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11/07/2019 | FRANCE | N°16VE00801

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Formation plénière, 11 juillet 2019, 16VE00801


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 6 juillet 2017, la Cour a sursis à statuer sur la requête de l'association ŒUVRE D'ASSISTANCE AUX BETES D'ABATTOIRS (OABA) jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : les règles applicables du droit de l'Union européenne résultant notamment de l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007, dont les modalités d'application sont fixées par le règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 sep

tembre 2008, et du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du

24 septem...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 6 juillet 2017, la Cour a sursis à statuer sur la requête de l'association ŒUVRE D'ASSISTANCE AUX BETES D'ABATTOIRS (OABA) jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : les règles applicables du droit de l'Union européenne résultant notamment de l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007, dont les modalités d'application sont fixées par le règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008, et du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du

24 septembre 2009, doivent-elles être interprétées comme autorisant ou interdisant la délivrance du label européen " agriculture biologique " à des produits issus d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage rituel sans étourdissement préalable, conduit dans les conditions fixées par le règlement (CE) n° 1099/2009 '

La Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question préjudicielle par un arrêt du 26 février 2019, n° C-497/17.

Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2019, l'association OABA, représentée par la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut à ce que les sommes devant être mises à la charge, respectivement, de la société Ecocert, de l'INAO et de la société Bionoor au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soient portées

à 6 000 euros et, pour le surplus, conclut aux mêmes fins que sa requête introductive d'instance, par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur la question préjudicielle posée par la Cour et a confirmé, à cette occasion, sa position relative à l'incompatibilité avec les règles applicables du droit de l'Union européenne de la délivrance de la certification " agriculture biologique " à des produits issus d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage rituel sans étourdissement préalable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 9 et 14, et son premier protocole additionnel ;

- la charte sociale européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques ;

- le règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 834/2007, modifié ;

- le règlement (CE) n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Monod, avocat de l'association OABA, et de

Me Gardères, avocat de la société Bionoor.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, le 24 septembre 2012, l'association OABA a adressé au ministre de l'agriculture une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés de la marque " Tendre France " certifiés " halal " et comportant la mention " agriculture biologique ", ainsi qu'une demande à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) tendant à ce que cet organisme prenne une décision excluant du label " agriculture biologique " la viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement préalable. Ces demandes ayant été implicitement rejetées, l'association OABA, par requête du

23 janvier 2013, a saisi le Conseil d'État de conclusions aux fins d'annulation de ces décisions. Par une décision n° 365447 du 20 octobre 2014, le Conseil d'État statuant au contentieux a, d'une part, rejeté ces conclusions en tant qu'elles tendaient à l'annulation du refus du pouvoir réglementaire national d'interdire l'usage de la mention " agriculture biologique " au titre des produits de viande bovine issue d'animaux abattus sans étourdissement préalable, dès lors que la délivrance de ce label et son usage sont entièrement régis par le droit européen, et, d'autre part, attribué au Tribunal administratif de Montreuil le jugement du surplus des conclusions de la requête, tendant à l'annulation du refus de l'organisme certificateur, en l'espèce la société Ecocert, de prendre, par application de l'article 30 du règlement (CE)

n° 834/2007 du Conseil, des mesures mettant fin à la publicité et à la commercialisation des produits de la marque " Tendre France " certifiés " halal " et comportant la mention " agriculture biologique ". L'association OABA fait appel du jugement n°1409869 du 21 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

2. Aux termes de l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Lorsqu'ils formulent et mettent en oeuvre la politique de l'Union dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux ".

3. D'une part, en vertu des 1er et 17ème considérants du préambule du règlement

n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, l'application de " normes élevées en matière de bien-être animal " est l'un des critères de la production biologique, le respect de telles normes constituant lui-même un objectif général de la production biologique, édicté en vertu de l'article 3 de ce règlement. En outre, aux termes de l'article 14 de celui-ci : " 1. Outre les règles générales applicables à la production agricole énoncées à l'article 11, les règles suivantes s'appliquent à la production animale : / (...) b) en ce qui concerne les pratiques d'élevage : (...) / viii) toute souffrance, y compris la mutilation, est réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l'animal, y compris lors de l'abattage (...) ". Le respect de ces règles conditionne l'apposition du label européen " agriculture biologique " prévu par l'article 25 de ce même règlement, selon le modèle mentionné à l'article 57 du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement n° 834/2007.

4. D'autre part, le 18ème considérant du préambule du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort précise : " (...) il importe de maintenir la dérogation à l'exigence d'étourdissement des animaux préalablement à l'abattage, en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque État membre. En conséquence, le présent règlement respecte la liberté de religion et le droit de manifester sa religion ou ses convictions par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites, tel que le prévoit l'article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (...) ". Aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques relatives à leur application exposées à l'annexe I. L'animal est maintenu dans un état d'inconscience et d'insensibilité jusqu'à sa mort ". Toutefois, le paragraphe 4 du même article dispose : " Pour les animaux faisant l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d'application pour autant que l'abattage ait lieu dans un abattoir ". L'article 5 de règlement précise : " (...) 5. Lorsque, aux fins de l'article 4 paragraphe 4, les animaux sont mis à mort sans étourdissement préalable, les personnes chargées de l'abattage procèdent à des contrôles systématiques pour s'assurer que ces animaux ne présentent aucun signe de conscience ou de sensibilité avant de mettre fin à leur immobilisation et ne présentent aucun signe de vie avant l'habillage ou l'échaudage ".

5. Par son arrêt C-497/17 du 26 février 2019, par lequel elle s'est prononcée sur la question dont cette Cour l'a saisie à titre préjudiciel dans le cadre de la présente instance par un arrêt avant dire droit du 6 juillet 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le règlement n° 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, notamment son article 3 et son article 14, paragraphe 1, sous b), viii), lu à la lumière de l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise pas l'apposition du label de production biologique de l'Union européenne, visé à l'article 57, premier alinéa, du règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d'application du règlement n° 834/2007, tel que modifié par le règlement (UE) n° 271/2010, du 24 mars 2010, sur des produits issus d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage rituel sans étourdissement préalable, conduit dans les conditions fixées par le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil, du

24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, notamment par son article 4, paragraphe 4.

6. Il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les organismes de droit privé chargés notamment, dans les conditions prévues par les articles L. 640-3 et L. 642-3 et suivants du code rural et de la pêche maritime, d'assurer, en vertu de l'article L. 642-28 du même code, la certification des produits bénéficiant du label " agriculture biologique " prévu par les dispositions précitées du droit de l'Union, ne peuvent délivrer une telle certification aux produits d'origine animale commercialisés par des opérateurs économiques lorsque ces produits proviennent d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage sans étourdissement préalable. Les steaks hachés bénéficiant de la certification " halal " et commercialisés par la société Bionoor sous la marque " Tendre France " étant produits à partir de la viande de bovins ainsi abattus, ils ne sauraient, pour ce motif, bénéficier de la délivrance et de l'usage du label européen " agriculture biologique ". L'association OABA est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que les dispositions combinées du règlement CE n° 834/2007 précité et de son règlement d'application (CE)

n° 889/2008 ne réglementent pas les conditions d'abattage des animaux ni n'interdisent de conférer le label " agriculture biologique " à un produit issu d'un animal abattu sans étourdissement préalable.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner avant de statuer sur les conclusions de l'appelant tous les moyens opérants soulevés par les intimés devant les premiers juges, à la seule exception de ceux qu'ils ont expressément abandonnés, ainsi que les moyens qu'ils ont soulevés en appel.

8. Les sociétés Bionoor et Ecocert font valoir que les dispositions combinées du règlement n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 et du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en ce qu'elles proscrivent l'attribution du label européen " agriculture biologique " aux produits issus d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage sans étourdissement préalable, méconnaissent le principe de libre circulation des marchandises, garanti par les articles 34 à 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En outre, la société Bionoor fait valoir que ces mêmes dispositions, qui ont pour effet de la priver du bénéfice du droit à l'obtention et à l'utilisation du label européen " agriculture biologique ", portent atteinte au principe de valeur constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie et instituent une discrimination entre les opérateurs économiques commercialisant de la viande issue d'animaux abattus sans étourdissement préalable et les autres opérateurs qui est contraire aux dispositions combinées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention. La société Bionoor soutient également que ces dispositions auraient pour effet, en limitant les conditions de délivrance du label européen " agriculture biologique ", de priver les consommateurs de produits carnés issus d'animaux abattus sans étourdissement préalable de la possibilité d'accéder à une alimentation saine, laquelle constitue un droit formant partie intégrante du droit à un environnement sain garanti par les dispositions, ayant valeur constitutionnelle, de la Charte de l'environnement ainsi que du droit à la santé, garanti par l'article 10 de la charte sociale européenne. Elle soutient enfin que priver les consommateurs en cause d'un tel droit constitue une discrimination fondée sur la religion, qui est incompatible avec les droits garantis par les stipulations des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En premier lieu, il résulte clairement des dispositions des règlements précités, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-497/17 du

26 février 2019, qu'elles s'appliquent à l'ensemble des produits carnés provenant d'animaux commercialisés sur le territoire de l'Union européenne, qu'ils proviennent d'Etats membres ou d'Etats tiers. Elles ne sauraient donc instituer aucune entrave à la circulation de ces produits au sein de l'Union, en raison de leur éventuelle interprétation différente selon les Etats. Par suite et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de libre circulation des marchandises par le règlement n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 et le règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 doit être écarté.

10. En deuxième lieu, le principe de liberté du commerce et de l'industrie implique qu'il ne soit apporté aucune restriction de droit à l'exercice des activités économiques qui ne soit justifiée par l'intérêt général et proportionnée à l'objectif poursuivi. En l'espèce, l'exclusion des produits issus d'animaux abattus sans étourdissement préalable du champ d'application de la délivrance du label européen " agriculture biologique ", est fondée sur un objectif d'intérêt général, tiré de la nécessité de garantir la bonne application des principes relatifs à la production biologique et à l'étiquetage des produits agricoles issus de ce mode de production, au nombre desquels figure le principe, énoncé par l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la prise en compte du bien-être des animaux comme êtres sensibles dans la formulation et la mise en oeuvre des politiques de l'Union dans l'agriculture. Cette exclusion est proportionnée à l'objectif ainsi poursuivi. Le moyen tiré de ce que l'application des règlements précités porterait une atteinte excessive à ce principe de valeur constitutionnelle doit donc, en tout état de cause, être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international... ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels.

12. L'exclusion des produits carnés issus d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage sans étourdissement préalable du champ d'application du label " agriculture biologique " prévu par les règlements n° 834/2007 du 28 juin 2007 et n° 889/2008 du 5 septembre 2008 est fondée, ainsi qu'il a été dit, sur l'objectif d'utilité publique de préservation de l'intégrité des principes et conditions permettant l'identification, la reconnaissance, et la certification de denrées issus de modes de production biologique, et notamment, en ce qui concerne les produits d'origine animale, du niveau élevé de protection du bien-être animal qui caractérise ces modes de production. Ainsi, à supposer même que l'obtention et l'usage du label européen " agriculture biologique " soient constitutifs d'un " bien " au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de ce que les dispositions des règlements précités créeraient une discrimination incompatible avec les dispositions combinées de cet article et de l'article 14 de la convention précitée ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

13. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. D'une part, l'exclusion des produits issus d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage sans étourdissement préalable du champ d'application du label européen " agriculture biologique " ne porte pas atteinte au principe, énoncé par le paragraphe 4 de l'article 4 du règlement n° 1099/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, de la dérogation à l'obligation de l'étourdissement préalable des animaux destinés à l'abattage pour ce qui concerne les méthodes d'abattage prescrites par les rites religieux, dans la mesure où cette dérogation, justifiée par le respect de la liberté religieuse, concerne des animaux dont les produits ne font pas l'objet d'une demande de certification " agriculture biologique ". D'autre part, l'exclusion de certaines catégories de produits alimentaires du champ d'application de cette certification ou l'abstention volontaire des consommateurs d'acheter des produits bénéficiant du label européen " agriculture biologique " en raison, notamment, des conditions fixées par le règlement n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 et du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 pour l'attribution de ce label n'ont ni pour objet ni pour effet de priver ces consommateurs d'accéder à une alimentation saine, un tel accès étant lui-même garanti par la détermination de normes sanitaires assurant le plus haut niveau de sécurité alimentaire, de salubrité et de qualité, qui s'appliquent à l'ensemble des produits agro-alimentaires commercialisés sur le territoire de l'Union, que ces produits fassent l'objet ou non d'une appellation ou certification particulière. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le règlement n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 et le règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 méconnaîtraient les stipulations combinées des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de la Charte de l'environnement et de la charte sociale européenne doit, en tout état de cause, également être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de sa requête, que l'association OABA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

17. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à la société Ecocert de prendre, par application de l'article 30 du règlement (CE) n° 834/2007 du 28 juin 2007 des mesures propres à mettre fin à la publicité et à la commercialisation, par la socité Bionoor, des produits de la marque "Tendre France " certifiés " halal " en ce qu'ils portent la mention " agriculture biologique ", dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'association OABA, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées à ce titre par les sociétés Bionoor et Ecocert.

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'INAO et de la société Ecocert le versement à l'association OABA d'une somme de 1 500 euros chacun en application de ces dispositions. Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions de l'association OABA tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Bionoor au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1409869 du 21 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la société Ecocert a refusé de faire droit à la demande de l'association OABA du 24 septembre 2012 tendant à ce qu'il soit mis fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés commercialisés par la société Bionoor sous la marque " Tendre France ", certifiés " halal " et portant la mention " agriculture biologique " est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la société Ecocert de prendre, par application de l'article 30 du règlement (CE) n° 834/2007 du 28 juin 2007, les mesures propres à mettre fin à la publicité et à la commercialisation, par la socité Bionoor, des produits de la marque " Tendre France " certifiés " halal " en ce qu'ils portent la mention " agriculture biologique ", dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'INAO et la société Ecocert verseront à l'association OABA une somme de

1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association OABA est rejeté.

Article 6 : Les conclusions des sociétés Bionoor et Ecocert tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

8

N° 16VE00801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 16VE00801
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Produits agricoles - Généralités - Abattoirs.

Communautés européennes et Union européenne - Application du droit de l'Union européenne par le juge administratif français - Actes clairs - Interprétation du droit de l'Union.

Communautés européennes et Union européenne - Application du droit de l'Union européenne par le juge administratif français - Renvoi préjudiciel à la Cour de justice.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP CHARRIER DE LAFORCADE FURET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-07-11;16ve00801 ?
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