La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2018 | FRANCE | N°15VE03830

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 mai 2018, 15VE03830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...J..., M. L...J..., Mme H...J...,

Mme E...J..., Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 4 février 2015 par laquelle le directeur général de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) a exercé son droit de préemption urbain sur un immeuble situé 16-18, rue Pierre Kerautret, à Romainville.

Par un jugement n° 1502761 du 26 novembre 2015, le Tribunal adminis

tratif de Montreuil a annulé cette décision de préemption.

Procédure devant la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...J..., M. L...J..., Mme H...J...,

Mme E...J..., Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 4 février 2015 par laquelle le directeur général de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) a exercé son droit de préemption urbain sur un immeuble situé 16-18, rue Pierre Kerautret, à Romainville.

Par un jugement n° 1502761 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision de préemption.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 15 et 17 décembre 2015 et 30 mai 2016, l'EPFIF, représenté par la SCP Sartorio-Lonqueue-Sagalovitsch et Associés, avocat, en la personne de MeG..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée en première instance ;

2° de mettre à la charge de M. F...J..., M. L...J...,

Mme H...J..., Mme E...J..., Mme D...J..., et

Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le Tribunal administratif de Montreuil a retenu le moyen tiré de l'incompétence du directeur de l'EPFIF en se fondant sur l'absence d'affichage de la délibération du conseil municipal de Romainville du 6 avril 2014 alors qu'il produit le certificat du

10 novembre 2015 par lequel le maire atteste de cet affichage à la date du 11 avril 2014 ; que le maire de Romainville a donc pu régulièrement déléguer le droit de préemption au directeur de l'EPFIF.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret du 13 septembre 2006 portant création de l'établissement public foncier

d'Ile-de-France modifié par le décret n° 2009-1542 du 11 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

- et les observations de MeB..., de la SCP Sartorio-Lonqueue-Sagalovitsch, pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE.

1. Considérant que par une décision du 4 février 2015, le directeur général de L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) a exercé son droit de préemption urbain sur un immeuble cadastré AC 76, situé 16-18, rue Pierre Kerautret à Romainville, appartenant aux consortsJ..., à Mme I...et à M.K..., propriétaires indivis ; que M. F...J...et d'autres membres de

l'indivision J...-K... -I..., propriétaires de cet immeuble, ainsi que

Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", ont demandé l'annulation de cette décision au Tribunal administratif de Montreuil, qui par un jugement du

26 novembre 2015 a fait droit à leur demande en retenant le moyen tiré de l'incompétence du directeur de l'EPFIF ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que, pour annuler la décision susmentionnée, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l'EPFIF, n'ayant pas reçu délégation de compétence régulière du maire de Romainville pour l'exercice du droit de préemption, ne pouvait déléguer ce droit à son directeur général ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme :

" Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire " et qu'aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. (...) " ;

4. Considérant que l'EPFIF produit un certificat du 10 novembre 2015 par lequel le maire de Romainville certifie, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, que la délibération du 6 avril 2014 du conseil municipal de Romainville, portant délégation du droit de préemption à son maire et prévoyant qu'il puisse lui-même déléguer ce droit, a fait l'objet d'un affichage le 11 avril 2014 pendant un mois ; que ce certificat circonstancié, quand bien même il a été établi après l'introduction de la requête et alors que les intimés n'apportent aucun élément de nature à contredire la réalité de ses mentions, est de nature à établir que la délibération municipale en litige a été affichée à la date indiquée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le maire de Romainville ne bénéficiait pas d'une délégation régulière du conseil municipal pour procéder à une délégation du droit de préemption à l'EPFIF et que l'établissement requérant n'était ainsi pas compétent pour prendre la décision contestée, doit être écarté ; que, par suite, l'EPFIF est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision contestée ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...J..., M. L...J..., Mme H...J..., Mme E...J...,

Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation

" AliK... ", devant le tribunal administratif ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les établissements publics créés en application du présent chapitre sont compétents pour réaliser, pour leur compte ou, avec leur accord, pour le compte de l'Etat, d'une collectivité locale ou d'un autre établissement public, ou faire réaliser : (...) b) En ce qui concerne les établissements publics fonciers, les acquisitions foncières et les opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement ultérieur des terrains. Ces acquisitions et opérations sont réalisées dans le cadre de programmes pluriannuels adoptés par le conseil d'administration de ces établissements qui, tenant compte des priorités définies par les programmes locaux de l'habitat, déterminent les objectifs d'acquisitions destinées à la réalisation de logements locatifs sociaux. (...) " ; que l'article L. 321-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Le décret qui crée l'établissement détermine son objet, sa zone d'activité territoriale et, éventuellement, sa durée. Il fixe son statut, notamment en ce qui concerne la composition du conseil d'administration, la désignation du président, celle du directeur, les pouvoirs du conseil d'administration, du président et du directeur et, le cas échéant, les conditions de représentation à l'assemblée spéciale prévue à l'article L. 321-5 des collectivités et établissements publics intéressés " ; qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 13 septembre 2006 portant création de l'établissement public foncier d'Ile-de-France modifié par le décret n° 2009-1542 du

11 décembre 2009 : " Pour la réalisation des objectifs définis aux articles 2 et 3, l'établissement public foncier peut agir par voie d'expropriation et exercer les droits de préemption et de priorité définis par le code de l'urbanisme, dans les cas et conditions prévus par ledit code ainsi que le droit de préemption prévu par le 9° de l'article L. 143-2 du code rural. " ; qu'aux termes de l'article 11 de ce décret : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement (...) " ; que le dernier alinéa de l'article 13 du même décret, tel que modifié par le décret n° 2009-1542 du 11 décembre 2009 susmentionné prévoit que : " le directeur général, ou son adjoint, dans les limites des compétences qui lui ont été déléguées, peut, par délégation du conseil d'administration, être chargé d'exercer au nom de l'établissement les droits de préemption dont l'établissement est titulaire ou délégataire (...) " ;

7. Considérant que la décision en litige a été prise par le directeur général de l'EPFIF qui a reçu délégation à cet effet par délibération du conseil d'administration de cet établissement public en date du 17 février 2010 ; que les intimés font valoir que seule la loi aurait pu prévoir la possibilité d'une telle délégation de compétence ; que, toutefois, la circonstance que le législateur ait autorisé la délégation par le titulaire de l'exercice du droit de préemption, en l'occurrence la commune de Romainville, à un établissement public foncier n'a pas pour effet de priver le pouvoir réglementaire de sa compétence pour fixer, au sein de cet établissement public, comme le prévoient d'ailleurs les dispositions précitées de l'article L. 321-4 du code de l'urbanisme, les pouvoirs respectifs du conseil d'administration et du directeur général et d'organiser ainsi les modalités d'exercice de cette compétence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le directeur général de l'EPFIF n'aurait pas régulièrement reçu délégation de compétence, en raison de l'illégalité des dispositions du dernier alinéa de l'article 13 du décret susvisé du 13 septembre 2006, doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 du décret du

13 septembre 2006 susvisé : " (...) L'ordre du jour des séances doit être porté à la connaissance des membres du conseil, au moins dix jours à l'avance (...) Le conseil d'administration délibère valablement lorsque la moitié au moins de ses membres participent à la séance ou sont représentés. Quand, après une première convocation régulière, le conseil d'administration ne s'est pas réuni en nombre suffisant, la délibération est prise valablement sans condition de quorum après seconde convocation (...) Les décisions sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés (...) " et qu'aux termes de l'article 18 du même décret : " (...) Les délibérations du conseil d'administration et celles prises par le bureau ne sont exécutoires qu'après approbation par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris (...) " ;

9. Considérant que si les intimés soutiennent que la liste des membres du conseil d'administration de l'EPFIF et le règlement intérieur sont entachés d'irrégularité, ils n'appuient leurs allégations d'aucun élément de nature à en établir le bien-fondé ; que, par ailleurs, il ressort des pièces produites par l'établissement public que les convocations et l'ordre du jour pour la réunion du 17 février 2010 ont été adressés aux membres du conseil d'administration au moins dix jours avant cette réunion, que plus de la moitié des membres y participaient et que la décision a été prise à l'unanimité des suffrages exprimés ; qu'en outre, cette délibération a été approuvée par le préfet de région à la date du 26 février 2010 et fait l'objet d'une publication le

30 avril 2010 au registre des actes administratifs de la préfecture de Paris ; que, dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance des articles 10 et 18 du décret du 13 septembre 2006 susmentionné et d'une illégalité de la délibération du 17 février 2010 pour défaut de publication doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du conseil municipal de Romainville du 6 avril 2014 portant délégation du droit de préemption à son maire a été prise après convocation des conseillers municipaux conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; que par ailleurs elle a été publiée au registre des délibérations de la commune le même jour et adressée à l'autorité préfectorale le 9 avril 2014 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du conseil municipal de Romainville serait entachée d'irrégularité doit être écarté ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. (...) " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Romainville a, par un certificat établi le 13 août 2015, attesté que la décision du 5 janvier 2015 par laquelle il a délégué son droit de préemption à l'EPFIF sur le bien situé 16 et 18 rue Pierre Kerautret avait été affichée en mairie entre le 14 janvier 2015 et le 15 avril 2015 ; que ce certificat circonstancié, quand bien même il a été établi après l'introduction de la demande de première instance et alors que les intimés n'apportent aucun élément de nature à contredire la réalité de ses mentions, est de nature à établir que l'arrêté municipal du 5 janvier 2015 a été affiché à la date indiquée ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que cette décision portant le n° urba/2015/0001 mentionne qu'elle a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis le 9 janvier 2015 ; que par suite, la décision du maire de Romainville en date du 5 janvier 2015 portant délégation de compétence du droit de préemption au profit de l'EPFIF, qui n'avait d'ailleurs pas à être notifiée au propriétaire du bien concerné ni à l'acquéreur pressenti, en raison de son caractère réglementaire, était exécutoire à la date de la décision attaquée ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que les intimés soutiennent que la décision attaquée serait entachée d'incompétence dès lors que la convention d'intervention foncière du

20 octobre 2008 et ses avenants seraient irréguliers ; que, toutefois, il ressort des pièces produites que le conseil municipal de Romainville a autorisé son maire, par délibérations des 25 juin 2008,

30 juin 2010 et 16 octobre 2013, à signer cette convention et ses avenants, que les convocations à la séance du conseil municipal ont été adressées avec un préavis de cinq jours, que ces délibérations ont été publiées au recueil de la commune à la date des 27 juin 2008 et

16 octobre 2013 ; que, par ailleurs, le directeur général de l'EPFIF a été régulièrement habilité à signer ces convention et avenants par délibérations du bureau du 17 septembre 2008, 9 juin 2010 et 16 octobre 2013, que ses membres ont été convoqués au moins dix jours avant la séance du bureau et que cette convention a fait l'objet d'une approbation par le préfet de la région

d'Ile-de-France les 4 octobre 2008, 29 juin 2010 et 23 octobre 2013 et d'une publication au registre des actes administratifs de la préfecture d'Ile-de-France ;

14. Considérant, en sixième lieu, que la décision attaquée mentionne à tort que la convention du 20 octobre 2008 prévoit un " dispositif d'action foncière favorisant des opérations de construction de logements, à vocation majoritairement ou totalement sociale " dès lors que cette convention précise uniquement que " la commune s 'engage à ce que le logement locatif social représente 30 % minimum des logements réalisés sur l'ensemble de la convention " ; que, dès lors, la décision attaquée, en prévoyant que cette opération ne visait qu'à prévoir " la réalisation d'une opération de construction de logements neufs dont 30 % de logements locatifs sociaux ", et non une opération à vocation majoritairement ou totalement sociale, a été régulièrement prise en application de cette convention du 20 octobre 2008 ;

15. Considérant, en septième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis du service des domaines émis le 28 janvier 2015 en application des dispositions de l'article

R. 213-21 du code de l'urbanisme a été transmis à l'EPFIF par courriel du 29 janvier 2015 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que la décision en litige vise cet avis et indique avoir été prise au vu de celui-ci, qu'il n'aurait pas été reçu par l'EPFIF à la date de la décision de préemption attaquée du 4 février 2015 ;

16. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois (...) " ;

17. Considérant qu'il ressort de l'extrait certifié conforme par le maire du registre des délibérations du conseil municipal que la délibération du conseil municipal du 6 octobre 1987 instituant le droit de préemption sur le territoire de la commune de Romainville et celle du

24 mai 1994, instituant le droit de préemption urbain renforcé ont été reçues par la préfecture de la Seine-Saint-Denis les 21 octobre 1987 et 2 juin 1994 et qu'elles ont été publiées à compter du 9 octobre 1987 et du 27 mai 1994 ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont été régulièrement convoqués ; que, par suite, et alors, au surplus, que le maire de Romainville a confirmé, par un certificat établi le 13 janvier 2012, que la première délibération avait été affichée en mairie à compter du 9 octobre 1987 pour une durée d'un mois, il ressort des pièces du dossier que les délibérations du 6 octobre 1987 et du 24 mai 1994 instituant le droit de préemption et le droit de préemption urbain renforcé sur le territoire de la commune de Romainville étaient exécutoires à la date de la décision attaquée ;

18. Considérant, en neuvième lieu, que le moyen, tiré de ce qu'en l'absence de convention conclue entre l'EPFIF et la commune de Romainville prévoyant l'exercice par l'EPFIF du droit de préemption, une approbation tacite par le préfet de région ne serait pas intervenue en application de l'article 18 du décret du 13 septembre 2006, est inopérant dès lors que la convention du 20 octobre 2008 prévoit l'exercice du droit de préemption par l'EPFIF ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;

19. Considérant, en dixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

20. Considérant, d'une part, que la décision de préemption litigieuse, qui vise notamment la convention d'intervention foncière conclue avec la commune de Romainville le 20 octobre 2008, précise la nature de l'opération dont la réalisation est envisagée sur les parcelles litigieuses et explicite les raisons ayant conduit l'EPFIF à exercer sur ces terrains le droit de préemption que la commune lui a délégué par arrêté de son maire du 5 janvier 2015, est suffisamment motivée ;

21. Considérant, d'autre part, qu'il ressort de la délibération du conseil municipal du

14 décembre 2011 que la commune de Romainville entendait procéder au renouvellement de son parc de logements sociaux en lien avec des projets de renouvellement urbain, hors zone d'aménagement concerté (ZAC) et secteur des Bas Pays, pour environ 850 logements entre 2012 et 2019 ; qu'afin de réaliser ces objectifs, une étude de faisabilité a été réalisée en novembre 2013, prévoyant notamment la création de logements d'une surface de plancher de 6 150 m² dans le secteur Kerautret et en particulier sur la parcelle cadastrée AC n° 76, correspondant au terrain en litige ; que ledit bien a été acquis par l'EPFIF dans un périmètre destiné à la réalisation de logements, dont 30 % de logements locatifs sociaux, pour 4 000 m² de surface de plancher de construction ; qu'ainsi, l'EPFIF justifiait, à la date de la décision attaquée, de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

22. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " (...) Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien (...) " ; que la décision de préemption en litige a fait l'objet d'une publication sur le site informatique de l'EPFIF et d'une transmission au préfet

d'Ile-de-France le 6 février 2015 ; que cette décision a aussi fait l'objet d'une notification, par voie d'huissier de justice, au notaire des vendeurs le 9 février 2015 et au notaire de l'acquéreur évincé le 6 février 2015 ; qu'il était, par ailleurs, précisé dans la déclaration d'intention d'aliéner que la notification du titulaire du droit de préemption devait être effectuée à l'adresse du mandataire où les propriétaires ont fait élection de domicile ; que, dès lors, la notification aux vendeurs n'était pas requise en application des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement contesté, annulé la décision de préemption du

4 février 2015 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPFIF, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à M. F...J...,

M. L...J..., Mme H...J..., Mme E...J...,

Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation

" AliK... " ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de M. F...J..., M. L...J..., Mme H...J...,

Mme E...J..., Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", une somme de 3 000 euros à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502761 du Tribunal administratif de Montreuil du

26 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par M. F...J...,

M. L...J..., Mme H...J..., Mme E...J...,

Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation

" AliK... ", tendant à l'annulation de la décision de préemption du 4 février 2015 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions, présentées par M. F...J..., M. L...J...,

Mme H...J..., Mme E...J..., Mme D...J..., et

Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : M. F...J..., M. L...J..., Mme H...J...,

Mme E...J..., Mme D...J..., et Mme A...C..., pour l'entreprise en liquidation " AliK... ", verseront la somme de 3 000 euros à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15VE03830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03830
Date de la décision : 17/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SCP SARTORIO - LONQUEUE - SAGALOVITSCH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-17;15ve03830 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award