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12/03/2019 | FRANCE | N°17VE01938

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 12 mars 2019, 17VE01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFLI a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er

octobre 2010 au 30 septembre 2011.

Par un jugement n° 1411248 du 28 avril 2017, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFLI a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011.

Par un jugement n° 1411248 du 28 avril 2017, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2017 et 29 juillet 2018, la société AFLI, représentée par Me Mattei, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme totale de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, en ce que son mémoire en date du

20 mars 2017 n'a été ni visé, ni communiqué à l'administration fiscale ;

- il est également entaché d'irrégularité, en ce que le tribunal a omis d'analyser les moyens invoqués en défense par l'administration fiscale et a insuffisamment analysé son propre moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- les premiers juges ont fait une analyse erronée de son moyen tiré de l'emport irrégulier de documents par le vérificateur, et se sont, en outre, fondés sur des dispositions du code général des impôts qui ne sont plus en vigueur ;

- le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est prononcé à tort sur le moyen tiré de la réalisation par le service vérificateur d'un rapprochement entre le chiffre d'affaires comptabilisé et le chiffre d'affaires déclaré sans remettre en cause le caractère sincère et probant de sa comptabilité, qui avait été abandonné par les parties, et a ainsi outrepassé le cadre du débat qui était soumis à son appréciation ;

- l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été méconnu en ce que des documents comptables originaux, constitués par divers états dressés à l'occasion des déclarations souscrites par la société ou édités à la demande du service, ont été emportés par le premier vérificateur intervenu dans la procédure et restitués par le second vérificateur lors du dernier entretien avant notification de la proposition de rectification ;

- le service a également méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans la mesure où le premier vérificateur avait indiqué oralement avant son départ que les opérations de vérification prenaient fin ; l'intervention du second vérificateur s'apparente donc à une seconde vérification de comptabilité portant sur la même période et les mêmes impositions que la première ;

- les rehaussements intervenus en matière d'impôt sur les sociétés procèdent en partie des informations recueillies par l'administration fiscale dans le cadre de la vérification de comptabilité de son ancienne filiale, la société AFLI, portant sur la période antérieure à la fusion-absorption de cette dernière ; or, cette vérification de comptabilité était irrégulière ; l'administration fiscale a donc assis ses redressements en matière d'impôt sur les sociétés sur des documents obtenus irrégulièrement et a, de ce fait, manqué à son obligation de loyauté envers le contribuable ;

- l'administration fiscale, à qui incombe la charge de la preuve, n'apporte pas la preuve d'une rétention de taxe sur la valeur collectée en se contentant, d'une part, de constater un passif injustifié qui, en tout état de cause, ne pouvait fonder qu'un rehaussement du résultat imposable au titre de l'impôt sur les sociétés et non des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, de corroborer l'existence d'un solde anormalement créditeur de taxe sur la valeur ajoutée en procédant à un rapprochement entre son chiffre d'affaires comptabilisé et son chiffre d'affaires déclaré, cette méthode, alors même que sa comptabilité n'a pas été écartée comme insincère et non probante, ne pouvant retracer avec une précision suffisante les encaissements de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle aurait procédé ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé qu'en l'espèce, la fusion-absorption de sa filiale, la société AFLI, à compter du 1er janvier 2010 emportait cessation d'activité au sens du 5 de l'article 221 du code général des impôts et, par suie, perte de son droit au report des déficits antérieurs à cette fusion-absorption ; elle exerçait, avant cette transformation, une activité de holding mixte et, de ce fait, la nature de son activité n'a pas été modifiée d'une manière telle qu'elle devrait être regardée comme ayant cessé son activité ;

- elle sera déchargée des autres impositions litigieuses par voie de conséquence de l'irrégularité de la procédure d'imposition.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société AFLI, antérieurement dénommée société DSD jusqu'au 1er janvier 2010, date à laquelle cette société, qui exerçait jusqu'alors une activité de holding mixte, a absorbé sa filiale, la société AFLI, exerce depuis lors l'activité de vente et de location de matériel industriel de son ancienne filiale. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période correspondant aux exercices clos en 2009, 2010 et 2011. A l'issue de ces opérations de contrôle, la société AFLI s'est vu notifier selon la procédure contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, par une proposition de rectification en date du 24 juin 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant, tant sur des montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée mais non réglés à l'administration que sur des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible et mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, et des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. La société AFLI fait appel du jugement du

28 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". L'article R. 613-2 du même code dispose : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2. Toutefois, lorsque postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société AFLI a transmis un mémoire au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise après la clôture de l'instruction, fixée par une ordonnance du président de la 5ème chambre de ce tribunal au 29 février 2016. Ce mémoire a été enregistré au greffe du Tribunal le 20 mars 2017, avant l'audience publique du 6 avril 2017.

Or, les visas du jugement attaqué ne font pas mention de ce mémoire et ne permettent donc pas de déterminer si les premiers juges en ont pris connaissance. L'absence d'un tel visa a donc pour effet d'entacher le jugement en cause d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête relatifs à la régularité du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 28 avril 2017 attaqué, la société AFLI est fondée à demander l'annulation de celui-ci.

5. Toutefois, dans ces conditions, il y a lieu pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par la société AFLI tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. En premier lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter, dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire, certains documents détenus par l'entreprise présentant le caractère de pièces comptables se rattachant à la période vérifiée. En ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. Cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Cependant, un document établi postérieurement à la période vérifiée, à la demande du vérificateur et pour les seuls besoins du contrôle, ne peut être regardé comme une pièce comptable se rattachant à la période vérifiée dont l'emport, par le vérificateur, sans demande écrite du contribuable et sans remise d'un reçu, serait de nature à vicier la procédure de contrôle.

7. Il résulte de l'instruction que la société AFLI a mis à la disposition du vérificateur, à la demande de celui-ci, divers états relatifs aux amortissements en cours, aux réintégrations et déductions apparaissant au tableau 2058-A, à la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur les locations de véhicules, aux acquisitions intracommunautaires et aux déficits reportés par la société DSD avant la fusion-absorption de sa filiale. Ces documents, soit qu'il ne s'agisse que de simples notes récapitulatives rédigées par le comptable de la société à l'occasion des déclarations de résultat souscrites par la société requérante, soit qu'ils aient établis par le comptable postérieurement à la période vérifiée à partir des données de l'entreprise et pour les seuls besoins du contrôle, ne peuvent être regardés comme des pièces comptables originales dont l'emport irrégulier hors du siège de l'entreprise aurait été de nature à vicier la procédure de vérification.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (...) ".

9. Pour l'application de ces dispositions, une vérification de comptabilité doit être regardée comme achevée à la date à laquelle l'administration fiscale indique au contribuable avoir terminé les opérations de contrôle et, au plus tard, à la date à laquelle celle-ci lui adresse, selon le cas, un avis d'absence de rectification ou une notification de redressement, pour les impositions et la période auxquelles ce document se rapporte, sauf pour la notification à mentionner, lorsqu'elle a un but uniquement conservatoire, que la vérification se poursuit.

10. Il résulte de l'instruction que, si la vérification de la comptabilité de la société AFLI a donné lieu à l'intervention successive de deux agents vérificateurs, la société requérante ayant été informée de la reprise des opérations de contrôle par lettre en date du 15 mai 2013, il ne ressort pas des termes de ce courrier, qui se borne à faire état de " la nécessité de procéder à de nouveaux échanges ", que le service vérificateur aurait, à l'occasion du changement d'agent vérificateur, entendu clore les opérations de contrôle alors en cours et procéder à une seconde vérification de sa comptabilité. L'existence d'une seconde vérification ne saurait davantage se déduire de la circonstance, insuffisamment établie par l'instruction et explicitement contestée par l'administration fiscale, selon laquelle le premier agent vérificateur aurait signifié oralement à la société AFLI la fin des opérations de vérification à l'occasion de son départ. Dans ces conditions, la vérification de comptabilité doit être regardée comme ayant été achevée à la date de la notification de la proposition de rectification du 24 juin 2013. Il est, enfin, contant qu'aucune nouvelle opération de contrôle portant sur la période vérifiée n'a été engagée après cette dernière date. Il suit de là, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

11. En troisième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'avance la société requérante, aucun des rehaussements mis à sa charge, et notamment ceux résultant de la remise en cause de son droit à la déduction des déficits antérieurs à son changement d'activité, n'est fondé sur des renseignements collectés par l'administration fiscale à l'occasion de la vérification de la comptabilité de sa filiale, la SA AFLI. La société AFLI n'est donc pas fondée à soutenir qu'en se référant à de telles renseignements, alors même que la procédure de vérification de la comptabilité de la SA AFLI aurait été irrégulière, l'administration fiscale aurait manqué à son égard à l'obligation de loyauté qui s'impose à elle dans ses rapports avec le contribuable et, ainsi, attenté aux droits garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

12. En premier lieu, la société AFLI ne soulève aucun moyen relatif au bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, en ce qu'ils résultent de la remise en cause par l'administration fiscale de son droit à la déduction de la taxe grevant certains de ses achats.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". En outre, le 2° de l'article 269 du même code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, précise : " La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur (...) / b bis) Pour les prestations de services pour lesquelles la taxe est due par le preneur en application du 2 de l'article 283, lors du fait générateur, ou lors de l'encaissement des acomptes (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

14. L'administration fiscale a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée en litige au motif que l'examen de la comptabilité de la société AFLI révélait l'existence d'un passif injustifié de taxe sur la valeur ajoutée collectée, d'un montant de

50 204 euros, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, dans la mesure où l'existence d'un tel passif traduisait la rétention par la société d'une partie de la taxe collectée dont elle devait s'acquitter, ce fait étant, en outre, corroboré par la discordance constatée, après rapprochement, entre le chiffre d'affaires hors taxes déclaré par la société AFLI au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires hors taxes effectivement comptabilisé par la société.

15. D'une part, dans la mesure où le passif injustifié identifié par l'administration fiscale était inscrit au compte 4457 " T.V.A. collectée " qui, en principe, doit comporter un solde égal à zéro lorsque la société intéressée s'acquitte régulièrement de ses obligations vis-à-vis de l'administration fiscale en matière de reversement des montants de taxe sur la valeur ajoutée collectés par ses soins, l'administration fiscale a pu, à bon droit, en déduire que la société AFLI ne s'était pas acquitté spontanément de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ce passif par versement au Trésor ou compensation avec son crédit de taxe déductible et qu'elle a, ainsi, non seulement minoré son résultat imposable du montant de ce passif, mais également conservé indûment à son profit les montants de taxe sur la valeur collectée figurant en passif de ce compte Ainsi, contrairement à ce que soutient la société AFLI, la constatation de ce passif injustifié pouvait donner lieu tant au rehaussement de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés à hauteur du montant de ce passif injustifié qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant égal à celui de la taxe sur la valeur ajoutée collectée indûment retenue par la société au sein du compte dont s'agit.

16. D'autre part, le vérificateur a confirmé l'existence de montants de taxe sur la valeur ajoutés retenus sans motif par la société, révélée par le passif injustifié mentionné au point précédent, en mettant en évidence une discordance, pour la période correspondant à l'année 2011, entre la taxe portée sur les déclarations modèle CA3 déposées par la société et le chiffre d'affaires hors taxe effectivement encaissé. Contrairement à ce que soutient la société AFLI, l'administration fiscale, qui n'a pas renoncé à ce mode complémentaire d'administration de la preuve d'une minoration par la société du montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable, pouvait opérer un tel rapprochement entre la comptabilité tenue par la société et ses déclarations fiscales pour corroborer ses constatations sans pour autant remettre en cause la sincérité et le caractère probant de sa comptabilité. Dans la mesure où la société AFLI ne fait état d'aucun élément permettant d'expliquer l'existence de ce passif injustifié et de la discordance entre ses déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée et les données de sa comptabilité, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, d'une insuffisance de déclaration de la taxe collectée.

En ce qui concerne les rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés :

17. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants ". Et aux termes de l'article 221 du code général des impôts : " 5 Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Toutefois, dans cette situation, les dispositions de l'article 221 bis sont applicables, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières ".

18. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées du code général des impôts que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est notamment subordonnée à la condition que la société qui s'en prévaut n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même.

19. En l'espèce, la société AFLI, anciennement société DSD, a exercé exclusivement une activité de holding mixte jusqu'à l'absorption de sa filiale, dénommée SA AFLI par transmission universelle du patrimoine de cette dernière, décidée par acte du 25 novembre 2010 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010. A cette occasion, son activité unique, est devenue celle, antérieurement exercée par sa filiale, de vente et de location de matériel industriel. Si les statuts de la société AFLI modifiés après l'absorption de sa filiale prévoient toujours, il est vrai, qu'elle conserve parmi son objet social les activités propres à une holding mixte, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait poursuivi, même de façon minoritaire, l'exercice de cette activité concomitamment à sa nouvelle activité commerciale à la suite de l'absorption de sa seule filiale. Dans ces conditions la société AFLI doit être regardée comme ayant changé d'activité

au 1er janvier 2010 au sens de l'article 221 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la société requérante avait perdu tout droit au report de ses déficits antérieurs conformément aux dispositions de l'article 209 du code général des impôts.

En ce qui concerne les rehaussements en matière de taxe sur les véhicules de sociétés :

20. La société AFLI n'a invoqué devant les premiers juges et ne soulève devant la Cour aucun moyen relatif au bien-fondé des rehaussements qui lui ont été infligés en matière de taxe sur les véhicules de sociétés. Ses conclusions aux fins de décharge des rappels de cette taxe, dans la mesure où, comme il a été dit précédemment, ils ont été mis à sa charge à l'issue d'une procédure d'imposition régulière, doivent par conséquent être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de rejeter les conclusions aux fins de décharge présentées des impositions supplémentaires mises à sa charge présentées par la société AFLI.

Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1411248 du 28 avril 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société AFLI devant le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise, ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour, sont rejetées.

7

N° 17VE01938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01938
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-03-12;17ve01938 ?
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