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03/07/2018 | FRANCE | N°17VE02644

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 juillet 2018, 17VE02644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation des arrêtés du 27 juin 2017 du préfet de l'Essonne ordonnant son transfert aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile et prononçant son assignation à résidence dans le département de l'Essonne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1704550 du 4 juillet 2017, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre l'arr

té portant assignation à résidence.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation des arrêtés du 27 juin 2017 du préfet de l'Essonne ordonnant son transfert aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile et prononçant son assignation à résidence dans le département de l'Essonne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1704550 du 4 juillet 2017, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté portant assignation à résidence.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaires, enregistrés les 8 août 2017 et 16 mars 2018, M.B..., représenté par Me Lamirand, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un récépissé de demande d'asile ;

4° de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, la somme de 2 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en contrepartie de la renonciation de ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 27 juin 2017 ;

- il n'est pas établi qu'il aurait été signalé en Italie ni que le préfet aurait saisi les autorités italiennes, et ce, dans le délai de trois mois à compter de sa demande de protection internationale auprès de la France, ainsi que l'exige l'article 21 du règlement (UE) n°04/2013 ;

- en vertu de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne saurait être transféré vers l'Italie compte tenu des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays ;

- en outre, il n'est pas établi qu'il pourrait bénéficier en Italie des soins auxquels il est actuellement astreint et dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du

26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du

26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du

19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Huon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité pakistanaise, relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 27 juin 2017 prononçant son assignation à résidence dans le département de l'Essonne pour une durée de quarante-cinq jours ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...avait également demandé au tribunal l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2017 du préfet de l'Essonne ordonnant son transfert aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile ; que le premier juge n'a pas statué sur ces conclusions qu'il n'a d'ailleurs pas visées ; que, dans cette mesure, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, d'une part, dans cette même mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B...devant le Tribunal administratif de Versailles et, d'autre part, de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions du requérant ;

Sur la légalité de l'arrêté de transfert vers l'Italie :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de

police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

5. Considérant que l'arrêté contesté, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, comporte les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences posées par les dispositions précitées ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L.742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) " ; qu'aux termes de l'article du 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier des informations du fichier " EURODAC " mais aussi des propres déclarations faites par l'intéressé lors de son entretien individuel en préfecture, que M. B...est entré irrégulièrement en France en provenance de l'Italie ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées que le préfet a estimé que la responsabilité du traitement de sa demande d'asile incombait aux autorités italiennes, peu importe à cet égard, la circonstance que le requérant n'ait pas formé de demande d'asile auprès de ces autorités ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 9 mars 2017, date à laquelle la consultation du fichier " EURODAC " a révélé son passage par l'Italie ; qu'il est établi, par la production de l'accusé de réception " Dublinet " correspondant, que la demande de prise en charge auprès des autorités de ce pays a été présentée dès le 15 mars 2017 ; qu'en l'absence de réponse dans le délai de deux mois, le préfet a adressé à ces dernières, le 18 mai 2017, un constat d'acceptation implicite ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'administration n'aurait pas saisi les autorités italiennes dans les délais prescrits par les dispositions précitées et que celles-ci, par leur silence, n'auraient pas tacitement accepté de prendre en charge le requérant manquent en fait ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, si M. B...soutient qu'il encourt des risques en cas de retour au Pakistan, un tel moyen est inopérant dès lors que l'arrêté en litige n'a pas pour objet de le reconduire dans ce pays ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " ; qu'aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si les rapports d'information sur la situation de l'asile en Italie versés aux débats, font état de difficultés d'hébergement et d'un allongement des délais de traitement des dossiers, liés à un afflux massif de demandeurs, ils ne suffisent pas à établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil de ces deniers, de nature à entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant ; que le requérant n'apporte, par ailleurs, pas la moindre précision sur les " craintes personnalisées de mauvais traitements " dont il se borne à faire état dans ces termes ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de l'intéressé ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de transfert en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées ou des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant, en sixième lieu, d'une part, que M.B..., qui invoque son état de santé, ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui ne sont applicables qu'aux décisions portant obligation de quitter le territoire français prises en application de l'article L. 511-1 de ce code et non aux décisions de transfert prévues par l'article L. 742-3 du même code ;

14. Considérant, d'autre part, que l'intéressé peut, toutefois, être regardé comme ayant entendu ainsi invoquer l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ; que, cependant, si M. B...fait valoir qu'il souffre d'une leucémie myéloïde chronique nécessitant une prise en charge médicale, sous peine de conséquences exceptionnellement graves, il ne ressort ni du certificat médical établi le 24 juillet 2017, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'une telle prise en charge ne pourrait être assurée en Italie, qui dispose notoirement d'infrastructures adaptées et de médecins qualifiés, ni qu'il ne pourrait supporter un transport vers ce pays ; que, par suite, en estimant qu'il n'y avait pas lieu, en l'espèce, d'admettre M. B...au séjour au titre de son pouvoir discrétionnaire et en application de l'article 17 du règlement mentionné ci-dessus, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste quant à l'appréciation de la situation de l'intéressé ;

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, que M. B...n'établit pas que l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes serait illégal ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que, pour ce motif, l'arrêté ordonnant son assignation à résidence serait lui-même entaché d'illégalité ;

16. Considérant, en second, lieu que cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est fondé ni à demander l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2017 ordonnant son transfert aux autorités italiennes ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence dans le département de l'Essonne pour une durée de quarante-cinq jours ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704550 du 4 juillet 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2017 du préfet de l'Essonne ordonnant son transfert aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B...mentionnées à l'article 1er ci-dessus et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

6

N° 17VE02644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02644
Date de la décision : 03/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : LAMIRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-03;17ve02644 ?
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