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29/03/2018 | FRANCE | N°15VE00896

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 29 mars 2018, 15VE00896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MBTH a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2014 par lequel le maire de Gagny a refusé de lui délivrer l'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public.

Par un jugement n° 1410303 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de la société MBTH.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, la société MBTH, représentée

par Me Guillon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MBTH a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2014 par lequel le maire de Gagny a refusé de lui délivrer l'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public.

Par un jugement n° 1410303 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de la société MBTH.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, la société MBTH, représentée par Me Guillon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre au maire de la commune de Gagny de lui délivrer une autorisation de travaux sur la demande formée le 15 mai 2004, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de la demande dans le même délai et sous la même astreinte ;

4° de mettre à la charge de la commune de Gagny le versement d'une somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- le maire de Gagny a fait preuve d'impartialité puisqu'il indiquait dès le 13 août 2014 que la demande d'autorisation était vouée à l'échec ;

- le maire de la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il s'est fondé pour prendre sa décision sur un avis du 22 juillet 2014 de la brigade des sapeurs pompiers qui faisait par erreur référence à l'avis défavorable du 20 février 2013 du bureau de défense et de la sécurité civile qui répondait à une demande de permis de construire pour la reconstruction des cellules n° 3 à 7 et non à sa demande portant sur la cellule n° 2 ; il a aussi commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant en compte un besoin portant sur les cellules n° 3 à 7 en matière de lutte extérieure contre un incendie alors qu'en ce qui concerne la cellule n° 2 aucun travaux de ce type n'était envisagé ni nécessaire.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillon, pour la société MBTH, et de MeA..., pour la commune de Gagny.

Une note en délibéré, présentée pour la société MTBH a été enregistrée le

15 mars 2018.

1. Considérant que, par arrêté du 9 janvier 2012, le maire de Gagny a accordé un permis de construire, valant autorisation de construire ou modifier un établissement recevant du public à la société MBTH, dans la " cellule n° 2 " d'un bâtiment à usage partiel d'entrepôt situé au

2-4 rue d'Alsace-Lorraine ; qu'à la suite de deux incendies survenus dans ce bâtiment, en mars et septembre 2012, et de diverses autorisations d'urbanisme refusées par le maire, la société MBTH a d'abord déposé une déclaration de travaux le 29 avril 2014 en vue de la reconstruction du mur séparatif d'avec la " cellule n° 3 " et du désamiantage du toit, puis une autorisation de modifier un établissement recevant du public, le 15 mai 2014 ; que cette dernière autorisation a été refusée par arrêté du 13 octobre 2014 ; que le Tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du

5 février 2015, a rejeté la demande d'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-10 du code de justice administrative : " L'Etat est représenté en défense par le préfet ou le préfet de région lorsque le litige, quelle que soit sa nature, est né de l'activité des administrations civiles de l'Etat dans le département ou la région, à l'exception toutefois des actions et missions mentionnées à l'article 33 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements (...) " et qu'aux termes de l'article

R. 111-19-13 du code de la construction et de l'habitation : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par : a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; b) Le maire, dans les autres cas (...) " ;

3. Considérant que le maire de la commune de Gagny ayant pris la décision contestée au nom de l'Etat en application de l'article R. 111-19-13 du code de la construction et de l'habitation, le préfet de Seine-Saint-Denis, seule autorité habilitée à représenter l'Etat en défense, aurait dû être mis en cause en application de l'article R. 431-10 précité au point 2 ; qu'en se bornant à mettre en cause la commune, qui ne pouvait apporter que des observations en défense, le Tribunal administratif de Montreuil a rendu le jugement du 5 février 2015 aux termes d'une procédure irrégulière ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société MTBH devant le Tribunal administratif de Montreuil, le ministre de la cohésion des territoires ayant été appelé à la cause ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L.111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée

par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. " ; qu'aux termes de l'article R.111-19-17 du code de la construction et de l'habitation pris pour l'application de l'article L.111-8 précité : " (...) Sont joints à la demande, en trois exemplaires : (...) b) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité, comprenant les pièces mentionnées à l'article R. 123-22. " ; qu'aux termes de l'article R.111-19-25 du même code : " L'autorité chargée de l'instruction transmet un exemplaire de la demande assortie du dossier mentionné au b de l'article R. 111-19-17 à la commission compétente en application des articles R. 123-34 à R. 123-39, en vue de recueillir son avis sur les dispositions du projet au regard des règles de sécurité. (...) " ; qu'aux termes de l'article R.123-37 de ce même code : " Après avis de la commission consultative départementale de la protection civile, le représentant de l'Etat dans le département peut constituer des

sous-commissions dont il fixe la compétence et charger certains membres de la visite des établissements assujettis au présent chapitre. " ; qu'aux termes de l'article R.123-5 dudit code : " Les matériaux et les éléments de construction employés tant pour les bâtiments et locaux que pour les aménagements intérieurs doivent présenter, en ce qui concerne leur comportement au feu, des qualités de réaction et de résistance appropriées aux risques courus. (...) " ; que selon l'article CO 7 de l'arrêté du 25 juin 1980 susvisé : " § 1. L'isolement latéral entre un établissement recevant du public et un bâtiment ou un local occupé par des tiers doit être constitué par une paroi CF de degré deux heures. Ce degré est porté à trois heures si l'un des bâtiments abrite une exploitation à risques particuliers d'incendie. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) refusent une autorisation (...) " ;

6. Considérant que l'arrêté du 13 octobre 2014 du maire de Gagny refusant une autorisation pour la modification d'un établissement recevant du public vise et joint les avis défavorables du bureau de la défense et de la sécurité civile de la préfecture de la

Seine-Saint-Denis en date du 10 octobre 2014, exprimant l'avis de la sous-commission de sécurité, et celui du 22 juillet 2014 émis par le bureau " prévention " de la préfecture de police ; que cette décision est par suite suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du

11 juillet 1979 ;

7. Considérant qu'il est constant que la société MBTH a déposé sa demande d'autorisation le 15 mai 2014 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la sous-commission de sécurité a rendu son avis, en date du 10 octobre 2014, sur la base d'un dossier transmis par la commune le 21 août 2014, et que le bureau prévention de la préfecture de police s'est exprimé sur la base d'un dossier " déposé le 16 mai 2014 " et transmis par la commune le 23 août 2014 ; que, si la commune a demandé la production d'exemplaires supplémentaires à l'intéressée, en vue de la consultation des " services extérieurs ", lesquels exemplaires ont été reçus le

25 août 2014 en mairie, il n'est pas même allégué par la requérante que ces derniers auraient été modifiés par rapport à la demande originale du 15 mai 2014 ; qu'il ne ressort ainsi d'aucune pièce versée dans l'instance que les avis précités, ayant fondé le refus du maire, aient été rendus sur la base d'un dossier ne correspondant pas à la demande de la requérante, ou antérieur à

celle-ci, alors même que lesdits avis reprennent certains motifs opposés dans les dossiers de demandes antérieurement déposés ; que, par ailleurs, les circonstances que l'arrêté attaqué vise, de manière surabondante, " l'avis défavorable du maire de Gagny ", et que la commune avait fait référence aux avis négatifs antérieurs des services de sécurité et de lutte contre l'incendie dans son mémoire enregistré le 13 août 2014 au greffe du Tribunal, dans le cadre d'une autre instance en référé l'opposant à la requérante, ne sont pas de nature à établir que le maire a pris sa décision en violation du principe d'impartialité ; que, par suite, le moyen tiré de la " violation du principe général d'impartialité ", et à les supposer soulevés, du vice de procédure et du détournement de pouvoir, doivent être écartés ;

8. Considérant que, pour s'opposer à la demande de reconstruction d'un mur séparatif entre la cellule n° 2 et la cellule n° 3 du bâtiment en cause, la sous-commission départementale pour la sécurité et les risques d'incendie et de panique, dans son avis en date du 10 octobre 2014, a relevé, que " les activités des cellules n° 3 à 7 ne sont toujours pas connues ", et qu'étant donné la contenance de ces cellules, " susceptibles d'accueillir un stockage de plus de 500 tonnes et de plus de 5000 m3 de matières combustibles ", elles pourraient relever de la règlementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, et laissaient supposer le stockage de combustible ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande déposé par la requérante, que les cellules n° 3 à 7 ont été détruites par les incendies survenus en 2012 et qu'aucune activité n'y était exercée à la date de la décision attaquée ; qu'en tout état de cause, l'installation d'un mur séparatif, d'un degré coupe-feu de quatre heures prévue par le projet était de nature à assurer la sécurité du public quelle que soit l'activité poursuivie dans ces cellules voisines, en application de l'article CO 7 de l'arrêté du 25 juin 1980 précité ; que, dès lors, la société MBTH est fondée à soutenir qu'en retenant un tel motif, le maire de la commune de Gagny a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;

9. Considérant, par ailleurs, que l'avis rendu par le bureau de défense et de la sécurité civile du 10 octobre 2014 mentionne également que " la défense extérieure contre l'incendie du site est insuffisante au regard des activités décrites par le pétitionnaire.(...) Lors de l'étude du permis de construire concernant la salle polyvalente, un appareil d'incendie conforme aux normes en vigueur (...) avait été demandé mais n'a toujours pas été réceptionné à ce jour ", et qu'il " serait nécessaire d'implanter un troisième appareil d'incendie à proximité immédiate du bâtiment de manière à assurer un débit simultané des trois appareils de 180 m3/ h " ; que l'arrêté contesté se fonde ainsi sur l'avis défavorable susmentionné du 10 octobre 2014, qui relève que l'activité des cellules 3 à 7 ne sont pas connues et que la défense extérieure du site contre l'incendie est insuffisante avec une bouche à incendie alors que trois seraient nécessaires ; que, toutefois, cet avis est relatif non seulement à la demande d'aménagement d'une salle polyvalente située dans la cellule n° 2, mais à l'ensemble de la zone d'activité comprenant ainsi la zone des entrepôts sinistrés à la suite des incendies susmentionnés ; qu'en fondant sa décision sur un avis négatif portant sur l'ensemble de la zone d'activité et non sur la seule zone relative aux travaux portant sur le mur séparant la cellule n° 2 de la cellule n° 3, objet de la demande d'autorisation présentée par la société MBTH, le maire de la commune de Gagny a aussi entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte des motifs qui précèdent aux points 8 et 9, que la décision du maire de la commune de Gagny du 13 octobre 2014 doit être annulée;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

12. Considérant que si le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le maire de la commune autorise la construction demandée, il y a lieu de lui enjoindre de réexaminer la demande présentée par la société MTBH dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société MTBH, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à la commune de Gagny ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Gagny une somme de 1 500 euros à verser à la société MTBH ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 5 février 2015 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Gagny du 13 octobre 2014 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Gagny de réexaminer la demande de la société MBTH dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Gagny versera la somme de 1 500 euros à la société MBTH en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Gagny tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 15VE00896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00896
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-003 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SELURL GUILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-29;15ve00896 ?
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