Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Banco Santander SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour une somme totale de 1 630 422 euros au titre de l'exercice clos en 2015.
Par un jugement n° 1605885 du 16 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2017, la société BANCO SANTANDER SA, représentée par Me Chatelain, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige.
Elle soutient que :
- en ne définissant pas clairement la notion de " redevables de l'impôt sur les sociétés " figurant à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, le législateur a méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
- dès lors qu'un établissement stable est un redevable de l'impôt, et conformément au principe de territorialité posé par l'article 209 du code général des impôts ainsi d'ailleurs qu'à l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole, le chiffre d'affaires à retenir pour déterminer l'assujettissement ou non à la contribution exceptionnelle visée par l'article 235 ter ZAA de ce code ne peut être que celui attribué à l'établissement stable pour les besoins de l'impôt sur les sociétés français ; c'est, du reste, ce principe qu'a retenu le Conseil d'État en matière d'imposition forfaitaire annuelle ;
- sur ce point, l'administration n'est pas en droit de faire prévaloir sa propre doctrine ;
- les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre la succursale et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement contraire aux stipulations de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;
- en amalgamant les chiffres d'affaires réalisés hors de France par le siège avec ceux réalisés en France par la succursale l'administration contrevient au principe de l'autonomie fiscale de la succursale prévu par les dispositions de l'article 7 alinéa 2 de la convention fiscale franco espagnole ;
- la position de l'administration est contraire à la clause de non-discrimination figurant au 2 de l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49
et 54 ;
- la convention signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
1. Considérant que la société de droit espagnol BANCO SANTANDER SA, qui exerce une activité bancaire, a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; qu'elle relève appel du jugement du 16 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition à concurrence d'une somme totale de 1 630 422 euros ;
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 susvisée : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable (...) " ;
3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins
250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; qu'il n'en résulte aucune violation du paragraphe 2 de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole ; que, par suite, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, l'administration était fondée à retenir le chiffre d'affaires mondial réalisé par la société BANCO SANTANDER SA ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi :
4. Considérant, qu'en dehors des cas et conditions où il est saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en adoptant les dispositions précitées de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, le législateur aurait méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi est inopérant ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale :
5. Considérant que dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, l'imposition litigieuse a été établie conformément à la loi, le moyen soulevé par la requérante et tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non- discrimination prévu au paragraphe 2 de l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole susvisée : " (...) 2. L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité (...) " ;
7. Considérant, d'une part, qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie en Espagne disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment en Espagne, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt ;
8. Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne sont pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire ;
9. Considérant par suite, que le moyen tiré de ce que les modalités d'application de la contribution exceptionnelle, telles que précisées ci-dessus, méconnaîtraient la clause de non-discrimination prévue à l'article 25 de la convention fiscale franco-espagnole ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté d'établissement découlant de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
10. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un État membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ;
11. Considérant que la société BANCO SANTANDER SA soutient que le principe de liberté d'établissement impose que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère ;
12. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre implique seulement, pour l'Etat membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables ; qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre État membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BANCO SANTANDER SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société BANCO SANTANDER SA est rejetée.
N° 17VE01289 2