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03/05/2018 | FRANCE | N°16VE01891

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 03 mai 2018, 16VE01891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...et Mme A...B...épouse C...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 23 juillet 2014 par lequel le maire de la commune de Colombes a préempté les lots n° 5 à 10 d'une copropriété située sur une parcelle cadastrée AC n° 344 sise 5 rue de Verdun.

Par un jugement n° 1407619 du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés le 15 juin 2016 et le 8 septembre 2017, M. et MmeC..., représentés par Me Olivier Savignat, avoc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...et Mme A...B...épouse C...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 23 juillet 2014 par lequel le maire de la commune de Colombes a préempté les lots n° 5 à 10 d'une copropriété située sur une parcelle cadastrée AC n° 344 sise 5 rue de Verdun.

Par un jugement n° 1407619 du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juin 2016 et le 8 septembre 2017, M. et MmeC..., représentés par Me Olivier Savignat, avocat, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre à la commune de Colombes de proposer l'acquisition du bien immobilier à l'ancien propriétaire et, en cas de refus, aux acquéreurs évincés ;

4° de mettre à la charge de la commune de Colombes le versement de la somme de 1 000 euros dont les requérants doivent s'acquitter pour l'exécution du jugement entrepris et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- que la décision de préemption comporte une motivation insuffisante ;

- cette motivation ne permet pas de démontrer la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement de nature à justifier l'exercice du droit de préemption.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guével,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me Drain, avocat substituant MeD..., pour M. et Mme C...et de Me F...pour la commune de Colombes.

Sur les conclusions en annulation de la décision de préemption :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement./(...). Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que, lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ce programme, et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Colombes a entendu poursuivre la réhabilitation de quatre cents logements inclus dans vingt copropriétés rencontrant des difficultés importantes ou en situation d'habitat indigne, en particulier l'immeuble sis 5 rue Verdun dont l'état dégradé le rendant inhabitable à la date de la décision de préemption en litige est établi par un rapport de visite de mars 2012 et dont les lots n° 5 à 10 sont visés par l'opération de préemption, tandis que la commune de Colombes est déjà propriétaire des lots n° 3 et 4 ; que cette opération de réhabilitation s'inscrit dans le cadre du programme local de l'habitat (PLH) de la commune pour la période 2011-2017, qui, approuvé par une délibération modifiée du 30 janvier 2013, prévoit l'élaboration d'un programme d'intérêt général (PIG) comportant en particulier l'orientation de lutter contre l'habitat indigne par une action globale d'éradication de cet habitat et fixant la localisation, les outils et les moyens humains et financiers mis en oeuvre à cette fin, ainsi que de la convention du programme d'intérêt général conclue entre la commune de Colombes, l'Etat et l'agence nationale de l'habitat, approuvée par délibération du 17 octobre 2013, qui comprend un volet " lutte contre l'habitat indigne et très dégradé " assorti des objectifs, étapes et financement dédiés ;

4. Considérant, toutefois, que la décision du 23 juillet 2014 par laquelle le maire de la commune de Colombes a exercé son droit de préemption urbain renforcé sur les lots n° 5 à 10 de l'immeuble sis 5 rue de Verdun se borne à rappeler " l'objectif de la ville d'éradiquer l'habitat indigne ", sans préciser les actions ou opérations d'aménagement ayant pour objet de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne en vue de la réalisation desquelles le droit de préemption a été exercé, et sur lesquelles la commune de Colombes n'a pas délibéré ; que le programme local de l'habitat ne mentionne d'ailleurs que " l'action globale " d'éradication de l'habitat indigne, ainsi que les outils et moyens mobilisés au nombre desquels ne figure pas l'exercice du droit de préemption ; que, dès lors, la décision attaquée ne peut être regardée, en l'espèce, comme répondant aux exigences des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...et Mme B...épouse C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur requête ;

Sur les conclusions en injonction :

6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2. " ;

7. Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi, cette annulation implique que le titulaire de ce droit, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'à ce titre, et au regard des dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, le titulaire du droit de préemption est tenu de proposer aux propriétaires initiaux ou à leurs ayants cause puis, à défaut, à l'acquéreur évincé si son nom était inscrit dans la déclaration d'intention d'aliéner, d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l'une quelconque des parties les conditions de la cession à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le transfert des lots immobiliers litigieux ait été effectué à la date du présent arrêt ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. C...et de Mme B...épouse C...tendant à l'application des dispositions visées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais liés à l'instance :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Colombes le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et Mme B...épouse C...et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Colombes demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 23 juillet 2014 du maire de la commune de Colombes est annulé.

Article 2 : La commune de Colombes versera à M. C...et Mme B...épouse C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Colombes en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 16VE01891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01891
Date de la décision : 03/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : SAVIGNAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-03;16ve01891 ?
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