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07/02/2019 | FRANCE | N°16VE03841

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 07 février 2019, 16VE03841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 août 2015 par laquelle le maire de la commune de Drancy a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 16 place Maurice-Nilès.

Par un jugement n° 1509069 du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête pour irrecevabilité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2016 et le 6 novembre 2018, M.E..., repré

senté par Me Marques Vieira, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 août 2015 par laquelle le maire de la commune de Drancy a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 16 place Maurice-Nilès.

Par un jugement n° 1509069 du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête pour irrecevabilité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2016 et le 6 novembre 2018, M.E..., représenté par Me Marques Vieira, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° d'enjoindre au maire de la commune de Drancy de mettre en oeuvre le dispositif prévu par l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4° de communiquer une copie de l'arrêt à intervenir au préfet de la Seine-Saint-Denis et au directeur des finances publiques de la Seine-Saint-Denis ;

5° de mettre à la charge de la commune de Drancy les dépens et le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E...soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier : il n'est pas justifié que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; c'est à tort que le tribunal administratif a jugé la requête irrecevable pour tardiveté, alors que la décision attaquée n'a pas fait l'objet d'un affichage régulier ;

- le jugement est infondé : la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation quant à la réalité d'un projet au sens de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ; aucun projet immobilier justifiant une mesure de préemption n'a été établi ; la décision de préemption est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'annulation de la décision contestée implique qu'il soit enjoint à la commune de Drancy, pour rétablir la situation juridique existant avant la date de cette décision, de mettre en oeuvre le dispositif prévu par l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guével,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me F...B...pour M.E..., et de MeA..., substituant MeC..., pour la commune de Drancy.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) ; 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ;/(...). ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) / (...) / Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes (...). ". Aux termes de l'article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales : " La publication des arrêtés du maire peut être constatée par une déclaration certifiée du maire. / (...). ".

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme : " (...) / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. / (...). ". Lorsqu'elle fait l'objet d'un affichage destiné aux tiers, cette décision de préemption doit, compte tenu de son objet, être affichée pendant une durée de deux mois.

3. Enfin, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat d'affichage établi par le maire de la commune de Drancy en date du 13 juillet 2016 et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que la décision du 3 août 2015 par laquelle le maire de cette commune a, par délégation du conseil municipal, exercé le droit de préemption urbain a été affichée à la mairie du 4 août 2015 au 19 août 2015, la première de ces dates constituant le point de départ du délai de recours contentieux. Ce délai de 15 jours était insuffisant pour faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision attaquée. Dans la mesure où la décision de préemption contestée a été affichée dans des conditions irrégulières, celles-ci ont fait obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux. Dès lors, la demande de M. E...présentée le 23 octobre 2015 devant le Tribunal administratif de Montreuil n'était pas tardive. Par suite, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a regardé sa demande comme irrecevable à raison de sa tardiveté.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de la décision attaquée :

6. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'Etat dans le département lorsque l'aliénation porte sur un des biens ou droits énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 213-1 du présent code, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l'Etat peut déléguer ce droit à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant conclu une convention mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 301-5-1 du même code, à un établissement public foncier créé en application des articles L. 321-1 ou L. 324-1 du présent code, à une société d'économie mixte, à un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou à un des organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-2 du même code. Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du même code. Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ".

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

8. En l'espèce, la décision attaquée mentionne que " l'acquisition de cette propriété [préemptée] permettrait à la commune de poursuivre sa politique locale de l'habitat dont l'un des objectifs est de mettre en place les actions et opérations d'aménagement en matière d'habitat et sa politique économique locale en matière commerciale de revitalisation, de maintien, d'extension ou d'accueil des activités économiques et commerciales ". Cette motivation de la décision de préemption en litige, qui ne vise même pas les délibérations du conseil municipal de la commune de Drancy qui auraient défini la politique locale de l'habitat et la politique économique locale, ne fait pas apparaître la nature du projet d'aménagement poursuivi. Dès lors, cette décision ne répond pas à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions spéciales mentionnées aux points 6 et 7. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être accueilli.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés n'est susceptible d'entrainer l'annulation de la décision de préemption litigieuse.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en annulation de cette décision.

Sur les conclusions en injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2. ".

12. Lorsque que le juge administratif est saisi, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce qu'il prescrive les mesures qu'implique nécessairement l'annulation de la décision de préemption, il lui appartient, après avoir le cas échéant mis en cause la ou les parties à la vente initialement projetée qui n'étaient pas présentes à l'instance et après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire à l'auteur de la décision annulée de prendre les mesures ci-dessus définies, dans la limite des conclusions dont il est saisi.

13. D'une part, dans la mesure où M. E...est tiers à la vente initialement projetée, ses conclusions tendant à l'application des dispositions visées au point 11 de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme ne peuvent qu'être rejetées. D'autre part, l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit n'implique pas nécessairement, à l'aune de ces mêmes dispositions, d'enjoindre au titulaire du droit de préemption de saisir le juge judiciaire aux fins de faire constater la nullité de la vente.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Drancy le versement de la somme de 2 000 euros à M. E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du requérant, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Drancy demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1509069 du 27 octobre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La décision du 3 août 2015 par laquelle le maire de la commune de Drancy a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 16 place Maurice-Nilès est annulée.

Article 3 : La commune de Drancy versera une somme de 2 000 euros à M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions en injonction présentées par M. E...sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Drancy tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE03841 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03841
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais - Publication - Affichage.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : MARQUES VIEIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-07;16ve03841 ?
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