Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'université Paris VIII à lui verser la somme de 3 854 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subis du fait d'avoir été laissée sans affectation et sans rémunération entre le 8 août 2012 et le 30 novembre 2012 et de mettre à la charge de l'université Paris VIII la somme de 2 000 euros à verser à Me B..., avocat de Mme A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1600966 du 3 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'université Paris VIII à verser à Mme A... la somme de 2 698,31 euros sous déduction de la somme de 916 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance du 6 mars 2014, a mis à la charge de l'université Paris VIII une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 11 juillet 2017 et 20 août 2019, Mme A..., représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a limité le montant de la condamnation de l'université Paris VIII à la somme de 2 698,31 euros ;
2° de condamner l'université Paris VIII à lui verser la somme de 3 854 euros au titre de son préjudice matériel et la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral ;
3° de condamner l'université Paris VIII à verser à Me B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'université Paris VIII a commis une faute en ne l'affectant pas ; elle a sollicité l'université à plusieurs reprises pour obtenir une affectation ;
- l'absence d'information et de rémunération dont elle a fait l'objet caractérise une situation de harcèlement moral ; elle a été placée dans une situation humiliante et son état de santé s'est dégradé ;
- ses pertes de rémunération s'élèvent à la somme de 949 euros ; s'ajoute la somme de 2 413 euros au titre de la perte de chance d'acquérir un bien immobilier et la somme de 492 euros au titre des frais engagés dans cette affaire ; son préjudice moral doit être évalué à la somme de 30 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., pour l'université Paris VIII.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., secrétaire administrative de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a bénéficié d'un congé parental jusqu'au 7 août 2012 à l'issue duquel elle a été affectée par le recteur de l'académie de Créteil à l'université Paris VIII. Elle n'a toutefois reçu ni affectation effective ni de rémunération du 8 août 2012 au 30 novembre 2012. Par le jugement du 3 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'université Paris VIII à verser à Mme A... la somme de 2 698,31 euros sous déduction de la somme de 916 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance du 6 mars 2014. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur la faute résultant de l'absence d'affectation :
2. D'une part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.
3. D'autre part, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation. Pour déterminer l'étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu'il appartient à l'intéressé d'entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative que de la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction. Dans ce cadre, sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause qui débute à la date d'expiration du délai raisonnable dont disposait l'administration pour lui trouver une affectation, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.
4. Il résulte de l'instruction que l'université Paris VIII a été informée de la réintégration de Mme A... dans son établissement à l'issue de son congé parental le 2 juillet 2012. Il n'est pas établi, en particulier par un courriel de l'université du 29 novembre 2012, que l'absence d'affectation de Mme A... était justifiée par la circonstance qu'elle aurait évoqué lors d'un entretien l'éloignement de son domicile ou son souhait de solliciter une mise en disponibilité pour convenances personnelles. Il résulte au contraire de l'instruction que la requérante a sollicité l'université Paris VIII à plusieurs reprises pour obtenir une affectation. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des démarches effectuées par Mme A... et dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'aucun poste disponible au sein de l'université ne correspondait à son profil, la requérante est fondée à soutenir que l'administration a méconnu son droit à recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Ainsi, cette absence d'affectation dans un délai raisonnable a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'université.
Sur la faute résultant de l'existence d'un harcèlement moral :
5. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionne. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
6. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
7. Si Mme A... n'a pas reçu d'affectation effective au sein de l'université Paris VIII du 8 août 2012 au 1er décembre 2012, date à laquelle elle a été affectée au rectorat de Créteil et si elle a été privée de rémunération pendant cette période, cette situation ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet.
Sur les préjudices :
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A..., qui percevait alors un salaire net mensuel de 1 696,56 euros, aurait dû percevoir la somme totale de 6 446,93 euros pour la période allant du 8 août au 30 novembre 2012. Il est constant que l'université Paris VIII lui a versé la somme de 4 583,62 euros en juillet 2013. Ainsi, le préjudice subi par Mme A... du fait de l'absence de versement de rémunération du 8 août 2012 au 1er décembre 2012 s'élève à la somme de 1 863,31 euros.
9. En deuxième lieu, Mme A... fait également valoir qu'au cours de la période où elle était privée d'affectation et de rémunération, elle souhaitait acquérir un bien immobilier, achat auquel elle aurait dû renoncer du fait des fautes commises par l'université. Elle demande l'indemnisation de frais divers engagés pour cet achat ainsi que de la perte de chance de se constituer un patrimoine immobilier. Toutefois, Mme A... ne démontre ni de lien de causalité suffisamment établi entre sa situation à l'université Paris VIII au mois de septembre, octobre et novembre 2012 et sa renonciation à cet achat, ni que le bien en question n'aurait plus été en vente en décembre 2012. Dans ces conditions, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent être accueillies.
10. En troisième lieu, Mme A... n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, l'existence et l'importance des frais qu'elle aurait exposés pour obtenir une affectation et le paiement des rémunérations dues par l'université Paris VIII.
11. Enfin, Mme A..., qui élève deux enfants, a été privée de toute rémunération pendant environ quatre mois et a bénéficié d'une aide du centre communal d'action sociale de la commune d'Orly. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de son préjudice moral résultant des fautes de l'administration en l'évaluant à la somme de 800 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé à la somme totale de 2 698,31 euros [SJ1]le montant de la condamnation de l'université Paris VIII, sous déduction de la provision de 916 euros résultant de l'ordonnance du 6 mars 2014.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que l'université Paris VIII, qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à Me B..., avocat de Mme A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par l'université Paris VIII peuvent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris VIII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
[SJ1]1863,31 + 800 = 2 663,31 €
(somme qu'avait d'ailleurs retenu le TA).
OK
N° 17VE02204 2