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12/06/2018 | FRANCE | N°15VE02645

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 12 juin 2018, 15VE02645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...et autres ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en date du 8 août 2012 refusant de les indemniser de leurs préjudices et de condamner l'ONIAM à verser une somme de 251 918, 53 euros à Mme C...B...au titre de ses divers préjudices, une somme de 15 000 euros à M. A...B..., une somme de 10 000 euros chacun à M. E... B...et Mme D...G.

..B..., sommes assorties des intérêts et de leur capitalisation.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...et autres ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en date du 8 août 2012 refusant de les indemniser de leurs préjudices et de condamner l'ONIAM à verser une somme de 251 918, 53 euros à Mme C...B...au titre de ses divers préjudices, une somme de 15 000 euros à M. A...B..., une somme de 10 000 euros chacun à M. E... B...et Mme D...G...B..., sommes assorties des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1207927 du 18 juin 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'ONIAM à verser la somme de 172 893 euros à Mme C...B..., la somme de 6 000 euros à M. A...B..., la somme de 3 000 euros chacun à M. E...B...et Mme D... G...B..., ces sommes portant intérêts et mis les dépens à la charge définitive de l'ONIAM.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2015, l'ONIAM, représenté par Me Welsch (SCP UGGC), avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes indemnitaires des consorts B...présentées devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

2° à titre subsidiaire, de réduire le montant des indemnités allouées en première instance aux sommes suivantes :

- 928 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

- 15 134, 40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ;

- 2 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- 2 636, 58 euros au titre des dépenses de santé restées à charge ;

- 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- 110 906 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

3° de rejeter toute nouvelle demande.

Il soutient que :

- il n'existe pas de preuve de la matérialité des transfusions reçues par Mme B...dès lors qu'aucun document médical probant établi à l'époque des faits n'est de nature à établir cette matérialité ;

- les hypothèses émises par l'expert ne suffisent pas à établir la matérialité des transfusions reçues ;

- l'expert reconnait qu'en l'absence d'éléments matériels, il s'est essentiellement fondé sur les dires de MmeB... ;

- à titre subsidiaire, le montant des sommes accordées en réparation des préjudices subis par Mme B...doit être ramené à de plus justes proportions en application du référentiel utilisé par l'ONIAM.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lepetit-Collin,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour les consortsB....

1. Considérant Mme C...B..., née en 1943, s'est vu diagnostiquer en 1989, alors qu'elle présentait depuis plusieurs mois une grande fatigabilité et souffrait de migraines accompagnées de vomissements, " une hépatite chronique agressive ayant déjà abouti au stade de cirrhose ", soit une hépatite C chronique active ; que MmeB..., son époux et leurs deux enfants ont saisi l'ONIAM, le 27 juillet 2011, d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de la contamination de Mme B...par le virus de l'hépatite C ; que, par décisions en date du 8 août 2012, l'ONIAM a refusé de faire droit à leurs demandes au motif que la preuve de la réalisation de transfusions de produits sanguins et/ou injections de médicaments dérivés du sang exigée par l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'était pas rapportée ; que les consorts B...ont alors saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande, en date du 5 octobre 2012, tendant à obtenir l'indemnisation de leurs préjudices ; que, par jugement en date du 18 juin 2015, dont l'ONIAM relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a indemnisé les consorts B...à hauteur de 172 893 euros pour Mme C...B..., 6 000 euros pour M. A... B...et 3 000 euros chacun pour M. E... B...et Mme D...B... ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. (...) La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante. (...) " ; qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ; que la présomption légale instituée par cette disposition s'applique à la relation de cause à effet entre une transfusion sanguine et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il affirme avoir subie conformément aux règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi que le relève l'expert, que, compte tenu de l'ancienneté des faits, il n'existe pas, au dossier médical de Mme C...B..., de données factuelles ou d'éléments matériels sur la réalisation de transfusions sanguines qu'elle soutient avoir reçues ; que toutefois, devant l'expert, Mme B...a fait état de trois évènements, dans son parcours de santé, à l'origine, selon elle, de ces transfusions ; qu'elle a ainsi, tout d'abord, mentionné, d'une part, les métrorragies dont elle aurait été victime de l'âge de 14 à 20 ans qui auraient parfois nécessité des transfusions, d'autre part, d'une hystérectomie réalisée le 8 février 1968 à l'origine, également, d'une transfusion selon ses dires ; que si la matérialité des transfusions réalisées à raison des métrorragies et de l'hystérectomie n'a pu être établie formellement par l'expert en l'absence de documents médicaux, il résulte également de l'instruction que Mme B...a participé, de 1968 à 1988, soit pendant vingt ans, à un protocole de recherche ayant nécessité des prélèvements sanguins itératifs compte tenu de la présence d'agglutinines irrégulières de type anti E dans son sang ; que Mme B...fait valoir, en s'appuyant sur la littérature médicale, et sans être contredite par l'ONIAM sur ce point non plus que par aucune autre pièce du dossier, que la présence de telles agglutinines dans le sang a généralement pour origine la grossesse, une maladie auto-immune ou l'existence de transfusions sanguines alors que MmeB..., qui a subi une hystérectomie à l'âge de 25 ans ainsi qu'il a été dit, a adopté ses enfants et qu'elle n'est pas atteinte d'une maladie auto-immune ; que l'existence des prélèvements de sang à fin d'expérimentation auxquels fait référence la patiente est établie, notamment, au moyen des courriers du centre national de transfusion sanguine en date des 29 janvier et 4 février 1982 et 5 décembre 1986 ; que si, pour compenser les prélèvements de sang effectués, l'expert évoque la " réinjection probable de produits sanguins " à la patiente et indique ne pouvoir formuler un avis " à défaut de connaître clairement la teneur du produit réinjecté à MmeB... ", il résulte de l'instruction, et notamment de ce même rapport d'expertise, que Mme B...a décrit ses séances de manière assez précise comme relevant d'un dispositif médical ressemblant à ceux utilisés lors de la réalisation de plasmaphérèse, comportant, après extraction d'une partie de son plasma, la réinjection de son sang ainsi que du sang d'un autre donneur ; que le recours à ce processus dans le cas de Mme B...semble confirmé, pour certains dons à tout le moins, par le document établi le 5 décembre 1986 ; qu'il résulte dès lors de ce qui précède, compte tenu du faisceau d'indices concordants précédemment décrits, et alors même que le dossier médical de Mme B...ne comporte pas d'éléments décrivant les transfusions subies par la patiente, que l'existence d'actes transfusionnels, à l'égard desquels l'expert a retenu une " forte suspicion d'exposition ", doit être regardée comme établie ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a jugé la matérialité des transfusions sanguines établie par les pièces du dossier pour accueillir les conclusions indemnitaires des consorts B...;

Sur le quantum des préjudices indemnisés :

5. Considérant que l'ONIAM demande à la Cour de ramener à de plus justes proportions les indemnités allouées en première instance aux consortsB... ; que s'il demande que l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent soit ramenée à la somme de 110 906 euros, celle allouée au titre du préjudice d'agrément à 2 000 euros, celle allouée au titre des dépenses de santé restées à la charge des consorts B...à la somme de 2 636, 58 euros et celle allouée au titre du préjudice sexuel de la requérante à la somme de 2 000 euros, les premiers juges ont indemnisé ces quatre postes de préjudices pour des montants équivalents ou inférieurs à ceux avancés par l'ONIAM en appel ; que ces conclusions doivent donc être regardées comme dépourvues d'objet en ce qui concerne ces postes de préjudices ;

6. Considérant, par ailleurs, que si le Tribunal administratif de Montreuil a alloué à MmeB..., au point 11 de son jugement, une somme de 30 000 euros en réparation d'un déficit fonctionnel temporaire total correspondant à 58 jours d'hospitalisation, d'une gêne de 3 sur 7 pendant une durée de trois ans et de 1 sur 7 pendant 14 ans et des souffrances physiques endurées, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation, ni même excédé le référentiel ONIAM applicable aux dommages imputables à une contamination par le virus de l'hépatite C, des chefs de préjudices de déficit fonctionnel temporaire total et partiel dont Mme B...a été victime ; qu'en outre, la somme allouée par les premiers juges comprend l'indemnisation des souffrances endurées par la patiente, qui ne sont pas évoquées dans les écritures de l'ONIAM, mais dont le rapport de l'expert indique explicitement, en réponse notamment à un dire de l'avocat de la requérante portant sur ce point, qu'il les a admises et estimées comme relevant de la classe I pour une période de 14 ans et comme relevant de la classe II pour une période de trois ans et six mois ; que les premiers juges n'ont donc pas fait une inexacte appréciation de l'ensemble de ces postes de préjudices en accordant à Mme B...la somme globale de 30 000 euros ;

Sur les dépens :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 907, 15 euros par une ordonnance en date du 8 janvier 2015 du Vice-Président du Tribunal administratif de Montreuil doivent être maintenus à la charge de l'ONIAM ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...B..., M. A...B..., M. E...B...et Mme D...G...B...dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme C...B..., M. A...B..., M. E...B...et Mme D...G...B...ensemble une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C...B..., M. A...B..., M. E...B...et Mme D...G...B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

5

N° 15VE02645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02645
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

62-02-01-01 Sécurité sociale. Relations avec les professions et les établissements sanitaires. Relations avec les professions de santé. Médecins.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : DE LAVAUR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-12;15ve02645 ?
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