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04/06/2019 | FRANCE | N°19VE00598

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 juin 2019, 19VE00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a prononcé son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1813601 du 21 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, le PRÉFET DES HAU

TS-DE-SEINE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M.A....

I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a prononcé son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1813601 du 21 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M.A....

Il soutient que :

- l'article 4 du règlement UE 604/2013 n'a pas été méconnu dans la mesure où le farsi peut être compris par un locuteur en dari, comme la Cour administrative d'appel de Versailles l'a d'ailleurs déjà reconnu dans un arrêt n° 18VE00109 du 24 mai 2018, à l'instar d'autres Cours ;

- l'arrêté en litige, qui a pour seul objet de transférer M. A...en Allemagne n'est pas susceptible d'exposer l'intéressé à des risques réels et avérés de traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement susvisé dans la mesure notamment où il n'est pas établi que M. A...ne pourrait présenter une demande de réexamen en Allemagne, membre de l'Union Européenne et partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le PRÉFET DES-HAUTS-DE-SEINE fait appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 19 décembre 2018 portant transfert de M.A..., ressortissant afghan né le 15 mars 1999, aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien du

15 novembre 2018 que M. A...a déclaré qu'il comprenait le dari. Les brochures comprenant les informations visées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement n°604/2013 lui ont été remises dans leur version rédigée en farsi. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a attesté, sans émettre de réserves, lire et comprendre cette langue en signant ces documentations. Par ailleurs, la langue farsi est une langue très proche du dari qui use du même alphabet et qui peut être lue par les locuteurs des deux langues. M. A...doit, dès lors, être regardé comme ayant bénéficié d'une information complète sur ses droits et les modalités d'application du règlement précité, par écrit et dans une langue dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend. Le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 pour annuler l'arrêté du 19 décembre 2018.

4. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a formulé une demande d'asile auprès des services de la préfecture des Hauts-de-Seine le 14 novembre 2018 et que le préfet, informé le jour suivant de ce que ses empreintes étaient identiques à celles relevées le 10 janvier 2017 par les autorités allemandes, a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge de sa demande d'asile le 16 novembre 2018, que les autorités allemandes ont expressément accepté par un courrier, valablement rédigé en langues anglaise et allemande, en date du 28 novembre 2018, dans le délai de deux semaines fixé par les dispositions susvisées du § 1 de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

8. Si M. A...soutient courir des risques personnels en cas de retour en Afghanistan, la mesure prononçant son transfert aux autorités allemandes n'implique pas, par elle-même, qu'il soit automatiquement éloigné à destination de son pays d'origine. S'il est constant que sa demande d'asile a été rejetée une première fois par les autorités allemandes, l'intéressé ne justifie pas que les autorités allemandes feraient structurellement ou systématiquement obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'une telle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. L'Allemagne étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit, en effet, être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces conventions. Dans ces conditions et en l'absence d'autres éléments apportés par le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet a entaché la décision de remise d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ou méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 19 décembre 2018 ordonnant le transfert de M. A...aux autorités allemandes en vue du traitement de sa demande d'asile.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1813601 du 21 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

2

N° 19VE00598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00598
Date de la décision : 04/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-02-02


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme MERY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-04;19ve00598 ?
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