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05/11/2019 | FRANCE | N°18VE03403

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 05 novembre 2019, 18VE03403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803595 du 27 septembre 2018, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 oc

tobre 2018, M. B..., représenté par Me Houda Marfoq, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803595 du 27 septembre 2018, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2018, M. B..., représenté par Me Houda Marfoq, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour, ainsi que celle lui faisant obligation de quitter le territoire français, sont entachées d'une erreur de fait ainsi que d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa vie privée et familiale ;

- elles méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles des articles 3-1, 9-1 et 16 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée, la décision lui refusant un titre de séjour étant elle-même illégale ;

- la décision fixant à seulement trente jours le délai de départ volontaire méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 3 août 1974 à Dakar (Sénégal), fait appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Sur les moyens dirigés contre les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...]7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. M. B... reprend en appel, à l'identique, les moyens soulevés en première instance et tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... produit en appel des certificats de scolarité de ses enfants Mohamadou et Birane, des attestations des chefs d'établissement, l'acte de naissance de son fils Madior ainsi que diverses pièces relatives aux frais de cantine et d'activités scolaires acquittés par M. B... pour ses enfants. Ces pièces, d'ailleurs majoritairement produites devant les premiers juges, n'apportent toutefois pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par ces derniers, qui ont notamment relevé que si M. B... est entré en France en 2012, il s'y est maintenu, ainsi que sa compagne, en situation irrégulière, qu'ils ont précédemment vécu ensemble au Sénégal où leurs deux premiers enfants sont nés en 2006 et 2010, que ses parents y résident et qu'il ne dispose d'aucune attache autre que sa compagne et ses enfants en France, que le contrat de travail dont il se prévaut avait été conclu seulement quelques mois avant la signature de la décision attaquée et que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Sénégal. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 3. du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article

L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

5. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008. Or, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant précité : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".

6. Ces stipulations, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 20 mars 2018 que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, notamment au regard de sa situation personnelle et familiale, en lui opposant notamment les conditions et la durée de son séjour en France, ainsi que le fait qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Par suite et alors même que l'arrêté n'aurait pas fait état expressément de la présence en France de sa compagne et de ses enfants au sein du paragraphe relatif à l'admission exceptionnelle au séjour mais seulement dans la suite des développements, le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.

8. D'autre part, si M. B... soutient que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa vie privée et familiale, les éléments de la vie personnelle et familiale de M. B..., telle que décrite au point 3, ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les dispositions de cet article.

9. En troisième lieu, M. B... n'établit pas que ses deux enfants aînés, nés en 2006 et 2010, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Sénégal. De plus, ainsi qu'il a été indiqué au point 3, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans ce pays, alors qu'il est constant que sa concubine, de même nationalité, se trouve également en situation irrégulière. Ainsi, la décision portant refus de titre de séjour et celle l'obligeant à quitter le territoire français, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants, ne porte pas atteinte à leur intérêt supérieur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui ne créent d'obligations qu'entre États sans ouvrir de droits à leurs ressortissants.

11. En cinquième lieu, aux termes des stipulations l'article 16 de convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 mars 2018, constituerait une immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée et familiale de ses enfants, contraire aux stipulations précitées de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors notamment que la cellule familiale peut se reconstituer au Sénégal.

12. En sixième lieu, M. B... soutient que la décision lui refusant un titre de séjour, ainsi que celle lui faisant obligation de quitter le territoire français, sont entachées d'une erreur de fait ainsi que d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, dès lors que l'arrêté du

20 mars 2018 indique que sa présence en France ne serait avérée " qu'à partir de 2014 " alors qu'il est entré en France le 27 juillet 2012 et établit sa présence, année par année, de 2012 à 2017. Toutefois, en admettant même qu'il soit entré en France en 2012 et non en 2014, il résulte de ce qui précède qu'il n'était pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, une telle erreur de fait serait en tout état de cause sans incidence sur la légalité des décisions attaquées et ne serait pas de nature à révéler un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé, alors même que l'arrêté précise que l'intéressé serait, selon ses déclarations, entré en France le 27 juillet 2012.

Sur l'autre moyen dirigé contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'établit pas que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal. Ainsi, il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

Sur le moyen dirigé contre la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. M. B... soutient qu'en se bornant à lui octroyer le délai de départ volontaire de trente jours prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, en se bornant à faire état de ce que l'année scolaire n'était pas, à la date de l'arrêté attaqué, terminée et que deux de ses trois enfants seraient scolarisés, il ne justifie pas de circonstances particulières propres à justifier une prolongation de ce délai, alors qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 8, il n'établit pas que ses deux enfants aînés, nés en 2006 et 2010, ne pourraient poursuivre leur scolarité au Sénégal. Par suite, en accordant un tel délai de départ à

M. B..., le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 précédemment mentionné.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

4

N° 18VE03403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03403
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : MARFOQ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-05;18ve03403 ?
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