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10/04/2019 | FRANCE | N°16VE02066

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 avril 2019, 16VE02066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile-de-France, la Chambre d'agriculture de Seine-et-Marne et la Chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération n° 12-12 du 18 octobre 2012 par laquelle le conseil d'administration de l'Agence de l'eau Seine-Normandie a adopté le 10ème programme d'intervention 2013-2018, à tout le moins en ce qu'elle prévoit un tarif applicable en zone de tension quantitative (ZTQ) pour les redevances pour

prélèvement d'eau et en ce qu'elle l'applique aux prélèvements dans les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile-de-France, la Chambre d'agriculture de Seine-et-Marne et la Chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération n° 12-12 du 18 octobre 2012 par laquelle le conseil d'administration de l'Agence de l'eau Seine-Normandie a adopté le 10ème programme d'intervention 2013-2018, à tout le moins en ce qu'elle prévoit un tarif applicable en zone de tension quantitative (ZTQ) pour les redevances pour prélèvement d'eau et en ce qu'elle l'applique aux prélèvements dans les zones de répartition des eaux (ZRE) dotées d'un organisme unique, et les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 1303251 du 10 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2016, la Chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile-de-France, la Chambre d'agriculture de Seine-et-Marne et la Chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir, représentées par Me Verdier, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette délibération, à titre principal, en ce qu'elle prévoit un tarif applicable en ZTQ pour les redevances pour prélèvement d'eau et en ce qu'elle l'applique aux prélèvements dans les ZRE dotées d'un organisme unique, et, à titre subsidiaire, en totalité ;

3° de mettre à la charge de l'Agence de l'eau Seine-Normandie le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les trois chambres d'agriculture requérantes soutiennent que le jugement attaqué est infondé :

- la délibération en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'avis conforme émis par le comité de bassin ;

- elle a été prise sans respect de la procédure de participation du public prévue à l'article L. 120-1 du code de l'environnement ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-10-9 (V, alinéa 5) du code de l'environnement et du principe d'égalité ;

- l'article R. 213-48-16 du code de l'environnement est illégal au regard de l'article L. 123-10-9 du même code ;

- la délibération est entachée d'erreurs de fait dans le classement de communes en ZTQ s'agissant de la ressource en eau : des communes sont classées alors qu'elles ne présentent pas de risques de déficit hydrique ; ce classement est intervenu sur la base de données incomplètes, approximatives et obsolètes ; la délimitation des ZTQ a été faite sans prise en compte des conditions hydrologiques, ni des " SAGE existants " ;

- elle a été adoptée en méconnaissance de l'arrêté du 26 février 2013 encadrant le montant pluriannuel des dépenses du programme d'intervention des agences de l'eau (JORF du 9 mars 2013).

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2017-1823 du 28 décembre 2017 portant création de la Chambre d'agriculture de région Ile-de-France ;

- l'arrêté du 26 février 2013 encadrant le montant pluriannuel des dépenses du programme d'intervention des agences de l'eau ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guével,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour l'Agence de l'eau Seine-Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. La Chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile-de-France et la Chambre d'agriculture de Seine-et-Marne, lesquelles ont fusionné pour constituer la Chambre d'agriculture de région Ile-de-France à compter du 1er janvier 2018, et la chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir relèvent régulièrement appel du jugement n° 1303251 du 10 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération n° 12-12 du 18 octobre 2012 par laquelle le conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie a adopté le 10ème programme d'intervention 2013-2018, à tout le moins en ce qu'elle prévoit un tarif de redevance pour prélèvement d'eau dans les zones de tension quantitative (ZTQ) et en ce qu'elle l'applique aux prélèvements dans les zones de répartition des eaux (ZRE) dotées d'un organisme unique, et les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération du conseil d'administration :

2. S'agissant des moyens de la requête d'appel tirés de l'incompétence du signataire de la délibération attaquée du 18 octobre 2012 et de la méconnaissance de la procédure d'avis conforme du comité de bassin de l'agence de l'eau Seine-Normandie, organisée par l'article L. 213-8 du code de l'environnement, les chambres requérantes n'apportent aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur leur argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics. I.- Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu'elles ont une incidence directe et significative sur l'environnement. / (...). ".

4. Compte tenu de l'objet de la délibération litigieuse, qui détermine des zonages et les taux des redevances pour prélèvement d'eau, lesquelles constituent des impositions de toute nature et qui sont modulées avec modération en fonction de ces zonages, cet acte réglementaire n'a pas d'incidence directe et significative sur l'environnement. Par suite, les chambres requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la délibération a été prise en méconnaissance de l'obligation de participation du public organisée par les dispositions, mentionnées au point 3, de l'article L.120-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération du conseil d'administration :

S'agissant de la fixation du taux de redevance dans les zones de tension quantitative situées dans les zones de répartition des eaux dotées d'un organisme unique :

5. Aux termes de l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " I.- Toute personne dont les activités entraînent un prélèvement sur la ressource en eau est assujettie à une redevance pour prélèvement sur la ressource en eau./(...). V.-Pour la fixation du tarif de la redevance, les ressources en eau de chaque bassin sont classées en catégorie 1 lorsqu'elles sont situées hors des zones de répartition des eaux définies en application du 2° du II de l'article L. 211-2 ou en catégorie 2 dans le cas contraire. Le tarif de la redevance est fixé par l'agence de l'eau en centimes d'euro par mètre cube dans la limite des plafonds suivants, en fonction des différents usages auxquels donnent lieu les prélèvements : (...). L'agence de l'eau fixe, dans la limite des plafonds ci-dessus, un taux par unité géographique cohérente définie en tenant compte des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques, ainsi que des conditions hydrologiques. Pour tous les prélèvements destinés à l'irrigation effectués dans des retenues collinaires, et quelle que soit la localisation géographique de celles-ci, le taux de la redevance applicable est celui de la ressource de catégorie 1. Pour une ressource de catégorie 2, lorsque l'organisme défini au 6° du II de l'article L. 211-3 est désigné par l'autorité administrative, le taux de la redevance est le taux applicable pour une ressource de catégorie 1. / (...). ".

6. Les dispositions combinées mentionnées au point 5 ne font pas obstacle à ce que, pour les prélèvements en eau effectués dans une zone de répartition des eaux (ZRE) dotée d'un organisme unique pour le compte de l'ensemble des préleveurs irrigants, plusieurs taux de redevance soient fixés dans le respect des plafonds déterminés pour une ressource en eau de catégorie 1 en fonction des différents usages auxquels donnent lieu les prélèvements, en particulier un taux majoré dans les zones de tension qualitative (ZTQ) incluses dans le périmètre d'une zone de répartition des eaux. En l'espèce, il n'est pas allégué que ce taux majoré aurait été arrêté en méconnaissance des plafonds déterminés pour une ressource en eau de catégorie 1. par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement doit être écarté.

7. Si le principe d'égalité en droit interne impose, en règle générale, de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes, contrairement à ce qu'allèguent les chambres requérantes.

S'agissant des modalités de délimitation des zones de tension quantitative :

8. Aux termes de l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement : " (...). L'agence de l'eau fixe, dans la limite des plafonds ci-dessus, un taux par unité géographique cohérente définie en tenant compte des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques, ainsi que des conditions hydrologiques./(...). ". En vertu de l'article R. 213-48-16 du même code, l'unité géographique cohérente mentionnée au V de l'article L. 213-10-9 et au IV de l'article L. 213-10-11 est délimitée par délibération du conseil d'administration de l'agence sur la base de limites communales, à partir des limites des sous-bassins ou des aquifères souterrains et, le cas échéant, de leurs masses d'eau.

9. Il résulte des dispositions combinées de ces deux articles que les unités géographiques cohérentes sont délimitées par délibération du conseil d'administration de l'agence de l'eau en tenant compte des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques, ainsi que des conditions hydrologiques, sur la base des limites communales, à partir des limites des sous-bassins ou des aquifères souterrains et, le cas échéant, de leurs masses d'eau.

10. Contrairement à ce que soutiennent les chambres requérantes la circonstance que la délimitation des ZTQ prenne en considération les limites administratives n'implique pas nécessairement une délimitation d'unités géographiques non cohérentes qui méconnaîtrait l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement.

11. En l'espèce, la circonstance alléguée que des communes ne présentant pas de risques de déficit hydrique seraient classées en ZTD, dont le zonage figure dans le SDAGE, ne suffit pas à regarder ces ZTD comme ayant été délimitées en méconnaissance des critères légaux ci-dessus, au nombre desquels ne figure d'ailleurs pas celui de la modulation des taux en fonction de l'évolution contingente ou saisonnière des hauteurs d'eaux constatées. Par ailleurs, les travaux parlementaires, s'ils peuvent servir à éclairer un texte législatif obscur ou ambigu, n'ont pas de valeur normative.

12. Si la délimitation de ces ZTD a été réalisée notamment à l'aune de données fournies par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et pour certaines datant de 2009, il ne ressort pas des pièces du dossier, et les chambres requérantes n'établissent pas, que ces données auraient perdu toute pertinence, ou que des données plus récentes auraient été disponibles, en vue d'arrêter le 10ème programme d'intervention pour la période 2013-2018.

S'agissant du respect du montant pluriannuel des dépenses du programme d'intervention des agences de l'eau :

13. Aux termes de l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " Pour l'exercice des missions définies à l'article L. 213-8-1, le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. Le Parlement définit les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau et fixe le plafond global de leurs dépenses sur la période considérée ainsi que celui des contributions des agences à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques. Les délibérations du conseil d'administration de l'agence de l'eau relatives au programme pluriannuel d'intervention et aux taux des redevances sont prises sur avis conforme du comité de bassin, dans le respect des dispositions encadrant le montant pluriannuel global de ses dépenses et leur répartition par grand domaine d'intervention, qui font l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et des finances, pris après avis du Comité national de l'eau. L'exécution du programme pluriannuel d'intervention de l'agence de l'eau faisant état des recettes et des dépenses réalisées dans le cadre de ce programme fait l'objet d'un rapport annexé chaque année au projet de loi de finances. Les délibérations concernant les taux des redevances sont publiées au Journal officiel. Elles sont tenues à la disposition du public. ".

14. Dans la mesure où il est postérieur à la délibération du 18 octobre 2012 en litige, les chambres requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de l'arrêté du 26 février 2013 encadrant le montant pluriannuel des dépenses du programme d'intervention des agences de l'eau (JORF du 9 mars 2013) pour soutenir que le montant total des dépenses arrêté au titre du 10ème programme d'intervention approuvé par cette délibération excéderait le plafond pluriannuel des dépenses de l'Agence de l'eau Seine-Normandie.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande devant les premiers juges, que la chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile-de-France et la chambre d'agriculture de Seine-et-Marne, devenues chambre d'agriculture de région Ile-de-France, et la chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les chambres d'agriculture demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ces chambres d'agriculture une somme de 2 000 euros à verser à l'Agence de l'eau Seine-Normandie sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la Chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile-de-France, la Chambre d'agriculture de Seine-et-Marne et la Chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir est rejetée.

Article 2 : La Chambre d'agriculture de région Ile-de-France et la chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir verseront ensemble une somme de 2 000 euros à l'Agence de l'eau Seine-Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 16VE02066


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Arrêté de cessibilité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SELARL VERDIER - LE PRAT AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 10/04/2019
Date de l'import : 23/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16VE02066
Numéro NOR : CETATEXT000038384182 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-04-10;16ve02066 ?
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