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01/10/2019 | FRANCE | N°17VE01936

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 17VE01936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) ROHM et HAAS FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'augmenter son déficit au titre de l'exercice clos en 2009 de la somme de 6 099 413 euros et de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre de ce même exercice, à hauteur de la somme de 1 076 367 euros.

Par un jugement n° 1506948 du 13 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juin 2017 et 16 avril 2018, la soc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) ROHM et HAAS FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'augmenter son déficit au titre de l'exercice clos en 2009 de la somme de 6 099 413 euros et de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre de ce même exercice, à hauteur de la somme de 1 076 367 euros.

Par un jugement n° 1506948 du 13 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juin 2017 et 16 avril 2018, la société par actions simplifiée (SAS) DOW FRANCE, anciennement dénommée SAS ROHM et HAAS FRANCE, représentée par Me B..., avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le rétablissement de son déficit au titre de l'exercice clos en 2009 en réévaluant celui-ci d'un montant de 6 099 413 euros et la décharge de retenue à la source sollicités ;

3° d'ordonner " l'exécution " de l'arrêt ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que l'absence de répercussion de la hausse des redevances de location-gérance sur les prix facturés à la société Rohm et Haas Europe constituerait un acte anormal de gestion, constitutif d'un transfert de bénéfices à l'étranger au sens de l'article 57 du code général des impôts ;

- la retenue à la source opérée, par suite, en application de 2 de l'article 119 bis du code général des impôts sur les revenus réputés distribués au sens du c. de l'article 111 constitue une atteinte à la libre circulation des capitaux et des services, prévue à l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société ROHM et HAAS FRANCE, devenue DOW FRANCE, membre du groupe de droit américain Rohm et Haas, a pris en location-gérance auprès de la société Morton International, sur le site de Semoy, un fonds commercial de fabrication et de commercialisation de produits chimiques. Au mois de juillet 2007, la société-mère américaine a décidé, dans le cadre de la réorganisation de ses activités européennes, d'implanter un siège européen à Morges (Suisse) en créant la société Rhom et Haas Europe. La société ROHM et HAAS FRANCE est devenue façonnier pour le groupe Rhom et Haas, exerçant une activité de sous-traitance. Elle a, à ce titre, conclu avec la société Rhom et Haas Europe, société de droit suisse, le 1er juillet 2007, un contrat dit " Toll Manufacturing Agreement " par lequel, dans sa version modifiée du

22 décembre 2008, elle s'engage à exécuter les Services de Transformation, les Services d'Entreposage, et le Conditionnement demandés par le donneur d'ordre, pour une rémunération dite " frais de service " égale aux " coûts réels engagés basés sur la catégorie convenue de coûts dans les dernières prévisions " des opérations correspondantes, majorés de 10 % (cost+10%). Lors d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos le 31 décembre 2009, l'administration a relevé que, pour l'application du " Toll Manufacturing Agreement ", dans sa version datée du 22 décembre 2008 applicable au titre de la période en cause, la société ROHM et HAAS FRANCE n'avait pas pris en compte, pour la détermination des " coûts réels engagés " pour l'exécution des services demandés par le donneur d'ordre, avant application de la majoration de 10 % permettant d'aboutir au prix facturé à celle-ci, la hausse des redevances de location-gérance versées à la société Morton International, cette hausse trouvant son origine dans l'application par cette dernière d'un amortissement exceptionnel à ses immobilisations du fait de la fermeture prochaine de l'usine de Semoy décidée par la société Rohm et Haas Europe. Estimant que cette omission induisait un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, au sens de l'article 57 du code général des impôts, elle a rehaussé les résultats de l'entreprise au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 à concurrence de la réintégration du montant de la hausse des redevances dans celui des " coûts réels engagés " retenu pour la détermination des " frais de services " et mis à sa charge des rappels de retenue à la source pour un montant de

1 076 367 euros. La SAS DOW FRANCE, anciennement dénommée SAS ROHM et HAAS FRANCE, fait appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant au rétablissement de son déficit reportable à concurrence de la prise en compte des " coûts réels engagés " des prestations de façonnier réalisés net de la hausse des redevances de location-gérance et à la décharge des rappels de retenue à la source.

2. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". Aux termes de l'article 57 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) / A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transfert de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

3. D'une part, le ministre de l'action et des comptes publics, se borne à faire valoir que la rémunération perçue par la société RHOM et HAAS FRANCE était déterminée selon la méthode des coûts majorés dite " cost-plus ", à savoir l'application d'un taux de marge sur les coûts, et que le contrat n'exclut nullement de ceux-ci les coûts tels que l'augmentation des redevances occasionnée par la restructuration du groupe Rhom et Haas, sans établir, ni même alléguer que cette exclusion aurait nécessairement eu pour effet de conduire, en pratique, la société à effectuer des ventes à pertes alors que la société DOW FRANCE fait valoir que le taux de marge de 10 % prévu dans le contrat se justifiait par " les aléas supportés en contrepartie ".

4. D'autre part, l'absence de prise en compte, par la société française, pour la détermination du prix des prestations de Transformation, d'Entreposage et de Conditionnement à facturer à une société étrangère qui lui est liée en application d'un contrat prévoyant une rémunération du type de celle prévue par le " Toll Manufacturing Agreement ", dans sa version modifiée du 22 décembre 2008 et mentionné au point 1, de la hausse des redevances dues à la société Morton International en application du contrat de location-gérance les liant ne saurait être considérée comme permettant, par elle-même et indépendamment du niveau du prix auquel cette déduction conduit par application du mode de calcul contractuel, de présumer l'existence d'un transfert de bénéfices à l'étranger, au sens de l'article 57 du code général des impôts, à charge pour la société française d'établir l'existence d'une contrepartie. Il en résulte qu'alors même que l'accord entre les deux sociétés ne stipulait pas expressément que les " coûts réels engagés " pris comme base de calcul du prix des prestations effectuées s'entendrait des coûts effectivement supportés, à l'exception de ceux trouvant leur origine dans la restructuration du groupe Rohm et Haas, dans une décision de la société Rohm et Haas Europe et regardées par l'intéressée comme des charges exceptionnelles, à défaut d'avoir présenté des termes permettant de comparer valablement les prix facturés par la société ROHM et HAAS FRANCE à la société Rhom et Haas Europe et ceux pratiqués entre entreprises similaires indépendantes, l'administration, qui ne propose aucune méthode alternative pouvant se substituer à cette comparaison, n'apporte pas la preuve que les sommes réintégrées dans les résultats de la société requérante constituaient des bénéfices indûment transférés à l'étranger et, par suite, des distributions occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts devant être assujetties à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du même code.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS DOW FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre des frais exposés par la SAS DOW FRANCE et non compris dans les dépens.

7. Enfin, aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Ainsi, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce que la Cour de céans ordonne l'exécution immédiate du présent arrêt.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1506948 du Tribunal administratif de Montreuil du 13 avril 2017 est annulé.

Article 2 : Le déficit de l'exercice clos en 2009 de la SAS DOW FRANCE, anciennement dénommée SAS ROHM et HAAS FRANCE, est rétabli à concurrence d'une somme

de 6 099 413 euros.

Article 3 : La SAS DOW FRANCE est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS DOW FRANCE une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SAS DOW FRANCE est rejeté.

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N° 17VE01936


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