Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour une somme globale de 4 984 390 euros au titre des exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1605051 du 30 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2017, et un mémoire enregistré le 9 février 2018, la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° d'ordonner le remboursement de ces impositions assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4° subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité des dispositions de l'article 235 ter ZAA au principe de liberté d'établissement ;
5° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la notion de redevable retenue par l'administration, qui conduit à retenir le chiffre d'affaires de la société de droit étranger en présence d'un établissement stable n'ayant pas la personnalité juridique, contrevient aux dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ;
- la doctrine administrative est ainsi contraire à ces dispositions ;
- les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, qui sont à l'origine d'une différence de traitement entre la succursale et la filiale d'une société étrangère et compromettent la liberté de choisir la forme juridique la plus appropriée pour l'exercice d'une activité dans un autre État membre, introduisent une restriction à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la position de l'administration est contraire à la clause de non-discrimination figurant à l'article 25 § 2 de la convention fiscale franco-espagnole ;
- la discrimination qui découle de ces dispositions ne repose sur aucune justification objective et raisonnable permettant de justifier la différence de traitement appliquée à une société non résidente suivant qu'elle exerce son activité française au travers d'un établissement stable ou d'une filiale, contrevenant ainsi aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ainsi qu'en a jugé le Conseil d'État à propos du 1° du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts (CE, 29 mars 2017, n° 399506, Sté Layer).
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;
- la convention signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
1. Considérant que la société de droit espagnol BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA, qui exerce une activité bancaire, a été assujettie au titre des exercices clos des années 2011 à 2014 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; qu'elle relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition à concurrence d'une somme totale de 4 984 390 euros ;
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale:
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ;
3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins
250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, dès lors, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, l'administration était fondée à retenir le chiffre d'affaires mondial réalisé par la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale :
4. Considérant que dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'imposition litigieuse a été établie conformément à la loi, le moyen soulevé par la requérante et tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté d'établissement découlant de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un État membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ;
6. Considérant que la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA soutient que le principe de liberté d'établissement implique que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère et, en conséquence, celui de non-discrimination ;
7. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre implique seulement, pour l'État membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissement des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables ; qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre État membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté ; que, par voie de conséquence, il ne saurait avoir non plus été porté atteinte au principe de non-discrimination découlant également de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination prévu au paragraphe 2 de l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole susvisée : " (...) 2. L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité (...) " ;
9. Considérant, d'une part, qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie en Espagne disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment en Espagne, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt ;
10. Considérant, d'autre part, que la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale, dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne sont pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire ;
11. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que les modalités d'application de la contribution exceptionnelle, telles que précisées ci-dessus, méconnaîtraient la clause de non-discrimination prévue à l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non discrimination prévu à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (...) " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;
13. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, la différence de chiffre d'affaires à prendre en compte selon que la société étrangère exerce son activité en France par l'intermédiaire d'une succursale ou d'une filiale est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale et qu'elle ne peut être regardée comme étant, en elle-même, à l'origine d'une discrimination prohibée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait, de ce fait, une différence de traitement à l'origine d'une discrimination prohibée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SA est rejetée.
N° 17VE01698 4