Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 26 avril 2016 par laquelle la ministre du logement et de l'habitat durable s'est opposée à l'aliénation de son patrimoine bâti au profit de la Société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO).
Par une ordonnance du 24 juin 2016, la présidente du Tribunal administratif de Paris, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a renvoyé cette demande au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1604811 du 26 octobre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017 sous le n° 17VE03933 et deux mémoires, enregistrés les 19 février 2018 et 30 mars 2019, l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC ", représenté par la SCP Foussard-Roger, avocats à la Cour de Cassation et au Conseil d'Etat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute d'avoir été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier comme le prévoient les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, notamment en ce qu'il répond imparfaitement au moyen tiré de l'interprétation qu'il convient de faire en l'espèce des dispositions de l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, telles que modifiées par l'entrée en vigueur de l'article 1er de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 modifiant l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et instituant le principe selon lequel le silence gardé par l'administration vaut acceptation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le courrier du 13 juillet 2015, notifié le 15 juillet suivant, par lequel le président du conseil d'administration de l'office a informé le préfet de la Seine-Saint-Denis de son intention d'aliéner n'a pas pu faire courir les délais dans lesquels le silence gardé par le préfet valait décision implicite d'acceptation en vertu de l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, dont il convient d'appliquer les dispositions dans le cadre prévu par l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, reprises à compter du 1er janvier 2016 aux articles L. 231-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, et le décret n° 2014-2300 du 23 octobre 2014 ; en l'espèce, ce courrier a fait courir les délais en cause, et le silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet a eu pour effet de faire naître une décision implicite d'acceptation de sa part à compter du
16 novembre 2015 ; il s'ensuit que la décision attaquée de la ministre du logement et de l'habitat durable doit être regardée comme une décision de retrait d'une décision individuelle créatrice de droits qui, étant intervenue tardivement, est par suite illégale ;
- l'avis de la commune de L'Île-Saint-Denis est intervenu tardivement et n'a pas pu faire obstacle à l'intervention d'une décision implicite d'acceptation du préfet et, par suite, à l'exécution de la décision d'aliéner prise par le conseil d'administration de l'office ;
- à supposer que les délais prévus à l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation aient commencé à courir à compter du 19 octobre 2015, la décision attaquée ne pourrait également être regardée dans ce cas que comme une décision illégal, de retrait d'une décision individuelle créatrice de droits ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle statue simultanément sur l'aliénation de son patrimoine au profit de la SEMISO et sur son éventuelle dissolution, alors que l'administration n'avait pas été saisie au titre de cette dernière opération ; ainsi, seuls les critères d'application de l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation,
c'est-à-dire le risque de réduction excessive du parc de logements locatifs sociaux pouvaient légalement justifier une opposition à la décision d'aliénation ;
- la décision attaquée est également entachée d'erreur de qualification juridique des faits, en ce qu'elle estime que l'aliénation de son patrimoine bâti ne lui permettrait plus d'assurer les missions conférées aux offices publics de l'habitat par l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation ;
- elle est également entachée d'erreur de qualification juridique des faits en ce qu'elle qualifie d'acte anormal de gestion la cession envisagée à la SEMISO d'une fraction du boni de liquidation qui résulterait de la dissolution éventuelle de l'office ; cette affectation est conforme aux objectifs énoncés à l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation et n'a pas eu pour effet d'enrichir sans cause les actionnaires privés de la SEMISO.
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II. Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2017 et régularisée le 22 janvier 2018, sous le n° 17VE03948, et des mémoires enregistrés le 8 janvier 2018 et les 1er et 15 avril 2019, la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DE CONSTRUCTION ET DE RENOVATION DE LA VILLE DE SAINT-OUEN (SEMISO), représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir contre le jugement attaqué, ayant été intervenante volontaire à la première instance au soutien des conclusions de l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT
" SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et son intervention ayant été admise ;
- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il a initialement omis de viser la note en délibéré produite par l'office le 16 octobre 2017 et que cette irrégularité ne pouvait être couverte par l'ordonnance de rectification matérielle prise à la demande de l'office par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil le 6 novembre 2017 sur le fondement de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est également irrégulier en ce qu'il n'a pas tenu compte de la note en délibéré de l'office ;
- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Tribunal n'ayant transmis aux parties, ni la note en délibéré produite par le ministre de l'égalité des territoires, ni les conclusions intégrales du rapporteur public ;
- le jugement attaqué est également entaché d'insuffisance de motivation et d'omission à statuer, en ce que les premiers juges ont insuffisamment indiqué les dispositions légales ainsi que les motifs que les ont conduits à interpréter l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation à la lumière des dispositions de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 octobre 2000 dans leur rédaction applicable au litige, et à estimer que la décision attaquée ne portait pas retrait d'une décision implicite d'acceptation née antérieurement ;
- les premiers juges ont mal apprécié les délais d'intervention des décisions implicites intervenues dans le cadre de la procédure litigieuse, ces délais étant, en l'espèce, des délais non francs ;
- la décision attaquée doit être regardée, quelle que soit la date retenue pour le départ des délais prescrits par l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, comme étant intervenue après qu'une décision implicite d'acceptation soit née du silence gardé par l'administration sur la décision d'aliéner et, par suite, elle présente le caractère d'une décision de retrait d'une décision individuelle créatrice de droits ; elle est, dans ces conditions, irrégulière, en ce qu'elle est intervenue sans procédure contradictoire préalable ;
- les délais dans lesquels pouvait intervenir une décision implicite d'acceptation n'ont pu être conservés par la demande de documents complémentaires formée par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 13 novembre 2015, dès lors que ces documents complémentaires avaient trait à l'éventuelle dissolution de l'office et au respect des dispositions de l'article L. 741-7-1 du code de la construction et de l'habitation, dont le contrôle revient au seul ministre chargé du logement ; au surplus, cette demande de renseignements complémentaires est intervenue tardivement ;
- l'avis de la commune de L'Île-Saint-Denis, intervenu au-delà du délai de deux mois prévu par l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, doit ainsi être regardé comme favorable et n'a pu par suite avoir pour effet de permettre au préfet de saisir la ministre du logement et de l'habitat durable de la décision d'aliéner le patrimoine bâti de l'office ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée est mal fondée en ce qu'elle est justifiée par l'attribution, dans l'hypothèse de la dissolution de l'office, d'une " subvention " à la SEMISO, alors qu'une telle pratique est autorisée par les articles L. 1523-5 et L. 1523-6 du code général des collectivités territoriales ;
- le motif tiré de ce que les actionnaires privés de la SEMISO bénéficieraient d'un avantage indu à l'issue de l'opération est inopérant ;
- la décision attaquée se fonde sur la méconnaissance des dispositions de l'article
L. 421-7-1 du code de la construction et de l'habitation relatives aux conditions financières de la dissolution d'un office public de l'habitat, alors que ces motifs sont étrangers à ceux qui, en application de l'article L. 443-7 du même code, peuvent justifier l'opposition à une opération ce cession du patrimoine bâti d'un tel office : elle est, ainsi, entachée d'erreur de droit ;
- la décision attaquée méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, d'égalité devant les charges publiques et de non-discrimination, et d'impartialité, dans la mesure où l'administration a autorisé la cession de patrimoine et la dissolution d'offices publics de l'habitat dans des circonstances identiques ;
- pour les mêmes motifs, la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'article 84 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Froger, avocat à la Cour de Cassation et au Conseil d'Etat, représentant l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC ", et de Me Dehu, avocat, substituant Me A..., représentant la SEMISO.
Une note en délibéré présentée par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a été enregistrée le 20 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et de la SEMISO, enregistrées respectivement sous les nos 17VE03933 et 17VE03948, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " a décidé d'aliéner l'intégralité de son patrimoine bâti, situé sur le territoire des communes de Saint-Ouen et L'Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) au profit de la SEMISO, laquelle exerce également une activité de bailleur social. Saisi de cette décision par l'office en vertu des dispositions de l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, et dans la mesure où le conseil municipal de L'Île-Saint-Denis a émis, par délibération du 13 janvier 2016, un avis défavorable à cette cession, le préfet de la Seine-Saint-Denis a transmis, en application de ces mêmes dispositions, la décision d'aliéner en cause à la ministre du logement et de l'habitat durable. Cette dernière, par décision du 26 avril 2016, a déclaré s'opposer au projet de cession du patrimoine de l'office à la SEMISO. L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et la SEMISO font appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les interventions de L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et de la SEMISO :
3. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. En l'espèce, l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et la SEMISO, respectivement cédant et preneur du patrimoine dont l'aliénation a fait l'objet de la décision d'opposition en litige, justifient ainsi d'un intérêt de nature à rendre recevables leurs interventions respectives à l'appui des requêtes que cet office et cette société ont présenté contre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 26 octobre 2017.
Sur la légalité de la décision de la ministre du logement et de l'habitat durable :
4. D'une part, aux termes de l'article 443-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Les organismes d'habitations à loyer modéré peuvent aliéner aux bénéficiaires prévus à l'article L. 443-11 des logements construits ou acquis depuis plus de dix ans par un organisme d'habitations à loyer modéré. (...). Ces logements doivent répondre à des normes d'habitabilité minimale fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces logements doivent, en outre, répondre à des normes de performance énergétique minimale fixées par décret. / La décision d'aliéner est prise par l'organisme propriétaire. Elle ne peut porter sur des logements et immeubles insuffisamment entretenus. Elle ne doit pas avoir pour effet de réduire de manière excessive le parc de logements sociaux locatifs existant sur le territoire de la commune ou de l'agglomération concernée/ La décision d'aliéner est transmise au représentant de l'Etat dans le département qui consulte la commune d'implantation ainsi que les collectivités publiques qui ont accordé un financement ou leur garantie aux emprunts contractés pour la construction, l'acquisition ou l'amélioration des logements. La commune émet son avis dans le délai de deux mois à compter du jour où le maire a reçu la consultation du représentant de l'Etat dans le département. Faute d'avis de la commune à l'issue de ce délai, celui-ci est réputé favorable. A défaut d'opposition motivée du représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quatre mois, la décision est exécutoire. En cas de désaccord entre la commune et le représentant de l'Etat dans le département, la décision d'aliéner ne devient exécutoire qu'après autorisation par le ministre chargé du logement. Le représentant de l'Etat informe la commune et l'organisme propriétaire de la transmission de la décision d'aliéner au ministre. Dans ce cas, le silence du ministre dans un délai de quatre mois à compter de la transmission de la décision d'aliéner au représentant de l'Etat dans le département par l'organisme propriétaire vaut opposition à la décision d'aliéner... ".
5. D'autre part, l'article L. 421-7 du même code dispose : " Les offices publics de l'habitat sont créés par décret à la demande de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de rattachement et dissous dans les mêmes conditions, sauf dans le cas prévu à l'article L. 423-1 et lorsqu'ils sont parties à une fusion d'offices. ". Aux termes de l'article L. 421-7-1 de ce même code : " A la demande du conseil d'administration de l'office public de l'habitat, l'excédent de liquidation de l'office dissous peut être attribué, notamment, à un ou plusieurs organismes d'habitations à loyer modéré, à une ou plusieurs sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, à la collectivité territoriale ou à l'établissement public de coopération intercommunale de rattachement de l'office, par décret. L'excédent de liquidation est utilisé par ses attributaires pour le financement de la politique du logement social, selon des modalités définies par une convention entre le représentant de l'Etat dans le département ou la région et la personne morale bénéficiaire, ou dans le cadre des dispositions du présent code relatives au contrôle des organismes d'habitations à loyer modéré. Sans préjudice de l'application de l'article L. 443-13 et du deuxième alinéa du présent article, une part de cet excédent peut être affectée à un emploi librement décidé par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale de rattachement. Le montant de cette part ne peut excéder le montant de la dotation initiale majorée pour chaque année ayant précédé la dissolution, sans pouvoir excéder vingt années d'un intérêt calculé au taux servi au 31 décembre de l'année considérée aux détenteurs d'un livret A, majoré de 1,5 point. ".
6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation que les conditions dans lesquelles l'autorité administrative se prononce sur l'opportunité pour un office public de l'habitat de céder à un tiers tout ou partie de son patrimoine bâti et celles dans lesquelles le ministre chargé du logement, compétent pour prononcer par décret la dissolution d'un office de l'habitat en vertu de l'article L. 421-7 du code de la construction et de l'habitation, examine la régularité de cette procédure de dissolution au regard, notamment, des conditions financières d'utilisation du boni de liquidation de l'office prévues par l'article L. 421-7-1 du même code, se rattachent à des procédures distinctes, quoi que ces dernières puissent s'inscrire dans le cadre d'une même opération telle que, par exemple, le rapprochement entre un office de l'habitat et un autre bailleur social.
7. En second lieu, les dispositions de l'article L. 443-7 précitées du code de la construction et de l'habitation énoncent de manière limitative les conditions auxquelles est subordonnée la cession des éléments du patrimoine immobilier d'un office public de l'habitat. Il en résulte que l'autorité administrative ne peut s'opposer, en vertu de ces dispositions, à une décision d'aliéner tout ou partie de son patrimoine bâti d'un tel office que si cette décision méconnaît l'une des conditions ainsi posées et notamment, dans le cas où la cession est consentie au profit d'une personne morale mentionnée à l'article L. 443-11 du même code et au nombre desquelles figurent les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, la condition tenant au maintien d'un volume suffisant de logements relevant du parc social locatif au sein du territoire concerné, cette condition permettant d'assurer la poursuite des missions d'intérêt général exercées par les organismes d'habitation à loyer modéré et en particulier, pour ce qui concerne les offices publics de l'habitat, celles mentionnées à l'article
L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation.
8. Il ressort des pièces du dossier que, pour fonder sa décision d'opposition à la décision de l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " d'aliéner l'intégralité de son patrimoine bâti au profit de la SEMISO, la ministre du logement et de l'habitat durable s'est fondée sur la circonstance que le boni de liquidation résultant de la dissolution à intervenir de l'office devait être versé dans sa majorité à la SEMISO en vue de permettre à cette société d'apurer la dette résultant du rachat des immeubles détenus par l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC ", et serait ainsi utilisé dans ces conditions étrangères à celles prévues par l'article L. 421-7-1 du code de la construction et de l'habitation ce qui, en outre, conduirait à un enrichissement sans cause des actionnaires privés de la SEMISO, dont la valeur des parts sociales serait augmentée à proportion de l'augmentation de son capital sans que ces actionnaires privés n'aient contribué financièrement à cette augmentation.
9. D'une part, la décision attaquée se fonde exclusivement sur des motifs qui, tirés de la méconnaissance de l'article L. 421-7-1 du code de la construction, avaient trait aux conditions financières de la dissolution à venir de l'office requérant par décret, et non aux conditions d'aliénation de son patrimoine, sont ainsi étrangers à ceux prévus, à la date de la décision attaquée, par l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation et relèvent ainsi qu'il a été dit plus haut d'une procédure distincte, alors même que ce n'est que postérieurement à l'intervention de cette décision que l'article L. 443-7 du code de la construction, tel que modifié par l'article 84 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et la citoyenneté, a intégré au nombre des conditions de la cession du patrimoine bâti des offices publics de l'habitat, lorsque celle-ci conduit à la dissolution de ces offices, l'examen des conditions de mise en oeuvre de la dissolution de ces organismes.
10. D'autre part, et en tout état de cause, la ministre du logement et de l'habitat durable, en se bornant à opposer aux requérants les seules conditions financières de la dissolution de l'office sans indiquer en quoi ces dernières porteraient atteinte au maintien de l'offre d'habitat locatif social sur le territoire des communes concernées ou à la possibilité, pour la SEMISO, d'exercer les missions d'intérêt général incombant aux organismes de gestion d'habitations à loyer modéré, ne saurait être regardée comme ayant fondé la décision litigieuse sur un motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle à l'opération d'aliénation du patrimoine de L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " sur laquelle elle était amenée à se prononcer dans le présent litige.
11. Dans ces conditions, comme le soutiennent les requérants, la ministre du logement et de l'habitat durable a entaché la décision attaquée d'erreur de droit. Par suite, il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et la SEMISO sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de l'office.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros chacun au titre des frais exposés respectivement par l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et la SEMISO dans les présentes instances et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les interventions de l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et de la SEMISO sont admises.
Article 2 : Le jugement n° 1604811 du Tribunal administratif de Montreuil du 26 octobre 2017 est annulé.
Article 3 : La décision de la ministre du logement et de l'habitat durable du 26 avril 2016 est annulée.
Article 4 : L'État versera à l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT " SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC " et à la SEMISO une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Nos 17VE03933...