procédé à la réintégration juridique de l'intéressée dans ses fonctions de secrétaire du CCAS à compter du 1er mai 2005. Enfin, par un arrêté du 20 août 2015 rapportant un arrêté du 14 août précédent, la présidente du CCAS a à nouveau indiqué que Mme D... était juridiquement réintégrée au 1er mai 2005, qu'ayant à cette date épuisé ses droits à congés, elle était placée en congé sans traitement jusqu'au 1er novembre 2006, et mis fin à ses fonctions avec effet à cette date. Par un jugement n° 1506912 du 14 juin 2016 dont Mme D... relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 20 août 2015 en tant qu'il prononce son licenciement pour inaptitude physique, et rejeté les surplus de ses conclusions.

Sur le bien fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles : " Le centre d'action sociale est un établissement public administratif communal ou intercommunal. Il est administré par un conseil d'administration présidé, selon le cas, par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ".

3. Malgré les liens institutionnels existant entre eux, la commune d'Angervilliers et le CCAS d'Angervilliers sont des personnes morales distinctes. En outre, si Mme D... avait la qualité d'agent titulaire communal soumis aux lois statutaires de la fonction publique, elle était employée par le CCAS en qualité d'agent non titulaire régi par les dispositions décret du 15 février 1988 au titre d'une activité accessoire. Par suite, si par un arrêt définitif n° 06VE01886 du 4 octobre 2007 de la Cour administrative d'appel de Versailles, Mme D... a été reconnue comme victime à la date du 23 février 2004, d'une affection présentant un lien de causalité avec ses conditions de travail à la mairie d'Angervilliers et par conséquent imputable au service en sa qualité d'agent municipal, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette pathologie aurait également résulté de ses conditions de travail au sein du CCAS, l'intéressée n'ayant au surplus pas présenté une demande en ce sens à son employeur secondaire. Ainsi, pour contester l'arrêté litigieux, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son absence en sa qualité d'agent du CCAS aurait dû être regardée comme imputable au service et recevoir la même qualification que celle qui a été retenue en sa qualité d'agent communal.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 du décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire, qui est contraint de cesser ses fonctions pour raison de santé (...) et qui se trouve, en l'absence de temps de services suffisant, sans droit à congé rémunéré de maladie, (...) est : / 1. En cas de maladie, soit placé en congé sans traitement pour maladie pendant une durée maximale d'une année si l'incapacité d'exercer les fonctions est temporaire, soit licencié si l'incapacité de travail est permanente (...) ".

5. Il incombait au CCAS en exécution de l'arrêt n° 08VE02940 en date du 25 mars 2010 de la Cour administrative d'appel de Versailles, de reconstituer rétroactivement la situation administrative de l'intéressée en la réintégrant juridiquement au 1er mai 2005 dans l'emploi de secrétaire du CCAS en qualité d'agent non titulaire. Dès lors qu'à cette date, Mme D... devait être regardée comme placée, au titre de son activité principale au sein des services municipaux, en congé pour une pathologie en lien avec le service et qu'en raison de cette inaptitude l'intéressée avait été contrainte de cesser ses fonctions pour raison de santé auprès du CCAS, ce qu'elle ne conteste pas, cet établissement, qui n'était tenu par aucun texte de la placer rétroactivement en congé de grave maladie sans avoir été informé par Mme D... de la gravité de son état de santé, ni de lui proposer un reclassement dès lors qu'elle n'était pas apte à reprendre le service au 1er mai 2005, a légalement pu la placer en congé sans traitement à compter de cette date pour une période d'un an en application des dispositions précitées au point 4. En outre, et pour le même motif tiré de ce que Mme D... était dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions accessoires en raison de son inaptitude, et qu'elle avait épuisé ses droits à congés au 1er mai 2005, le CCAS était fondé à ne pas lui verser les indemnités qui étaient les siennes lorsqu'elle était encore en fonctions, et a pu, au titre de la reconstitution de sa carrière, la placer par l'arrêté litigieux en congé sans traitement avec effet au 1er novembre 2006. Si Mme D... soutient qu'en agissant ainsi le CCAS aurait entaché sa décision d'un vice de procédure pour ne l'avoir pas mis à même de consulter son dossier, il apparaît que l'arrêté querellé n'a pas été pris en considération de la personne de l'appelante mais s'est borné à reconstituer sa carrière comme l'autorité intéressée avait l'obligation d'y procéder. Par conséquent, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 20 août 2015 serait entaché d'une erreur de droit, ni de vices de procédure, ni à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de fait.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

7. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

8. Mme D... soutient que l'arrêté du 20 août 2015 serait illégal pour avoir été pris dans un contexte de harcèlement moral. S'il ressort des pièces du dossier que le CCAS d'Angervilliers a procédé à l'éviction illégale de Mme D... de son emploi de secrétaire et que l'appelante a dû saisir la Cour administrative d'appel de Versailles en exécution de son arrêt du 25 mars 2010 afin que cet établissement procède à sa réintégration juridique, ces éléments, à eux seuls, ne révèlent pas une situation de harcèlement moral au sens des dispositions précitées au point 6.

9. En quatrième lieu, Mme D... ne peut utilement soutenir qu'elle bénéficierait d'un droit à réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi et qu'elle serait en droit d'obtenir une indemnité correspondant aux sommes dont elle a été privée depuis son éviction illégale de ses fonctions, pour contester le bien-fondé du jugement attaqué qui ne statuait pas sur une demande indemnitaire mais sur les conclusions en annulation dont elle l'avait saisi.

10. Il résulte de ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, et a mis à sa charge une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de Mme D... une somme de 500 euros au bénéfice du CCAS d'Angervilliers.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera au CCAS d'Angervilliers une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 16VE02680 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02680
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-28;16ve02680 ?
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