Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL NUVEMY a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mai 2013.
Par un jugement n° 1604284 du 21 septembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2017, et un mémoire, enregistré le 30 avril 2018 et régularisé le 24 mai 2018, la SARL NUVEMY, représentée par Me Albert, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
3° de lui accorder, dans cette attente, le bénéfice du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale échoue à rapporter la preuve, qui lui incombe, de ce que la société Sofradim se serait livrée à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, faute notamment d'établir que le défaut de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée collectée aurait concerné des livraisons de biens qui lui auraient été facturées ;
- l'administration fiscale ne démontre pas davantage qu'elle aurait eu connaissance de sa participation à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle se serait livrée la société Sofradim ; cette dernière, notamment, avait une activité commerciale réelle et lui a livré de manière habituelle des meubles destinés à la vente de détail ; la fraude, à la supposer constituée, est en tout état de cause le fait du gérant de la société Sofradim en fonction à compter de l'année 2012 et avec lequel la SARL NUVEMY n'avait aucune relation particulière ;
- l'administration fiscale, en faisant application des dispositions du 3. de l'article 272 du code général des impôts sans rapporter ces éléments de preuve, a en outre méconnu sa propre interprétation de la loi fiscale, telle qu'exposée par les commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) le 8 mars 2013 sous la référence BOI-TVA-DED-10-30, n°s 20 à 50 ;
- l'administration fiscale, en remettant en cause son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la société Sofradim et en réclamant à cette dernière, ou à défaut à son gérant, le reversement de la taxe collectée et retenue par elle, procède à une double imposition.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Albert, avocat de la SARL NUVEMY.
La SARL NUVEMY, représentée par Me Albert, avocat, a déposé une note en délibéré, enregistrée le 17 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL NUVEMY, dont le siège est à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) exerce une activité de commerce de meubles et accessoires d'ameublement. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du
1er janvier 2012 au 31 mai 2013, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels de taxe portant sur l'ensemble de cette période, et résultant de la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix de livraisons de meubles facturées par la société Sofradim, dont le service a estimé qu'elle se livrait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée consistant à s'abstenir de reverser les montants de taxe collectés par elle. La SARL NUVEMY fait appel du jugement n° 1604284 du 21 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II 1. (...) la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ". Par ailleurs, l'article 272 de ce code dispose : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".
3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsque l'administration fiscale établit, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
4. D'une part, l'administration fiscale, à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société Sofradim portant sur la même période que celle concernée par le présent litige, dont la SARL NUVEMY ne conteste pas sérieusement les conclusions, a mis en évidence la minoration systématique et très importante, tant du volume de ses livraisons soumises à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée que des montants de taxe sur la valeur ajoutée déclarée par cette société à raison de ses livraisons d'objet d'ameublement à ses clients, ainsi que l'application systématique de déductions de taxe à laquelle la société Sofradim ne pouvait prétendre, en vue de conserver en trésorerie les montants de taxe collectée dont l'existence était ainsi cachée à la connaissance du fisc. Eu égard à l'importance et au caractère volontaire, systématique et organisé de ces omissions déclaratives et de ces déductions de taxe sur la valeur ajoutée irrégulières, qui étaient d'ailleurs pratiquées également par la société Romina, dont la société Sofradim a repris l'activité à compter de l'année 2011 et dont le gérant était M. H... E..., par ailleurs gérant de la SARL NUVEMY, l'administration fiscale rapporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise par cette dernière quand bien même la société Sofradim a par ailleurs eu une réelle activité commerciale. La circonstance, invoquée par la société requérante, et selon laquelle l'administration fiscale n'aurait pas formellement établi que les montants de taxe sur la valeur ajoutée éludés par la société Sofradim se rapporteraient exclusivement et pour la totalité de leur montant à des prestations facturées à la SARL NUVEMY est sans incidence sur l'établissement en son principe de l'existence de la fraude en cause par l'administration.
5. D'autre part, la société Sofradim, dont la réalité de l'activité commerciale n'est pas remise en cause par l'administration fiscale, était, au cours de la période vérifiée, le fournisseur principal de la SARL NUVEMY, qui est, par ailleurs, le principal client de la société Sofradim avec une autre société de commerce de meubles, dénommée " SARL Somary ", qui exerce son activité sous la même enseigne commerciale que la SARL NUVEMY. Les sociétés Sofradim et Somary partagent avec la SARL NUVEMY, avec une intensité supérieure à celle qu'impliqueraient des relations d'affaires normales, un certain nombre de moyens d'exploitation, notamment un entrepôt situé à Villetanneuse, appartenant à la SARL NUVEMY, dans lequel l'administration fiscale, à l'occasion d'une opération de visite et de saisie prévue par l'article
L. 16 B du livre des procédures fiscales, a mis en évidence la présence de lettres de voiture se rapportant à des livraisons à la société Sofradim. En outre, la société Sofradim et la SARL NUVEMY ont également en commun un certain nombre de personnels ayant travaillé successivement chez l'une ou l'autre de ces sociétés et, en outre, unis entre eux par des liens de parenté. Enfin, le fondateur de la société Sofradim, M. A... C..., est originaire de la même ville turque que Mme F... D..., épouse C..., associée de la SARL NUVEMY, et que
M. H... E..., dont le cousin, M. B... E..., est par ailleurs l'expert-comptable commun des la société requérante et de la société Sofradim. Dans ces conditions, et compte tenu de la particulière intensité des liens reliant la SARL NUVEMY et la société Sofradim qui, ainsi qu'il est dit précédemment, a repris l'activité exercée antérieurement par une société dirigée par le gérant de la SARL NUVEMY, l'administration fiscale doit être également regardée comme apportant la preuve que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle participait, en achetant ses fournitures auprès de la société Sofradim, à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, quand bien même d'ailleurs ces fraudes auraient été essentiellement le fait du gérant ayant succédé à M. C... à la tête de la société Sofradim, ce que la SARL NUVEMY affirme d'ailleurs sans l'établir. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le prix des livraisons de biens facturées à la SARL NUVEMY par la société Sofradim et a mis à la charge de la société requérante les rappels de taxe contestés.
6. En deuxième lieu, à supposer que la SARL NUVEMY entende se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) le
8 mars 2013 sous la référence BOI-TVA-DED-10-30, n°s 20 à 50, pour soutenir que l'administration fiscale aurait manqué à ses obligations en matière d'administration de la preuve de l'existence des conditions de mise en oeuvre des dispositions précitées du 3. de l'article 272 du code général des impôts, elle ne peut cependant invoquer utilement ces commentaires, qui ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale, à l'appui de sa demande en décharge des rappels litigieux.
7. En troisième lieu, dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés, d'une part, à la société Sofradim et, d'autre part, à la SARL NUVEMY, concernent deux contribuables distincts, cette dernière ne saurait invoquer l'existence d'une double taxation entre les mains d'un même contribuable. En outre, dès lors que le refus de prise en compte de sa taxe sur la valeur ajoutée déductible découle, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, de sa participation consciente à un circuit de fraude, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les rappels en litige méconnaîtraient le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.
8. En quatrième et dernier lieu, la SARL NUVEMY ne conteste l'application des pénalités mises à sa charge par aucun autre moyen autre que celui tiré de l'absence de bien-fondé de ces majorations par voie de conséquence de l'absence de bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. Elle n'est donc pas fondée, compte tenu de ce qui précède, à en demander la décharge.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL NUVEMY n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales :
10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales :
" Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. (...) ".
11. Ces dispositions, qui ont pour objet de permettre de surseoir au paiement des impositions lorsqu'il a été formé contre elles une réclamation contentieuse, n'ont de portée que pendant la durée de l'instance devant le tribunal administratif dès lors que, lorsque le tribunal s'est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n'a pas prononcé la décharge. Par suite, les conclusions tendant au sursis de paiement présentées par
la SARL NUVEMY sont irrecevables devant la Cour et ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL NUVEMY est rejetée.
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N° 17VE03301