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15/11/2018 | FRANCE | N°16VE00043

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 15 novembre 2018, 16VE00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bank of America National Association a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à concurrence de la somme de 518 636 euros.

Par un jugement n° 1404589 en date du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de cette contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bank of America National Association a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à concurrence de la somme de 518 636 euros.

Par un jugement n° 1404589 en date du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de cette contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 7 janvier 2016 et le 19 décembre 2016, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° et de remettre à la charge de la société Bank of America National Association la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Il soutient que :

- les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, en estimant que son champ d'application était déterminé par le chiffre d'affaires réalisé par l'établissement stable en France d'une société étrangère, laquelle est seule redevable in fine de l'impôt sur les sociétés en France ;

- ils ont méconnu la portée de l'article 209-1 du code général des impôts ;

- l'article 7 de la convention fiscale franco-américaine, qui prévoit l'imposition du bénéfice de l'établissement stable dans l'Etat où se trouve cet établissement, n'est pas contraire à la règle de détermination du champ d'application à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts.

..........................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement, en date du 3 décembre 2015, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle la société Bank of America National Association avait été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à concurrence de la somme de 518 636 euros.

2. Aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe ". Aux termes de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ".

3. En application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions d'euros. Si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France. Par suite, c'est à tort que, pour prononcer la décharge de la contribution litigieuse, les premiers juges ont estimé qu'il convenait de retenir le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 du code déjà mentionné.

4. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens de la demande.

5. Si la société Bank of America National Association soutient que le rejet implicite de sa réclamation en restitution de la contribution litigieuse est fondé sur une instruction administrative du 27 mars 2012 4 L-12-3-12, entachée de diverses illégalités, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS fait valoir que, pour rejeter cette demande ainsi que la demande de la société devant les premiers juges, il s'est fondé sur le seul article 235 ter ZAA précité du code général des impôts. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que cette instruction ajoute à la loi fiscale, est inopérant.

6. La société requérante ne peut donc soutenir utilement que l'instruction mentionnée au paragraphe 5 ne serait pas conforme à la Constitution et en particulier au principe d'égalité. Par suite, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

7. Aux termes de l'article 2 de la convention fiscale franco-américaine : " 1. Les impôts auxquels s'applique la présente Convention sont : a) En ce qui concerne la France : (...) II) l'impôt sur les sociétés ; (...) ". Aux termes de son article 5 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaire par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : (...) b) Une succursale (...) ". Selon l'article 7 de la même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'n établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement sable (...) ". Enfin, le 2) de l'article 25 de la convention porte que : " L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un État contractant a dans l'autre État contractant n'est pas établie dans cet autre État d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre État qui exerce la même activité ". Il résulte de ces stipulations qu'une entreprise américaine ayant un ou plusieurs établissements stables en France ne peut supporter dans ce pays une imposition plus lourde qu'une entreprise française ayant un ou plusieurs établissements stables aux États-Unis. Elle ne fait en revanche pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une personne morale américaine redevable de l'impôt sur les sociétés et ayant un établissement stable en France soit assujettie à la contribution en litige, alors qu'une société française qui n'aurait pas d'établissement stable aux Etats-Unis et ne serait donc pas dans une situation comparable, n'entrerait pas dans le champ d'application de cette imposition. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

8. La société Bank of America National Association soutient que le principe de liberté d'établissement impose que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement. Toutefois, une entreprise ayant son siège dans un pays tiers ne saurait utilement se prévaloir de ce principe communautaire de liberté d'établissement. En tout état de cause, au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre Etat ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé à tort la décharge de l'imposition en litige et à demander la remise de cette imposition à la charge de la société.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Bank of America National Association.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404589 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 3 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés est remise à la charge de la société Bank of America National Association au titre des exercices clos en 2011 et 2012 à concurrence de la somme de 518 636 euros.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Bank of America National Association sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 16VE00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00043
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-15;16ve00043 ?
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