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04/06/2019 | FRANCE | N°19VE00035

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 juin 2019, 19VE00035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a décidé son transfert aux autorités suédoises responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1812569 du 10 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a notamment annulé cet arrêté et enjoint au PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE, ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence actu

el de l'intéressé, de lui délivrer une attestation de demande d'asile et de saisir l'Off...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a décidé son transfert aux autorités suédoises responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1812569 du 10 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a notamment annulé cet arrêté et enjoint au PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE, ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, de lui délivrer une attestation de demande d'asile et de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) afin qu'il procède à l'examen de cette demande en procédure normale, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2019, le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M. A...présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- l'arrêté en cause a pour seul effet de transférer l'intéressé en Suède et n'est donc susceptible de l'exposer à des risques réels et avérés de traitements inhumains ou dégradants ;

- une décision de transfert prise sur le fondement du d) de l'article 18 du règlement Dublin III ne saurait être annulée au seul motif que la personne concernée, s'étant vu refuser l'asile dans l'Etat responsable de sa demande, pourrait être éloignée à destination de son pays d'origine ;

- la Suède étant partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne peut renvoyer vers son pays d'origine un ressortissant étranger qui risque d'y subir des traitements inhumains ou dégradants ;

- en l'espèce, les risques encourus en cas de retour en Afghanistan par l'intéressé ont nécessairement été examinés par les autorités suédoises lors de l'instruction de la procédure d'éloignement à son encontre et il n'est pas établi que ce dernier ne pourrait pas présenter une demande de réexamen dans ce pays en application de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- au demeurant, il n'est pas établi que l'intéressé serait originaire d'une province d'Afghanistan dans laquelle il encourrait des risques en cas de retour, ni qu'un transit par Kaboul serait susceptible d'entraîner pour sa sécurité des risques caractérisés ;

- les autres moyens soulevés devant le premier juge ne sont pas fondés.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Deroc a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 30 octobre 1997 à Ghazni (Afghanistan), est entré irrégulièrement sur le territoire français et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 15 octobre 2018. La consultation du fichier européen Eurodac a révélé que l'intéressé avait, le 20 novembre 2015, déposé une demande d'asile en Suède. Saisies par le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE le 16 octobre 2018, les autorités suédoises ont expressément accepté, le

25 octobre suivant, de reprendre en charge M. A.... Par un arrêté du 19 novembre 2018, le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a décidé du transfert de l'intéressé vers la Suède. Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2019, il relève appel du jugement du 10 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

2. Pour annuler la décision de transfert de M. A... aux autorités suédoises, le premier juge a estimé que cette décision était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour retenir ce moyen, le premier juge s'est fondé, d'une part sur la circonstance que les autorités suédoises ont le 28 octobre 2016 rejeté la demande d'asile de M. A..., que ce rejet comprenait une obligation de quitter le territoire, que la Cour administrative d'appel statuant en matière d'immigration a rejeté le 4 octobre 2017 son recours contre la décision de rejet de sa demande d'asile lui imposant de quitter le territoire dans un délai de quatre semaines, laquelle est devenue définitive, et qu'il a fait l'objet d'une convocation en vue de son retour dans son pays d'origine le 5 juillet 2018, de sorte que son transfert vers la Suède aurait pour conséquence son renvoi vers l'Afghanistan, et d'autre part, que ce renvoi impliquerait nécessairement de passer par Kaboul, seul point d'accès au territoire de son pays depuis l'étranger, alors qu'à la date de la décision en litige, la province de Kaboul était en proie à une situation de violence aveugle résultant d'un conflit armé interne, et d'une intensité telle que l'intéressé y serait exposé à un risque réel.

3. Aux termes du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) / d) reprendre en charge (...) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ". Aux termes de l'article 19 du même règlement : " 3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'Etat membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des Etats membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. / Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable ". Aux termes du 1 de l'article 17 de ce règlement : " (...) chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (... ) ". Par ailleurs, selon l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du

26 juin 2013 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État ".

4. Si M. A...soutient qu'il courrait des risques personnels en cas de retour en Afghanistan du fait d'une situation de violence aveugle dans la province dont il est originaire et à Kaboul, seul point d'accès en Afghanistan, la mesure prononçant son transfert aux autorités suédoises n'implique pas, par elle-même, que l'intéressé soit automatiquement éloigné à destination de son pays d'origine. A cet égard, l'intéressé ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, que les autorités suédoises, qui ont certes opposé un premier refus à sa demande d'asile lui imposant de quitter le territoire sous quatre semaines, lequel a été confirmé par la Cour administrative d'appel statuant en matière d'immigration, est devenu définitif et a conduit à sa convocation par l'office des migrations le 5 juillet 2018 pour un entretien au sujet de son retour en Afghanistan, feraient structurellement ou systématiquement obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'une telle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'elles ne respecteraient notamment pas les dispositions de l'article 40 de la directive 2013/32/UE, lesquelles prévoient l'obligation, sous certaines conditions, d'examiner les nouvelles déclarations ou les nouveaux éléments qu'un étranger pourrait faire valoir au soutien d'une nouvelle demande d'asile, alors même qu'une première demande aurait fait l'objet d'un rejet. Si M. A...soutient qu'il n'aurait, dans le cadre d'un réexamen de sa demande d'asile, aucun moyen nouveau à faire valoir, cette circonstance, à la supposée établie, ne saurait suffire à démontrer le caractère inéluctable de son renvoi dans son pays d'origine dans des conditions méconnaissant les règles régissant le droit d'asile. Il ne peut pas davantage se prévaloir, à cet égard et de manière générale, des orientations jurisprudentielles des juridictions suédoises à l'égard de l'Afghanistan, ni de la politique qui serait celle des autorités suédoises en la matière. Dès lors, en décidant le transfert en Suède de M.A..., le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE n'a pas méconnu les dispositions des articles 17 précité et L. 742-1 précités.

5. Il résulte de ce qui précède que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris du 10 décembre 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 19 novembre 2018 pris à l'encontre de

M.A....

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

7. En premier lieu, M. A...soulève un moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux ainsi que du défaut d'examen de sa situation en indiquant que " la Suède a rejeté la demande d'asile du requérant, ce dont la Préfecture avait parfaitement connaissance ". Il doit ainsi être regardé comme se prévalant du fait que l'arrêté fait état d'une demande de prise en charge par les autorités suédoises sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement 604/2013 alors que les services de préfecture avaient connaissance du rejet de sa demande d'asile par la Suède et que cette demande aurait dû intervenir au titre du d) du 1 de l'article 18.

8. Toutefois et d'une part, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. Il ressort de l'examen des termes de l'arrêté, que celui-ci énonce les motifs de droit et de fait qui fondent la décision de transfert vers la Suède. Le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a notamment précisé que l'intéressé a été identifié en tant que demandeur d'asile en Suède le

20 novembre 2015 au moyen du système d'information Eurodac, que les autorités de ce pays ont été saisies, le 16 octobre 2018, d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles l'ont acceptée le

25 octobre suivant sur le fondement du d) du même paragraphe. Une telle motivation est suffisante dès lors qu'elle permet d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application et, en l'espèce, de comprendre pour quels motifs la Suède doit être regardée comme l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile. En conséquence, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté. Est sans incidence à cet égard, la circonstance que la réponse des autorités suédoises n'est pas été formulée sur le même fondement que la demande.

10. D'autre part, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 susvisé : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu

de : / (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État

membre ; / (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / 2. Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, points a) et b), l'État membre responsable est tenu d'examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l'examen. / (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. ".

11. Ainsi qu'il a été rappelé au point 9., les autorités françaises ont demandé le

16 octobre 2018 auprès des autorités suédoises la reprise en charge de M. A...sur le fondement des dispositions précitées du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement du

26 juin 2013 alors que la demande de reprise en charge de M. A...relevait du point d) du même paragraphe, circonstance établissant, selon l'intéressé, un défaut d'examen de sa situation personnelle. Cependant, il résulte des motifs circonstanciés de la décision attaquée que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a effectivement procédé à un examen personnel et complet de la situation de l'intéressé et qu'à supposer même l'existence d'une erreur quant à la disposition applicable, M. A...ayant déclaré lors de l'entretien diligenté par les services de la préfecture de police que sa demande d'asile présentée en Suède avait été rejetée, cette erreur n'affectait en tout état de cause pas la détermination de l'Etat responsable de sa reprise en charge. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE n'aurait pas procédé à un examen personnel de sa situation.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...)3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...). ". Aux termes de l'article 5 de ce même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) /

4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) /

5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) 6. L'Etat membres qui mène l'entretien rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) L'Etat membre veille à ce que le demandeur (...) ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure (...) de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision (...) de transfert (...). Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. " et aux termes de l'article R. 742-1 du même code : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile (...) est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ".

13. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de le remettre aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

14. Il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande d'asile,

M. A...a déclaré comprendre le dari. L'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été mené, le même jour, en dari et l'intéressé a été assisté d'un interprète. M. A...s'est, également, vu remettre par les services de la préfecture deux brochures d'informations en farsi-persan, la brochure la brochure dite

" A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' ", et une brochure dite " B " intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ainsi que le guide du demandeur d'asile en France, également en farsi-persan. Le farsi-persan étant une langue très proche du dari qui use du même alphabet et qui peut être lue par les locuteurs des deux langues, l'intéressé doit être regardé comme ayant bénéficié d'une information complète sur ses droits et les modalités d'application du règlement précité, par écrit et dans des langues qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il les comprend. En signant ces documentations, l'intéressé a d'ailleurs attesté, sans émettre de réserves, lire et comprendre le farsi-persan.

15. D'autre part, si M. A...indique que l'information selon laquelle l'intéressé sait lire ne serait nullement rapportée et que, ne sachant pas lire, les brochures auraient dû lui être lues par l'interprète, il ressort des pièces du dossier que les brochures A et B ont, en tout état de cause, expressément été traduites en dari par l'interprète lors de l'entretien et que l'intéressé a d'ailleurs déclaré avoir compris la procédure engagée à son encontre.

16. L'intéressé fait également valoir ne pas avoir reçu le guide " les empreintes digitales et EURODAC ", ni les informations relatives au traitement des données. Toutefois, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

17. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été reçu, le 15 octobre 2018, par un agent de la préfecture des Hauts-de-Seine, dans les locaux de celle-ci à Nanterre, dans le cadre d'un entretien au cours duquel cet agent, identifié sous les initiales " L. A. " sur le résumé de l'entretien individuel, était assisté par un interprète. La seule circonstance que le procès-verbal ne comporte pas d'autres informations relatives à l'identité de la personne ayant conduit l'entretien ne suffit pas à démontrer qu'il ne se serait pas déroulé dans des conditions conformes aux dispositions précitées, ni que le requérant aurait été privé d'une garantie. Par suite et alors qu'il ne fait état d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 précité, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions.

18. En troisième lieu, aux termes du 5 de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable.(...) ". Aux termes de l'article 23 de ce même règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) " et aux termes de son article 25 : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

19. Il résulte des pièces du dossier que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE a saisi les autorités suédoises dès le 16 octobre 2018, soit le lendemain de la présentation par M. A...de sa demande d'asile, à la suite de l'enregistrement de cette demande. Il produit à l'appui de ses allégations le formulaire de demande de reprise en charge présenté aux autorités suédoises, portant la référence FRDUB2993018902-920 SE et daté du 16 octobre 2018, ainsi qu'un courrier de l'agence suédoise d'immigration daté du 25 octobre suivant acceptant la reprise en charge de l'intéressé. Il doit ainsi être regardé comme produisant la preuve de l'envoi à la Suède de la requête de reprise en charge du requérant dans le délai de deux mois qui lui était imparti, comme de l'intervention de l'accord de la Suède préalablement à l'édiction de son arrêté du

19 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 23 et 25 précités ne peut qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté attaqué et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile et de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) afin qu'il procède à l'examen de cette demande en procédure normale.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1812569 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 10 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est rejetée.

2

N° 19VE00035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00035
Date de la décision : 04/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-02-02


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-04;19ve00035 ?
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