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27/12/2018 | FRANCE | N°18VE00307

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 27 décembre 2018, 18VE00307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NATIXIS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, de la décharger des rappels de crédit d'impôt recherche auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, à hauteur de 922 192 euros.

Par un jugement n° 1701332 du 30 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, la société NATIXIS, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;


2° de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NATIXIS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, de la décharger des rappels de crédit d'impôt recherche auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, à hauteur de 922 192 euros.

Par un jugement n° 1701332 du 30 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, la société NATIXIS, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 à hauteur de 922 192 euros.

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société NATIXIS soutient que :

- le pouvoir réglementaire a méconnu l'étendue de l'habilitation conférée par le législateur en réduisant la base de calcul du crédit d'impôt recherche ;

- la doctrine exprimée dans l'instruction fiscale 4-1-00 n°28 du 8 février 2000 et le BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 du 6 juillet 2016 et lors de la conférence annuelle " Panorama des redressements fiscaux " du 17 juin 2010, dont certaines parties ont été infirmées par la jurisprudence, restreint de manière excessive la notion de charges sociales obligatoires et de dépenses de personnel ;

- les dispositions combinées des article 244 quater B du code général des impôts et le B de l'article 49 septies I de l'annexe III à ce code ne s'opposent pas à ce que les subventions versées au comité d'entreprise, la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité, les versements opérés au titre du fonds national de l'aide au logement (FNAL), au titre de la taxe d'apprentissage, de la formation professionnelle continue et de la participation à l'effort de construction, le versement destiné au financement des transports, la taxe sur la contribution patronale de prévoyance et le forfait social soient regardés comme des dépenses de personnel.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la décision n° 2011-148/154 QPC du 22 juillet 2011 du Conseil constitutionnel ;

- la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tronel,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

1. La société ST Microelectronics, société mère d'un groupe fiscalement intégré et la société ST Microelectronics Rousset, filiale intégrée du groupe, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'occasion de laquelle l'administration a remis en cause des montants de crédit d'impôt recherche retenus au titre de l'exercice clos en 2010, correspondant à diverses dépenses de personnel. Le 15 octobre 2013, la société ST Microelectronics a cédé à la société NATIXIS le crédit d'impôt recherche dont elle était titulaire au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010. Les impositions supplémentaires relatives au crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2010 des sociétés ST Microelectronics et ST Microelectronics Rousset ont été mises en recouvrement auprès de la société NATIXIS par un avis du 31 décembre 2015. A concurrence de 922 192 euros, la société a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de crédit d'impôt en résultant. Par un jugement du 30 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande. La société NATIXIS relève appel de ce jugement.

Sur le terrain de la loi fiscale :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies I de l'annexe III à ce code : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : (...) / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ".

3. Il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts que, parmi les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt, figurent les " dépenses de personnel ". Ces dépenses dont il ne résulte ni de ces dispositions, ni des travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues qu'elles comprendraient " toute dépense liée à l'emploi de personnel ", sont les rémunérations et leurs accessoires des chercheurs et des techniciens de recherche directement et exclusivement affectés aux opérations de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt ainsi que les charges sociales liées à ces rémunérations et à leurs accessoires. En indiquant dans l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts que les charges sociales à prendre en compte sont celles qui correspondent à des cotisations sociales obligatoires, le pouvoir réglementaire s'est borné à préciser les modalités d'application de la loi sans excéder sa compétence.

En ce qui concerne l'impossibilité d'établir une imposition sur le fondement de la doctrine :

4. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est bornée, en l'espèce, à faire application du texte fiscal et n'a pas opposé à la société requérante sa propre doctrine. Dès lors, la société NATIXIS ne saurait utilement soutenir que l'administration se serait fondée sur une interprétation restrictive et par suite illégale de la notion de charge sociale telle qu'exprimée, selon elle, dans l'instruction fiscale 4-1-00 n°28 du 8 février 2000, le BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 du 6 juillet 2016 et lors de la conférence annuelle " Panorama des redressements fiscaux " du 17 juin 2010.

En ce qui concerne les subventions versées au comité d'entreprise :

5. Aux termes de l'article L. 2325-43 du code du travail alors en vigueur : " L'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute. / Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute ".

6. Il résulte de ces dispositions que les subventions versées pour le fonctionnement d'un comité d'entreprise, alors même qu'elles sont comptabilisées dans un compte de charges de personnel, ne sont pas versées aux personnels de recherche, à l'égard desquels elles ne constituent ni une rémunération, ni un accessoire de la rémunération au sens des dispositions précitées de l'article 44 septies I de l'annexe III au code général des impôts. Cette subvention ne constitue pas davantage une cotisation sociale à défaut de correspondre à un versement obligatoire à un régime de sécurité sociale. Par suite, ces versements ne peuvent être inclus dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne les versements effectués au fonds national d'aide au logement :

7. Aux termes de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors en vigueur : " Le financement de l'allocation de logement relevant du présent titre et des dépenses de gestion qui s'y rapportent est assuré par le fonds national d'aide au logement mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation. Pour concourir à ce financement, les employeurs sont assujettis à : 1° Une cotisation assise sur les salaires plafonnés et recouvrée selon les règles applicables en matière de sécurité sociale ; 2° Une contribution calculée par application d'un taux de 0, 40 % sur la totalité des salaires et recouvrée suivant les règles applicables en matière de sécurité sociale (...) ".

8. Si les sommes versées par la société à ses salariés en application de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale ont un caractère obligatoire, elles sont destinées au financement de l'allocation logement et ne bénéficient pas directement aux salariés de l'entreprise. Ces versements qui ne sont donc pas des cotisations sociales obligatoires au sens des dispositions de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts précité, ne peuvent être inclus dans les dépenses de personnel éligibles au crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne les versements effectués au titre de la contribution additionnelle à la contribution solidarité autonomie :

9. Aux termes de l'article L. 245-13 du code de la sécurité sociale alors en vigueur : " Il est institué une contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (...). Cette contribution additionnelle est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés. (...) ".

10. Il résulte de la décision n° 2011-148/154 QPC du 22 juillet 2011 du Conseil constitutionnel que la contribution solidarité autonomie instaurée par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées constitue une imposition de toute nature. Il en est de même de la contribution additionnelle à cette contribution qui est perçue dans les mêmes conditions que cette dernière et qui ne peut donc pas davantage être regardée comme une cotisation sociale obligatoire éligible au crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne la taxe d'apprentissage :

11. Aux termes du 1 de l'article 224 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit (...) est versé au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (...) ".

12. Il résulte de cette disposition que la taxe d'apprentissage ne revient pas au personnel de recherche, à l'égard duquel elle ne constitue ni une rémunération, ni un accessoire de la rémunération ni une cotisation sociale obligatoire à défaut d'être versée à un régime de sécurité sociale. Elle ne peut dès lors être incluse dans les dépenses de personnel éligibles au crédit d'impôt recherche en application des dispositions précitées de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts.

En ce qui concerne la participation à l'effort de construction :

13. Aux termes du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé (...) aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) ".

14. Cette participation ne constitue ni une rémunération, ni un accessoire de la rémunération au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts. Cette subvention ne constitue pas davantage une cotisation sociale à défaut de correspondre à un versement obligatoire à un régime de sécurité sociale. Par suite, elle ne peut être incluse dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne la dotation à la formation professionnelle continue :

15. Il ressort des articles L. 6331-9 et R. 6331-9 du code du travail dans leur rédaction alors applicable que les employeurs de dix salariés et plus consacrent au financement des actions définies à l'article L. 6331-1 un pourcentage au moins égal à 1,60 % du montant des rémunérations versées pendant l'année en cours, qu'ils versent à un organisme collecteur paritaire agréé par l'Etat. Cette dotation ne constitue donc ni une rémunération, ni un accessoire de la rémunération des personnels de recherche, ni une cotisation sociale à défaut de correspondre à un versement obligatoire à un régime de sécurité sociale. Par suite, elle ne peut être incluse dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne le versement transport :

16. Le versement pour le financement des transports, institué par les dispositions figurant au chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie de la partie législative du code général des collectivités territoriales et auquel sont assujetties certaines entreprises situées en dehors d'Ile-de-France, est une imposition affectée au financement des dépenses d'investissement et de fonctionnement des transports publics urbains. Elle ne constitue pas une cotisation sociale et ne revient pas aux personnels de recherche mais au service des transports publics. Par suite, elle ne peut être incluse dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne les versements au titre de la taxe spéciale sur les contributions patronales de prévoyance :

17. Aux termes de l'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale alors en vigueur : " Il est institué à la charge des employeurs une taxe sur les contributions des employeurs et des organismes de représentation collective du personnel versées, à compter du 1er janvier 1996, au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance. Toutefois, ne sont pas assujettis à la taxe les employeurs occupant neuf salariés au plus tels que définis pour les règles de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ".

18. La taxe spéciale sur les contributions patronales de prévoyance prévue par ces dispositions qui constitue une imposition de toute nature, n'a pas le caractère d'une cotisation sociale obligatoire pouvant être incluse dans l'assiette du crédit d'impôt recherche en application des dispositions précitées de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts.

En ce qui concerne la contribution mentionnée à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale :

19. Aux termes de l'article 137-15 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable : " Les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 du présent code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur (...) ".

20. Il résulte de la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012 du Conseil constitutionnel que cette contribution, qui ne conditionne pas l'ouverture d'un droit ou d'une prestation au profit des salariés de l'entreprise, constitue une imposition de toute nature. Elle ne peut donc pas être regardée comme une cotisation sociale obligatoire éligible au crédit d'impôt recherche.

21. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que la société NATIXIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société NATIXIS la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société NATIXIS est rejetée.

6

N° 18VE00307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00307
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : AKLEA SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-27;18ve00307 ?
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