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19/02/2019 | FRANCE | N°17VE00194

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 février 2019, 17VE00194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA LE CHEQUE DEJEUNER a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer :

1° la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2010, 2011 et 2012, pour un montant de 4 239 258 euros, découlant de la réintégration pour le calcul du coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée des produits financiers accessoires de la société ;

2° la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période

correspondant aux années 2010, 2011 et 2012 relatifs au défaut de déclaration d'une livrais...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA LE CHEQUE DEJEUNER a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer :

1° la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2010, 2011 et 2012, pour un montant de 4 239 258 euros, découlant de la réintégration pour le calcul du coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée des produits financiers accessoires de la société ;

2° la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2010, 2011 et 2012 relatifs au défaut de déclaration d'une livraison à soi-même pour un montant total de 34 649 euros, ainsi que des intérêts de retard correspondants pour la somme de 5 238 euros et de l'amende appliquée en vertu des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts pour la somme de 9 930 euros ;

3° la décharge des impositions relatives au défaut d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée sur des achats de prestations de service hors de l'Union européenne, pour un montant total de 36 211 euros, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

4° la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant total de 461 627 euros et des pénalités correspondantes pour la somme de 41 031 euros ;

5° la réduction des droits primitifs de taxe sur les salaires au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant total de 606 828 euros.

Par un jugement n° 1507591 du 17 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 septembre 2017, la SA LE CHEQUE DEJEUNER, représentée par Me Chetcuti et MeA..., avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 17 novembre 2016 ;

2° de prononcer en sa faveur la décharge des impositions supplémentaires susvisées ;

3° d'ordonner en sa faveur le remboursement par l'administration fiscale d'une partie de la taxe sur les salaires acquittée à tort pour un montant total de 606 828 euros ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, les produits retirés du placement des fonds liés aux titres restaurant relèvent d'une opération financière accessoire, de tels produits ne devant donc pas être pris en compte pour le calcul du coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée visé à l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ; en effet, il n'y pas lieu de vérifier si le critère du prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable est rempli en raison de la prise de position formelle de l'administration contenue dans l'instruction administrative référencée 3 A-1-06 du 10 janvier 2006 reprise par la suite au BOFiP à compter du 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-DED-20-10-20 §210, dont la note de bas de page a expressément et volontairement limité la portée de la décision " Régie dauphinoise " de la CJCE du 11 juillet 1996 par laquelle la Cour a estimé que les produits financiers perçus par un syndic de gestion immobilière ne présentaient pas un caractère accessoire, en indiquant que cette solution n'avait vocation à être opposée qu'aux syndics de gestion immobilière ;

- subsidiairement, le critère du prolongement direct, permanent et nécessaire n'est pas applicable au cas particulier, les intérêts perçus ne constituant pas un revenu nécessaire à l'exploitation dans la mesure où ils ne sont pas " indispensables à la viabilité de l'entreprise " et dans la mesure où le placement des sommes sur un compte de dépôt est le fruit du respect d'une obligation légale ; ni l'administration ni les premiers juges n'ont, par ailleurs, apporté les éléments mettant en évidence que les critères du prolongement direct et permanent seraient satisfaits ;

- elle est sur ce point fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la prise de position formelle de l'administration contenue dans l'instruction administrative référencée 3 A-1-06 du 10 janvier 2006 reprise par la suite au BOFiP à compter du 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-DED-20-10-20 §210, qu'elle a appliqué avant la date limite de la souscription de sa déclaration primitive, quand bien même elle serait contraire au droit de l'Union européenne ;

- elle est également fondée à invoquer sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, la position formelle prise par le service au vu des éléments précis qu'elle a fournis à la suite de sa demande d'informations complémentaires, lors du remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée initialement accordé ;

- la méconnaissance par l'administration de la position formelle qu'elle a prise à l'occasion du dégrèvement qui lui a été accordé contrevient aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- le redressement fondé sur l'absence d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe afférente aux charges encourues pour l'élaboration d'un logiciel pour ses propres besoins est contestable dès lors qu'elle a porté l'auto-liquidation de cette taxe sur ses déclarations modèle CA 3, ce qui constitue une régularisation spontanée ultérieure, laquelle est admise par la doctrine référencée BOI-CF-INF 20-20 n° 100 ;

- si elle admet n'avoir pas procédé à l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de prestations de conseil et d'informatique fournies par des sociétés établies en dehors de l'Union européenne, elle conteste le rappel opéré par le service qui se fonde sur une détermination erronée de ses droits à déduction alors qu'elle bénéficie d'un coefficient de déduction égal à 1 pour chacune des années 2010 et 2011 ; elle accepte, en revanche, l'application de l'amende visée au 4° de l'article 1788 A du code général des impôts pour un montant de 6 246 euros ;

- le rappel de taxe sur les salaires n'est pas justifié en présence de secteurs distincts d'activité, dont la constitution est admise alors même qu'ils n'ont pas été constitués pour la taxe sur la valeur ajoutée ; ainsi, le vérificateur aurait dû tirer les conséquences de l'existence de secteurs d'activité distincts au sein de la société et appliquer pour la taxe sur les salaires, le rapport d'assujettissement propre à chacun des secteurs ; il en résulte un trop perçu de 608 253 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Chetcuti, avocat, pour la SA LE CHEQUE DEJEUNER.

Considérant ce qui suit :

1. La SA LE CHEQUE DEJEUNER exerce une activité, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, d'émission et de vente de titres de créance sous la forme de titres restaurant. Il résulte de l'instruction que, sur le fondement des dispositions des articles L. 3262-1 à L. 3262-3 du code du travail, cette société, qui perçoit une rémunération sous forme de commissions prélevées lors du remboursement du titre restaurant à l'enseigne partenaire choisie par le bénéficiaire du titre de paiement, encaisse l'intégralité des fonds correspondant à la valeur faciale des titres qu'elle cède aux employeurs. Les produits financiers qui résultent des placements et prêts de ces sommes durant la période s'écoulant entre l'émission du titre restaurant et son paiement sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. La SA LE CHEQUE DEJEUNER a déposé, en avril et septembre 2012, une réclamation tendant à la restitution partielle de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012 au motif que, pour le calcul du coefficient de taxation visé au III de l'article 206 à l'annexe II au code général des impôts, elle avait pris en compte ses produits financiers alors que ceux-ci présentaient selon elle un caractère accessoire permettant d'exclure le chiffre d'affaires en résultant du calcul de ce coefficient de taxation. La direction des grandes entreprises a fait droit à cette demande, en 2012, à hauteur de la somme de 4 239 258 euros. Toutefois, à l'issue d'une vérification de comptabilité menée par la direction des vérifications nationales et internationales portant sur les exercices clos des années 2010, 2011 et 2012, le service a remis en cause le dégrèvement ainsi obtenu au motif que les produits financiers perçus par la société requérante ne pouvaient être regardés comme issus d'activités accessoires à l'activité principale menée par celle-ci. Il en est résulté, après réintégration de ces produits pour le calcul du coefficient de taxation, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de 4 239 258 euros. Le service a également procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2010, 2011 et 2012 à la suite du défaut de déclaration d'une livraison à soi-même portant sur la conception d'un logiciel, pour un montant total de 34 649 euros, qu'il a assortis des intérêts de retard et d'une amende de 9 930 euros en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts. Ayant par ailleurs constaté l'absence d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée sur des opérations de conseil et informatiques réalisées par des prestataires établis hors de l'Union européenne, le service a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010 et 2011 d'un montant total de 36 211 euros qu'il a assortis des intérêts de retard et d'une amende de 6 248 euros en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts. Enfin, le service a remis en cause le coefficient d'assujettissement de la société requérante à la taxe sur les salaires au titre des années 2010 à 2012, ce qui a donné lieu à des rappels de taxe sur les salaires d'un montant total de

461 627 euros assortis des intérêts de retard. Par un jugement du 17 novembre 2016, dont la société requérante relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions, intérêts de retard et amendes et à la réduction des droits de taxe sur les salaires au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant total

de 606 828 euros.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 2010 à 2012 découlant de la remise en cause du calcul du coefficient de taxation :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de l'annexe II au même code :

" I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; 2° Lorsqu'un assujetti a constitué des secteurs distincts d'activité en application de l'article 209, le chiffre d'affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé ; 3° Pour l'application des dispositions du 1°, il est fait abstraction du montant du chiffre d'affaires afférent : a. Aux cessions des biens d'investissements corporels ou incorporels ; b. Au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Sont considérées comme accessoires les opérations qui présentent un lien avec l'activité principale de l'entreprise et dont la réalisation nécessite une utilisation limitée au maximum à 10 % des biens et des services grevés de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquis. Ce pourcentage est apprécié en fonction de la proportion d'utilisation pour ces opérations de chaque bien et service grevé de taxe sur la valeur ajoutée. Cette proportion est appliquée à la valeur d'acquisition par le redevable de chacun de ces biens et services pour déterminer leur valeur d'utilisation. Le pourcentage résulte du rapport entre, au numérateur, la somme des valeurs d'utilisation ainsi déterminées et, au dénominateur, le montant total de la valeur d'acquisition de ces biens et services (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il est fait abstraction, pour le calcul du coefficient de taxation de taxe sur la valeur ajoutée, du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations financières accessoires.

3. D'autre part, il résulte des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne les 11 juillet 1996 (C-306/94) Régie dauphinoise, 29 avril 2004 (C-77/01) Empresa de Desenvolvimento Mineiro SGPS SA, 6 mars 2008 (C-98/07) Nordania Finans et BG Factoring et 29 octobre 2009 (C-174/08) NCC Construction Danmark A/S, qu'une activité économique ne saurait être qualifiée d'accessoire, au sens de ces dispositions, si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de l'entreprise ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Il résulte de l'instruction que les opérations financières en cause qui, eu égard à leurs caractéristiques rappelées au point 1. ci-dessus, sont indissociablement liées à l'activité d'émission et de cession de titres restaurant et normalement pratiquées par la société requérante qui exerce celle-ci conformément à la réglementation en vigueur, en constituent non seulement le prolongement direct et permanent, mais aussi le prolongement nécessaire, la double circonstance que le dépôt dans un compte bancaire des fonds perçus en contrepartie de la cession des titres restaurant résulte d'une obligation imposée par la loi et que les opérations financières en litige ne conditionneraient pas la rentabilité de la société émettrice étant à cette égard indifférente. L'administration était, par suite, fondée à contester le caractère accessoire des activités financières exercées par la société requérante au cours de la période en cause.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable aux impositions en litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

6. D'une part, pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la période correspondant aux années 2010 à 2012 découlant de la remise en cause du coefficient de taxation prévu au III de l'article 206 à l'annexe II au code général des impôts, la société requérante soutient que l'instruction administrative référencée 3-A-1-06 du 10 janvier 2006, en ce qu'elle précise que " la décision " Régie Dauphinoise " par laquelle la Cour de justice des communautés européennes a considéré que les produits financiers perçus par un syndic de gestion immobilière pouvaient s'analyser comme le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable et qu'ils ne pouvaient en conséquence jamais présenter un caractère accessoire, n'a pas vocation à être opposée à d'autres qu'aux syndics ", reprise au BOFiP à compter du 12 septembre 2012 au paragraphe 210 sous la référence BOI-TVA-DED-20-10-20, constitue une prise de position formelle de l'administration et que, par suite, pour apprécier le caractère accessoire ou non de son activité financière, ce critère ne peut lui être opposé. Toutefois, cette instruction qui se borne à commenter une décision de justice relative aux activités financières des syndics, en précisant qu'elle ne règle que le cas des syndics de gestion immobilière, ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale pour les sociétés exerçant une activité d'une autre nature, une telle interprétation ne pouvant d'ailleurs découler d'une lecture par a contrario. Elle ne peut dès lors être opposée à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales par la société requérante.

7. D'autre part, la décision de dégrèvement, non motivée, prise par l'administration en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la société requérante avait été assujettie pour 2010, 2011 et 2012 ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'administration, en procédant aux rehaussements litigieux, aurait méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs au défaut de déclaration d'une livraison à soi-même :

9. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, est assimilée à une livraison de biens effectuée à titre onéreux soumise à la taxe sur la valeur ajoutée :

" (...) L'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté, importé ou ayant fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti, réputée faite au moment de l'affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète (...) ". Aux termes du 4° de l'article 1788 A du même code : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible ".

10. Il est constant que la SA LE CHEQUE DEJEUNER a omis de déclarer les livraisons à soi-même afférentes à l'élaboration d'un logiciel l'année de sa livraison. Pas plus en appel que devant les premiers juges, elle n'établit avoir procédé à la régularisation de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, comme elle le soutient, les trois années suivant les livraisons litigieuses, en l'absence de toute mention particulière sur les déclarations concernées, ainsi que le fait valoir l'administration sans être contredite, permettant de vérifier que la société requérante a effectivement procédé à l'auto-liquidation de la taxe. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a fait l'objet ne seraient pas fondés ou que l'amende de 5% prévue aux dispositions précitées de l'article 1788 A du code général des impôts ne pouvait lui être infligée.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée liés à l'absence d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de prestations de conseil et informatiques fournies par des sociétés établies en dehors de l'Union européenne :

11. Aux termes du 1° de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : " 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis (...) ".

12. Il est constant que la société requérante n'a pas procédé à l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de conseil et les prestations informatiques qui lui ont été fournies par des prestataires établis hors de l'Union européenne. La société requérante conteste le bien-fondé des rappels opérés à ce titre par le service en se bornant à soutenir que ceux-ci sont basés sur une détermination erronée de ses droits à déduction dans la mesure où elle devait bénéficier d'un coefficient de déduction égal à 1 pour chacune des années en litige. Il résulte, toutefois, de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à bon droit que l'administration a intégré, pour le calcul du coefficient de taxation, les produits financiers réalisés par la SA LE CHEQUE DEJEUNER et remis en cause les coefficients appliqués par la société requérante. Par suite, elle n'est pas fondée à demander, pour ce motif, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Sur la taxe sur les salaires :

13. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction

applicable : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant... à la charge des personnes... qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes... est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes du 1er alinéa de l'article 213 à l'annexe II du même code : " Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction ".

14. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs "secteurs" distincts, au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions précitées de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces "secteurs", en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. La taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui ne seraient pas exclusivement affectés à l'un des "secteurs" ne peut, toutefois, qu'être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

15. Le service a remis en cause le coefficient d'assujettissement de la société requérante à la taxe sur les salaires au titre des années 2010 à 2012, en raison notamment de l'absence d'intégration par l'intéressée, pour le calcul dudit coefficient, de recettes situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, en particulier les recettes provenant des titres restaurant perdus ou périmés.

16. Si la société requérante entend revendiquer la prise en compte, d'une part, d'un secteur correspondant à l'activité commerciale de vente de titres restaurant et, d'autre part, d'un secteur correspondant aux activités financières liées au placement de la trésorerie provisoirement disponible et celles liées à l'annulation des titres périmés ou perdus, il résulte de l'instruction que ces deux activités ne correspondent pas à des cycles distincts d'opérations, mais au contraire que les activités financières s'inscrivent nécessairement dans le prolongement de l'activité de vente des titres restaurant. La SA LE CHEQUE DEJEUNER n'est dès lors pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes, de même que la réduction des droits initiaux de taxe sur les salaires au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant total de 606 828 euros.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SA LE CHEQUE DEJEUNER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées. En l'absence de dépens, il n'y a pas davantage lieu de faire application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA LE CHEQUE DEJEUNER est rejetée.

3

N° 17VE00194


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