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15/10/2019 | FRANCE | N°17VE02702

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 15 octobre 2019, 17VE02702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 27 janvier 2014 rejetant sa demande indemnitaire et sa demande de retrait de la décision du 20 mai 2008, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 et rejetant sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que les décisions du 20 mai 2008 et du 1er juin 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008, ainsi que la décision implicit

e de rejet opposée au recours gracieux du 6 juillet 2015. D'autre part,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 27 janvier 2014 rejetant sa demande indemnitaire et sa demande de retrait de la décision du 20 mai 2008, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 et rejetant sa demande de protection fonctionnelle, ainsi que les décisions du 20 mai 2008 et du 1er juin 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008, ainsi que la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux du 6 juillet 2015. D'autre part, elle a demandé, avant dire droit, de désigner un expert, de condamner la commune de Plaisir à lui verser une somme de 50 000 euros, à titre provisoire jusqu'au dépôt du rapport de l'expert, ou à titre définitif si aucune mesure d'expertise n'était ordonnée, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande indemnitaire préalable, et de l'anatocisme si plus d'une année d'intérêts de retard était due, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle a subi et, enfin, d'enjoindre à la commune de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 ou, à défaut, de saisir la commission de réforme pour qu'il soit statué pour avis sur l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008. Elle a demandé, par ailleurs, la condamnation de la commune de Plaisir aux entiers dépens et à ce que soit mise à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1402226 du 12 juin 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête présentée par Mme C... et les conclusions de la commune de Plaisir tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août 2017 et 13 septembre 2019, Mme C..., représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° avant dire droit, de désigner un expert au titre des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative afin d'évaluer son état de santé ;

3° d'annuler la décision du 27 janvier 2014 rejetant son recours indemnitaire préalable, ainsi que sa demande de retrait de la décision du 20 mai 2008, refusant en outre l'imputabilité au service de l'accident de service du 18 avril 2008 ainsi que sa demande de protection fonctionnelle ;

4° d'annuler toutes les décisions refusant l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008, soit la décision du 20 mai 2008 refusant l'imputabilité au service de l'accident de service du 18 avril 2008 et celle née sur le recours gracieux de Mme C... du 6 juillet 2015, sinon à ce qu'il soit prononcé un non-lieu à statuer, la décision du 25 octobre 2016 ayant procédé au retrait de la décision du 20 mai 2008 ;

5° de condamner la commune de Plaisir à lui verser une somme de 50 000 euros, à titre provisoire jusqu'au dépôt du rapport de l'expert, ou à titre définitif si aucune mesure d'expertise n'était ordonnée, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande indemnitaire préalable, et de l'anatocisme si plus d'une année d'intérêts de retard était due, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle a subi, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de l'exercice de la demande indemnitaire préalable et de l'anatocisme si plus d'une année de retard devait être due, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil ;

6° d'enjoindre à la commune de Plaisir de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008, en application des articles L. 911- 1 et suivants du code de justice administrative ;

7° de mettre à la charge de la commune de Plaisir le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison d'omissions à statuer ;

- le tribunal aurait dû statuer sur la décision du 25 octobre 2016 par substitution à la décision du 22 mai 2008 ;

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges n'ont pas joint la requête avec celle présentée contre une décision du 25 octobre 2016 refusant l'imputabilité de l'accident du 18 avril 2008 ;

- l'irrecevabilité retenue par les premiers juges pour rejeter les conclusions dirigées contre la décision du 18 avril 2008 porte atteinte au droit au recours effectif et au droit à un procès équitable protégé par l'article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantis par les dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'intérêt du service n'est pas justifié ;

- son état de santé s'est dégradé et elle a dû observer un suivi psychologique ;

- elle prouve avoir supporté des agissements répétés de son supérieur hiérarchique à la direction des affaires culturelles portant atteinte à son état de santé, constitutifs de harcèlement moral ;

- elle a toujours réalisé un excellent travail auprès de la direction des affaires culturelles ;

- sa notation s'est dégradée de manière inexpliquée à partir de 2007 ;

- des formations lui ont été refusées ;

- elle a été mise à l'écart et perdu en responsabilité, ainsi qu'en autonomie ;

- elle a perdu en rémunération ;

- la décision portant refus d'imputabilité de l'accident au service est entachée d'illégalités fautives, dès lors qu'elle est insuffisamment motivée et qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- elle a droit à la réparation des préjudices causés par les faits de harcèlement moral et du refus irrégulier de la commune à lui attribuer la protection fonctionnelle.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour Mme C... et de Me D... pour la commune de Plaisir.

Deux notes en délibéré, présentées pour Mme C..., ont été enregistrées les 23 et 30 septembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. A l'expiration d'un congé, Mme C... a réintégré le 5 janvier 2004 la commune de Plaisir sur un poste de chargé de mission à la direction des affaires culturelles à temps partiel, puis à temps plein à compter de janvier 2005. Par décision du 20 mai 2008, le maire de la commune de Plaisir a rejeté sa demande tendant à reconnaître l'imputabilité au service d'un malaise dont elle a été victime le 18 avril 2008. Par une décision du maire du 19 juin 2008, Mme C... a été placée en position de congé de maladie ordinaire à demi traitement à compter du 5 juin 2008. Elle a repris ses fonctions le 1er septembre 2008, puis a été affectée à compter du 23 février 2009 à un poste de secrétaire comptable à la bibliothèque municipale. Mme C... a ensuite été placée en congé maladie à compter du 12 septembre 2013, prolongé jusqu'au 31 janvier 2014. Par un recours administratif préalable du 26 décembre 2013, elle a présenté des demandes tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de harcèlement moral, à l'organisation d'une enquête administrative sur les méthodes de management du directeur des affaires culturelles de la commune, au versement d'une somme en réparation des préjudices causés par ce harcèlement et au retrait de la décision en date du 20 mai 2008. Par décision en date du 27 janvier 2014, le maire de la commune a rejeté la demande indemnitaire ainsi que la demande de protection fonctionnelle et a informé l'intéressée de ce que sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 fera l'objet d'une nouvelle présentation devant la commission de réforme. Par requête, enregistrée le 25 mars 2014, elle saisissait le Tribunal administratif de Versailles du recours à fin d'annulation, d'indemnisation, d'injonction et d'expertise rappelé ci-avant. En cours d'instance, la collectivité a saisi la commission de réforme qui rendait un avis défavorable à l'imputabilité du malaise du 18 avril 2008 au service. Le maire informait Mme C... de cette décision par courrier du 1er juin 2015, lequel était contesté par un recours gracieux le 6 juillet 2015. Par décision du 25 octobre 2016, le maire a décidé de refuser l'imputation au service du malaise. Par un jugement n° 1402226 du 12 juin 2017, dont elle relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme C....

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne les omissions à statuer :

2. En premier lieu, Mme C... soutient que le Tribunal administratif de Versailles n'a pas répondu à sa demande tendant à joindre son recours tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2008 avec celui présenté devant le même tribunal, tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2016, par laquelle le maire a refusé l'imputation du malaise du 18 avril 2008 au service. Toutefois, la jonction de deux requêtes pendantes devant la même juridiction, qui ne peut avoir d'influence sur le sens des décisions à prendre sur chacune d'entre elles, ne constitue jamais une obligation pour le juge. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur la demande de jonction doit être écarté.

3. En deuxième lieu, Mme C... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens de légalité externe invoqués à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision de protection fonctionnelle, en considérant, à tort, qu'il s'agissait d'un plein contentieux, alors qu'elle présentait une requête mixte. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'appelante n'avait soulevé ces moyens qu'à l'égard des décisions du 20 mai 2008 et du 27 janvier 2014, en tant qu'elles refusaient de reconnaître l'imputabilité au service. Dès lors que le tribunal a rejeté les conclusions dirigées contre ces décisions comme irrecevables, il n'avait pas à statuer sur les moyens en cause. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort du jugement critiqué, ainsi que le fait valoir Mme C..., que le Tribunal administratif de Versailles n'a pas expressément statué sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer, pourtant mentionnées dans les visas du jugement, présentées en défense par la commune de Plaisir à l'encontre des conclusions de la demande de Mme C... dirigées contre les décisions du 20 mai 2008 et 1er juin 2015, au motif qu'elle aurait procédé à leur retrait par une d'une décision prise le 25 octobre 2016.Toutefois, si le tribunal n'a pas répondu aux conclusions à fin de non-lieu opposées par la commune à titre principal en première instance, cette omission n'est pas de nature à faire grief à l'intéressée. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. Enfin, Mme C... soutient que le tribunal aurait dû statuer sur la décision du 25 octobre 2016 " par substitution " à la décision du 20 mai 2008. Toutefois, si les deux décisions refusant l'imputation d'un accident au service portent sur le même évènement, elles ont une portée différente, dès lors que la première décision est fondée sur l'absence de déclaration d'un accident de service faite auprès des autorités compétentes, rendant impossible l'appréciation du lien de causalité, alors que la seconde repose sur l'appréciation de la commission de réforme qui a estimé que le dossier médical ne comportait pas d'élément prouvant le lien de causalité entre l'accident et ses fonctions. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le défaut de motivation du jugement :

6. L'article L. 9 du code de justice administrative prévoit que : " Les jugements sont motivés. ".

7. Mme C... soutient que les premiers juges auraient répondu aux conclusions tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle de manière laconique et stéréotypée, sans répondre à l'ensemble des arguments qu'elle avait soulevé. Toutefois, il résulte des points 6 à 11 du jugement que pour rejeter ces conclusions, le tribunal s'est fondé, en particulier, sur la réorganisation du service en 2007, les différentes notations qui tenaient compte de la valeur professionnelle de l'intéressée sans comporter d'élément dévalorisant, la circonstance que la plupart de ses demandes de formation lui ont été accordées et sur ce que les agissements de la hiérarchie n'avaient pas excédé les limites de l'exercice normal de pouvoir hiérarchique. Il en a conclu que l'intéressée ne présentait pas d'éléments de nature à faire présumer le harcèlement. Le tribunal administratif, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui du moyen, a ainsi suffisamment motivé son jugement.

Sur le fond :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 20 mai 2008 :

8. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Pour rejeter les conclusions dirigées contre la décision du 20 mai 2008, le Tribunal administratif de Versailles a relevé que le recours en annulation dirigé contre cette décision avait été présenté six ans après sa date de notification, soit au-delà du délai raisonnable. Mme C... soutient que cette irrecevabilité retenue par les premiers juges méconnait les stipulations des articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Toutefois, la règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il suit de là que le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 27 janvier 2014 en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service du malaise du 18 avril 2008 :

9. Par un courrier du 26 décembres 2013, Mme C... a, notamment, sollicité le retrait de la décision du 20 mai 2008. Par son courrier du 27 janvier 2014, le maire s'est borné à l'informer de ce que sa demande d'imputabilité au service fera l'objet d'une nouvelle instruction devant la commission de réforme. Sa demande a d'ailleurs été soumise à l'avis de cette commission et a abouti à ce que le maire prenne la décision du 25 octobre 2016 refusant l'imputabilité de l'accident au service. Par suite, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 27 janvier 2014 qui ne fait pas grief sont irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

10. Aux termes des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...). ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...). ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées.

11. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

13. Mme C..., agent administratif de la commune de Plaisir, a réintégré le 5 janvier 2004 à l'issue d'un congé parental les services de cette commune sur un poste de chargé de mission à la direction des affaires culturelles à temps partiel, puis à temps plein à compter de janvier 2005. Elle soutient qu'à partir de l'été 2007 elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions. Elle fait valoir que jusqu'en 2007, sa notation professionnelle s'établissait autour de 15,5/20, en raison de sa motivation et de son niveau de compétence satisfaisant et qu'elle avait participé notamment à la mise en place et au suivi de projets de partenariats et des missions de coordination, s'investissant beaucoup dans le festival " Escales d'ailleurs ", pour lequel elle a été régulièrement félicitée. En revanche à partir de juillet 2007, elle fait valoir que la commune de Plaisir a procédé à une nouvelle organisation de la direction des affaires culturelles au terme de laquelle un nouvel organigramme a été mis en place, dans lequel ne figure plus comme auparavant le poste de chargée de mission. Elle indique qu'à partir de là, elle a été périodiquement privée de tâches à accomplir et de contacts avec les intervenants extérieurs et a été placée dans un bureau partagé. Sa notation pour les années 2007 et 2008 a été rabaissée à 14,4 et 13 sur 20 et son régime indemnitaire réduit par arrêté du maire de Plaisir du 22 avril 2008 motif pris de son manque d'implication et de motivation. Enfin, à compter du 2 mars 2009, elle a été affectée à un poste de secrétaire comptable des bibliothèques, avec des missions relevant du suivi du budget et de tâches de secrétariat.

14. Toutefois il résulte de l'instruction, notamment des fiches d'évaluation professionnelle des années 2007 et 2008, des échanges de courriels avec sa hiérarchie en 2008, au sujet de fiches de synthèse de spectacles à intégrer dans la politique culturelle qu'elle n'avait pas remises au directeur général des services malgré sa demande, ainsi que de la décision précitée du 22 avril 2008 réduisant le montant de son régime indemnitaire, corroborés par le courrier du directeur général des services du 16 juin 2008, que Mme C... a connu des difficultés d'adaptation à la nouvelle organisation de la direction des affaires culturelles décidée dans l'intérêt du service qui ont affecté sa manière de servir, ainsi que ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques. S'il résulte des différentes pièces produites par Mme C... que le nouveau directeur des affaires culturelles nommé mi 2007 a adopté un management parfois autoritaire, il ne ressort en revanche d'aucune de ces pièces que ce dernier ait agi au-delà des limites de l'exercice normal de pouvoir hiérarchique. Les faits de harcèlement moral ne peuvent, en outre, être déduits de la dégradation de son état psychologique, en dépit de sa gravité, établie par les pièces médicales, ni de l'écart de son niveau de notation entre les années 2007-2008 et des périodes antérieures et postérieures. Il résulte, en outre, des pièces du dossier que si Mme C... soutient avoir supporté une perte de responsabilité, ses nouvelles missions résultent, ainsi qu'il a été dit, de la nouvelle organisation de la direction et il est constant que le nouveau poste sur lequel elle a été affectée en mars 2009 correspond à son grade et que sa notation a alors régulièrement augmenté notamment en raison de sa motivation et de son savoir-faire. Ses pertes de rémunération ne résultent pas davantage de faits de harcèlement, mais de la décision du 22 avril 2008 précitée, fondée sur son manque d'implication et de motivation, puis du fait de son placement en congé maladie de longue durée. Par ailleurs, si Mme C... fait valoir que l'autorité administrative a rejeté ses demandes de formation, il ressort de l'instruction qu'elle a bénéficié de six formations auprès du centre national de la fonction publique territoriale entre 2011 et 2013 d'une durée totale de 14 jours et que la seule demande qui a été rejetée, le 11 mars 2009, en vue d'accéder à une licence III " conception et mise en oeuvre de projets culturels " à l'université Paris III, dont Mme C... demandait la prise en charge par la commune pour un prix de 1 073 euros, l'a été en raison de l'absence d'intérêt pour le service d'une telle formation, Mme C... occupant à cette date les fonctions de secrétaire comptable des bibliothèques. Dans ces conditions, Mme C... ne peut pas être regardée comme rapportant des éléments de fait suffisants pour permettre de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral justifiant que lui soit accordée la protection fonctionnelle.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de refus de protection fonctionnelle, ses conclusions indemnitaires présentées en réparation des préjudices causés par l'illégalité de cette décision et par le harcèlement moral, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, sa requête doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Plaisir verse à Mme C..., qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Plaisir sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Plaisir tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE02702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02702
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-15;17ve02702 ?
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