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06/11/2018 | FRANCE | N°16VE03705

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 novembre 2018, 16VE03705


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Münchener Rückversicherungsgesellschaft a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour une somme de 1 151 934 euros au titre de l'exercice clos en 2014.

Par un jugement n°1509965 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, a accordé à la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft la décharge sollicitée et rejeté le surplus de

la demande concernant le versement des intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Münchener Rückversicherungsgesellschaft a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour une somme de 1 151 934 euros au titre de l'exercice clos en 2014.

Par un jugement n°1509965 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, a accordé à la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft la décharge sollicitée et rejeté le surplus de la demande concernant le versement des intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 19 décembre 2016 et régularisé le 6 janvier 2017, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il lui fait grief ;

2° de remettre à la charge de la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft, les impositions dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal et ainsi que l'a jugé le Conseil d'État dans sa décision n° 395015 du 9 décembre 2016, le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévu par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts doit s'apprécier au regard du chiffre d'affaires total réalisé par la société et non du seul chiffre d'affaires réalisé par son établissement stable en France, sans qu'y fassent obstacle les règles de territorialité du I de l'article 209 du code général des impôts et de l'article 4 de la convention fiscale franco-allemande.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49

et 54 ;

- la convention signée le 21 juillet 1959 entre la République française et la république fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproques en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

1. Considérant que la société de droit allemand Münchener Rückversicherüngsgesellschaft, qui exerce une activité d'assurance et de réassurance, a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 20 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft tendant à la décharge de ces impositions ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention susvisée conclue entre la France et l'Allemagne le 21 juillet 1959 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants (...) " ;

3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins

250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que dès lors le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir jugé que, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, il y avait lieu de ne retenir que le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés, a prononcé la restitution de cette contribution ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft devant le tribunal administratif ;

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui en découle, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un État membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement.

6. Considérant que la société requérante soutient que le principe de liberté d'établissement implique que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère et, en conséquence, celui de non-discrimination ;

7. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre implique seulement, pour l'État membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables ; que d'une part, au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre État membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre ; que, d'autre part, l'existence d'une différence entre les chiffres d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation du seuil d'assujettissement à cette contribution, selon que les sociétés étrangères exercent des activités en France dans le cadre d'une succursale ou dans le cadre d'une filiale qui est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale ne constitue pas, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté ; que, par voie de conséquence, il ne saurait avoir non plus été porté atteinte au principe de non discrimination découlant également de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et pas davantage à la liberté de circulation des capitaux garantie par les articles 63 à 66 dudit traité ;

8. Considérant que dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'imposition litigieuse a été établie conformément à la loi, le moyen soulevé par la requérante et tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos de l'année 2014 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°1509965 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 20 octobre 2016 sont annulés.

Article 2 : Les impositions dont le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge par le jugement précité sont remises à la charge de la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft.

N° 16VE03705 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03705
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : GGV GRUTZMACHER/GRAVERT/VIEGENER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-06;16ve03705 ?
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