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06/06/2019 | FRANCE | N°18VE04076

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 06 juin 2019, 18VE04076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 avril 2017 par lequel le PRÉFET DU VAL-D'OISE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800019 du 16 novembre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté litigieux et a enjoint au PRÉFET DU VAL-D'OISE de délivrer à Mme A... un titre de séjou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 avril 2017 par lequel le PRÉFET DU VAL-D'OISE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800019 du 16 novembre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté litigieux et a enjoint au PRÉFET DU VAL-D'OISE de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2018, le PRÉFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où l'intéressée est entrée en France à l'âge de 28 ans, a débuté ses études en France en 2015, et ne justifie d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêchée de solliciter le visa de long séjour requis pour l'obtention d'un titre de séjour " étudiant ".

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le PRÉFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement du 16 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 13 avril 2017 par lequel il a refusé à MmeA..., ressortissante haïtienne née en 1985, la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". L'article L. 311-7 du même code précise que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ".

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux, les premiers juges ont estimé qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de l'investissement et du sérieux que Mme A...montre dans ses études, de nature à établir par ailleurs une intégration significative en France. Ils se sont fondés sur la validation, par MmeA..., de ses deux premières années de philosophie à l'université Paris 8 et sur une lettre rédigée par un maître de conférences ainsi que sur deux attestations rédigées par deux directeurs du département de philosophie, relevant, outre son assiduité, son sérieux et son engagement dans ses études.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que MmeA..., qui est entrée en France en janvier 2013, s'est inscrite au titre de l'année universitaire 2015-2016 à l'université Paris 8 pour y effectuer des études de philosophie, alors qu'elle faisait l'objet, à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile le 20 juin 2014, par la Cour nationale du droit d'asile, d'une obligation de quitter le territoire français prononcée le 24 février 2015 par le préfet des Hauts-de-Seine, mesure à laquelle elle s'est ainsi soustraite. Les circonstances qu'elle a validé ses deux premières années de philosophie avec assiduité et sérieux, sans avoir, par ailleurs, sollicité de dispense du visa de long séjour requis pour l'obtention d'un titre de séjour " étudiant ", et qu'elle fait preuve d'une certaine insertion professionnelle, cependant très récente, dans le cadre de renouvellements de contrats à durée déterminée en qualité d'agent d'aide et d'accompagnement de personnes à mobilité réduite, destinés à financer ses études, sont insuffisantes à établir que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. En outre, il est constant que, nonobstant la présence en France de ses deux oncles maternels, de nationalité française, elle est sans charge de famille, que son concubinage avec un compatriote titulaire d'une carte de résident depuis mai 2015 est très récent à la date de l'arrêté contesté, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'étranger où réside son père et qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 28 ans. Par suite, le PRÉFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 13 avril 2017 en litige.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par Mme A...:

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R. 313-10 : / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / (...) ".

7. Mme A...n'a pas sollicité, au soutien de sa demande de titre de séjour, de dispense de production d'un visa de long séjour et ne fait état d'aucun motif de nature à justifier que lui soit appliquée la dérogation à l'obligation de production d'un visa de long séjour, prévue au 1° de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que le PRÉFET DU VAL-D'OISE, qui s'est prononcé, en droit et en fait, sur le droit au séjour de l'intéressée au regard des études et de la vie privée et familiale, et qui n'était pas tenu d'examiner d'office si elle remplissait les conditions pour bénéficier de la dérogation précitée, aurait entaché sa décision d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation en considération du parcours universitaire de MmeA....

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".

9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4, en particulier ceux relatifs au caractère récent du concubinage de Mme A...avec un compatriote, et au fait que, nonobstant la présence en France de ses deux oncles possédant la nationalité française, elle est sans charge de famille, et non dépourvue d'attaches familiales à l'étranger, la décision préfectorale n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à son objet, en méconnaissance des stipulations et des dispositions précitées, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que cette mesure d'éloignement n'a pas été prise en application d'une décision illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité entachant cette mesure ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

12. D'une part, la décision de refus de titre de séjour comporte de manière suffisamment précise les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Mme A...se trouvant dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, au visa du I. de l'article L. 511-1 de ce code, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de Mme A...doit être écarté.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à Mme A...par la décision litigieuse en date du 13 avril 2017. Cette dernière entrait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative pouvait l'obliger à quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut donc qu'être écarté.

14. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 9 du présent arrêt, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de Mme A...doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

15. La décision d'éloignement n'étant pas illégale, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 13 avril 2017 et que la demande de Mme A...présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme A...à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800019 du 16 novembre 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions présentées en appel à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 18VE04076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04076
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-06;18ve04076 ?
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