Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004.
Par un jugement n° 1422022 du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les
21 décembre 2016 et 2 juillet 2017, M. et MmeB..., représentés par
Me Belliart, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires au titre des années 2003 et 2004 en tant qu'elles découlent d'une reconstitution des bénéfices de la SARL GB ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les flux de trésorerie liés à la circulation des traites de cavalerie mise en place par le groupe MVT ne résultent pas d'une activité économique et ne peuvent donc constituer des bénéfices ; le compte 411 NMC retraçait les opérations en rapport avec les traites de cavalerie, ce que l'administration savait, ayant elle-même relevé que les versements encaissés l'ont été en dehors de tout cadre légal ou commercial ; d'ailleurs, les pourcentages de bénéfice invraisemblables prouvent l'exagération des bénéfices reconstitués et démontrent l'incohérence des rectifications opérées par l'administration fiscale, ce qui doit entraîner la décharge des impositions personnelles qui en découlent ; la méthode d'évaluation des bénéfices de la société GB, très modeste entreprise de maçonnerie, est affectée de contradictions - indication du caractère extra-économique des flux financiers - et de lacunes - imposition aboutissant à un résultat invraisemblable - telles que l'imposition en litige est dépourvue de base légale ;
- ils ont apporté la preuve de l'identification des bénéficiaires effectifs des sommes réputées distribuées.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société GB a fait l'objet en 2005 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a écarté sa comptabilité et a reconstitué son chiffre d'affaires. En conséquence, la société GB a été notamment assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2002, 2003 et 2004. Au terme de cette vérification, la société GB ayant désigné son gérant, M.B..., dans le cadre de la mise en oeuvre par l'administration de la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts, comme étant le bénéficiaire de revenus réputés distribués par cette société, et notamment des crédits bancaires constatés sur le compte client " 411 NMC " portant sur les sommes de 412 637 euros au titre de l'année 2003 et 34 856 euros au titre de l'année 2004, M. et Mme B...ont été imposés à raison de ces derniers dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du même code. M. et Mme B...demandent l'annulation du jugement du 27 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 à raison des rectifications relatives aux crédits bancaires susvisés, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.
2. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Aux termes du premier alinéa de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visée à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution ".
Sur la charge de la preuve :
3. M. B... n'ayant pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées selon la procédure de rectification contradictoire et qui découlent du rattachement à son revenu global des bénéfices de la société GB regardés comme distribués, il appartient à l'administration de prouver l'existence des bénéfices qui auraient été distribués par la société.
Sur l'existence de revenus distribués :
4. Pour apporter la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant de revenus distribués par la société GB à son gérant, l'administration fait état du rehaussement des bénéfices de cette société qui résulte de la réévaluation des recettes de l'entreprise après que les écritures comptables eurent été écartées comme irrégulières. Cette réévaluation procède de la réintégration de versements bancaires à hauteur des sommes de 412 637 euros au titre de l'année 2003 et 34 856 euros au titre de l'année 2004 sur le compte client " 411 NMC " sans que la cause de ceux-ci n'ait pu être identifiée.
5. M. B...soutient que ces sommes n'ont fait que transiter par le compte bancaire de la société GB afin d'alimenter un circuit de cavalerie financière mis en place par les dirigeants des sociétés du groupe MVT avec lequel la société GB entretenait des relations d'affaires et vis-à-vis desquelles elle était en situation de dépendance économique. Il ressort, en effet, des mentions du jugement du Tribunal correctionnel d'Evry du 4 septembre 2012 ayant condamné les dirigeants du groupe MVT pour escroquerie, qu'en vue de procurer aux sociétés du groupe MVT des facilités de trésorerie, des effets de commerce de complaisance, non signés par les débiteurs désignés, ont été tirés sur diverses sociétés, dont la société GB, qui ont accepté de les payer aux banques concernées en dépit de l'absence de signature de ceux-ci, après avoir encaissé des chèques des sociétés du groupe MVT afin d'être en mesure d'honorer ces effets à leur échéance. Il ressort également des constatations de ce jugement que la cavalerie financière en cause a porté sur une somme totale de 457 792,23 euros. M.B..., prévenu initialement d'avoir été complice du délit d'escroquerie entre le 2 décembre 2002 et le 13 avril 2006 à raison de son acceptation des effets de commerce non causés pour la somme susvisée, a finalement été condamné pour recel d'abus de biens de sociaux au préjudice des sociétés du groupe MVT par perception de chèques en compensation du paiement des traites. L'administration, qui ne conteste ni l'existence de ces opérations de cavalerie financière ni le montant sur lesquelles elles ont porté, ni d'ailleurs, qu'à tout le moins, une partie des sommes en litige participaient de ce circuit, se borne à soutenir que le requérant n'établit pas l'exagération des réintégrations effectuées par le service dans les bénéfices de la société GB dont les impositions contestées ne sont que la conséquence directe. Ce faisant, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en l'espèce, de l'existence de minorations de recettes imposables. En effet, ainsi que le soutient le requérant, le service s'est contenté, après avoir rejeté la comptabilité de la société GB pour les années 2003 et 2004, de fixer les nouvelles bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de cette société en agrégeant au chiffre d'affaires déclaré la totalité des sommes inscrites au compte 411 NMC alors pourtant qu'il relevait dans le même temps un certain nombre d'éléments de nature à infirmer l'existence de recettes occultes, et notamment le rattachement du compte 411 NMC à un compte client alors que la société NMC, membre du groupe MVT, était un fournisseur de la société GB, l'existence de flux réalisés en dehors de tout cadre juridique ou commercial, ou encore les mentions du compte 411 NMC, dont le détail des opérations qu'il retrace a été repris par le service et annexé à la proposition de rectification établie le 13 mars 2016, faisant ressortir l'existence de nombreux effets de commerce non signés identifiés sous le libellé " dom NMC non signé " à des dates rapprochées des crédits en litige enregistrés sur ce même compte. M. B...justifie, en outre, de l'identité des tiers bénéficiaires des chèques émis par la société GB au cours de l'année 2003 et inscrits au débit du compte " 411 NMC ". Au surplus, M. B...établit que les redressements sur recettes opérés par l'administration aboutissent à des pourcentages de bénéfices bruts invraisemblables eu égard au secteur d'activité en cause, alors que l'administration n'a pas apporté le moindre commencement de preuve de l'existence d'une activité dissimulée pouvant générer les recettes sur lesquelles ont porté ces redressements sur recettes. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant des distributions taxées entre les mains de
M.B....
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à ce que les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales qui leur ont été assignées au titre des années 2003 et 2004 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers soient réduites respectivement des sommes de 412 637 euros et 34 856 euros et à la décharge des impositions correspondantes.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1422022 du 27 octobre 2016 est annulé.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignées à M. et Mme B...au titre des années 2003 et 2004 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont réduites, respectivement, de 412 637 euros et de 34 856 euros.
Article 3 : M. et Mme B...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2003 et 2004, ainsi que des pénalités correspondantes, dans la limite de la réduction de bases prononcée à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE03829