La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2018 | FRANCE | N°15VE01442

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 13 mars 2018, 15VE01442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse devant le Tribunal administratif :

La commune de Saint-Michel-sur-Orge a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la société Outarex, la SMABTP, l'atelier d'architecture Malisan et la société QUALICONSULT, sur le fondement de la garantie décennale, à l'indemniser des désordres constatés sur le bâtiment du réfectoire et de la cuisine d'un groupe scolaire et de l'indemnisation du préjudice subi en raison de la privation d'utilisation de ce bâtiment.

Par un jugement n° 0707270 du 4 octobre 2

011, le Tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la société ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse devant le Tribunal administratif :

La commune de Saint-Michel-sur-Orge a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la société Outarex, la SMABTP, l'atelier d'architecture Malisan et la société QUALICONSULT, sur le fondement de la garantie décennale, à l'indemniser des désordres constatés sur le bâtiment du réfectoire et de la cuisine d'un groupe scolaire et de l'indemnisation du préjudice subi en raison de la privation d'utilisation de ce bâtiment.

Par un jugement n° 0707270 du 4 octobre 2011, le Tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la société Outarex, l'atelier d'architecture Malisan et la société QUALICONSULT au paiement à la commune de Saint-Michel-sur-Orge de la somme de 636 002,78 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts à compter du 11 juillet 2007 et de leur capitalisation à compter du 11 juillet 2008.

Première procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2011, la société QUALICONSULT a demandé à la Cour :

1° à titre principal, d'annuler le jugement n° 0707270 du Tribunal administratif de Versailles du 4 octobre 2011 et de rejeter les demandes de la commune de

Saint-Michel-sur-Orge tendant à la réparation des désordres constatés sur le bâtiment du réfectoire et de la cuisine du lycée Jules Ferry et à l'indemnisation du préjudice subi en raison de la privation d'utilisation de ce bâtiment ainsi que de rejeter les demandes des autres parties à l'instance ;

2° à titre subsidiaire, d'une part, de ramener la somme due au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre du bâtiment susmentionné à la somme de 169 143 euros HT et de rejeter le surplus des demandes de la commune de Saint-Michel-sur-Orge et, d'autre part, que sa responsabilité ne soit pas engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires qu'elle a perçus ;

3° de condamner la société Outarex et l'atelier d'architecture Malisan à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par un arrêt n° 11VE04049 du 30 décembre 2013, la Cour administrative d'appel de Versailles a, sur la requête de la société QUALICONSULT, d'une part, déchargé cette société, la société Atelier d'architecture Malisan et la société Outarex des condamnations prononcées à leur encontre et, d'autre part, rejeté les conclusions d'appel incident de la commune.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et

10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de

Saint-Michel-sur-Orge a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt et, réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel des sociétés QUALICONSULT, Atelier d'architecture Malisan et Outarex et de faire droit à son appel incident.

Par une décision n° 376229 du 15 avril 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 30 décembre 2013 et renvoyé l'affaire à la cour.

Seconde procédure devant la Cour :

Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2015, le préfet de l'Essonne informe la cour de ce que le présent litige n'appelle pas d'autres observations de sa part.

Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2015, la commune de Saint-Michel-sur-Orge, repésentée par Me Scharr, avocat, demande à la cour :

1° de condamner solidairement les différents constructeurs, notamment la société Outarex, la SMABTP, l'Atelier d'architecture Malisan, la société QUALICONSULT à réparer les préjudices subis par elle à hauteur de 275 080 euros ;

2° de condamner les constructeurs à réparer les désordres résultant des travaux de réaménagement et d'extension du groupe scolaire Jules Ferry pour un montant de 1 258 025 euros ;

3° de condamner les constructeurs mis en cause au versement des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable et à leur capitalisation ;

4° d'écarter la responsabilité de la commune de Saint-Michel-sur-Orge ;

5° de mettre à la charge des constructeurs le versement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le bâtiment existant :

- la reprise en sous-oeuvre du bâtiment existant n'a pas été réalisée ; elle est donc fondée à rechercher la garantie décennale de l'atelier d'architecture Malisan, de la société Outarex et du bureau de contrôle QUALICONSULT ;

- contrairement aux conclusions du rapport d'expertise, sa responsabilité ne saurait être engagée ; le maître d'oeuvre doit exécuter les études et le contrôle des travaux et la société QUALICONSULT le contrôle des travaux et leur suivi ; la commune n'avait aucune raison de douter de la matérialité de ces prestations ; la commune n'avait aucune raison de s'inquiéter du moindre manquement à la réception des ouvrages, dès lors que les comptes rendus de chantier ne comportaient aucune mention de nature à l'alerter ;

- la solution SEMOFI reste seule à même de garantir la pérennité de l'ouvrage et de ses reprises ; il convient donc de retenir cette solution pour un montant de 355 861 euros ;

- l'expert n'a pas contesté le préjudice né de la privation de jouissance des locaux pour la commune dont le montant s'élève à la somme de 275 080 euros ;

En ce qui concerne le nouveau bâtiment :

- il y a lieu de réapprécier les conclusions de l'expert quant à l'absence de désordre dans l'extension ; elle sollicite la destruction puis la reconstruction du groupe scolaire pour un coût estimé à 950 590 euros auquel il convient d'ajouter le coût d'achat d'un module afin de replacer les enfants le temps des travaux, soit la somme de 307 435 euros.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2015, la société QUALICONSULT, représentée par Me G...(F...et associés), avocat, demande à la cour :

A titre principal :

1° de réformer le jugement entrepris ;

2° de débouter la commune de Saint-Michel-sur-Orge et tous requérants de l'ensemble de leurs prétentions dirigées à son encontre ;

A titre subsidiaire :

3° de juger que sa condamnation au titre des travaux de reprise n'excèdera pas la somme de 169 142 euros HT soit 178 445, 87 euros TTC retenue par l'expert et débouter la commune du surplus de ses demandes ;

4° de rejeter toute demande de condamnation in solidum en tant qu'elle la vise ;

A titre infiniment subsidiaire :

5° de juger que la responsabilité de la société QUALICONSULT ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires perçus par elle en application de l'article 6 du Titre II des conditions générales d'intervention soit la somme de 6 646, 78 euros ;

6° de condamner in solidum la commune de Saint-Michel-sur-Orge, la société Outarex et l'atelier d'architecture Malisan à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en principal, intérêts et frais ;

7° de juger que la réformation du jugement vaudra condamnation de la commune à restituer les sommes versées par elle soit 141 886, 38 euros en principal, intérêts et frais ;

8° de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la garantie décennale des constructeurs ne pouvait être recherchée dès lors que les désordres ne concernent pas un ouvrage neuf mais seulement la partie ancienne de l'école Jules Ferry ;

- l'absence de réalisation de travaux de reprise en sous-oeuvre n'était pas cachée lors de la réception ; l'attention de la commune avait été attirée à plusieurs reprises sur la nécessité de réaliser ces travaux ; au cours du chantier, aucune information n'a été sollicitée par le maître d'oeuvre sur la réalisation des reprises en sous-oeuvre ;

- les désordres ne portaient pas atteinte à la société de l'ouvrage dans le délai de la garantie ;

- la responsabilité du contrôleur technique, titulaire d'une mission relative à la solidité des ouvrages, ne peut être recherchée pour des désordres rendant l'ouvrage impropre à sa destination si le dommage est sans rapport avec la mission du contrôleur ou trouve son origine dans un élément de l'ouvrage non soumis à son contrôle ; la présomption de responsabilité décennale ne peut jouer ; l'expert n'a retenu qu'une responsabilité marginale de la société QUALICONSULT ;

- la part de responsabilité de la commune est forte dès lors qu'elle n'a pas réclamé les éléments concernant les travaux de reprise en sous-oeuvre au moment du chantier alors que son attention avait été attirée sur ce point ; la responsabilité du maître de l'ouvrage peut aller jusqu'à exonérer les constructeurs de toute responsabilité ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'absence de réalisation des ouvrages était apparente et avait été couverte par une réception sans réserve ;

- la part de responsabilité de l'atelier Malisan a été sous-évaluée ; le maître d'oeuvre ne pouvait ignorer que les travaux n'avaient pas été réalisés ;

- la commune ne justifie pas avoir fait réaliser les travaux ; elle n'entend pas engager cette dépense et ne peut valablement faire état d'un préjudice ; la location des bâtiments provisoires est dès lors sans objet et les sommes demandées doivent rester à la charge de la commune ;

- il convient de limiter l'indemnisation de la commune à la somme de 178 445, 87 euros TTC pour les travaux comprenant la reprise sous oeuvre, la reprise des fissures, la finition ;

- si la cour entrait en voie de condamnation à son encontre, elle demande la condamnation in solidum de la société Outarex, de la société Malisan et de la commune à la relever et garantir de des condamnations en principal, frais et intérêts ; en revanche, aucune condamnation in solidum du contrôleur technique avec les locateurs d'ouvrage ne pourra être prononcée en l'absence de faute commune ; le tribunal ne pouvait prononcer une condamnation solidaire car la solidarité parfaite doit être stipulée et elle ne l'est pas en l'espèce ; cette solidarité parfaite ne se présume pas ;

- la part de condamnation ne pourrait être que limitée dès lors que sa part de responsabilité était contractuellement limitée par les termes de l'article 6 du titre II des conditions générales d'intervention.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lepetit-Collin,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société QUALICONSULT, de

MeD..., substituant MeE..., pour la société Outarex, et de MeA..., substituant Me Scharr, pour la commune de Saint-Michel-sur-Orge.

1. Considérant qu'à la suite d'importantes périodes de sécheresse survenues entre janvier 1990 et octobre 1992, de nombreux désordres sont apparus sur des bâtiments du réfectoire et de l'office du groupe scolaire Jules Ferry de la commune de Saint-Michel-sur-Orge ; qu'en 1994 et 1995, la société QUALICONSULT, chargée par la commune d'une mission de contrôle technique relative à la solidité des ouvrages, a été amenée à constater l'existence d'une fissuration horizontale très marquée sur toute la longueur du pignon, une faille verticale dans le socle de fondation, un décollement du niveau du dallage et une fissuration horizontale dans un poteau d'angle ; qu'elle a alors préconisé la réalisation de travaux de confortement par une reprise en sous-oeuvre des fondations ; qu'en 1997, la commune qui souhaitait réaménager le groupe scolaire et construire une extension au bâtiment du réfectoire et de l'office, a confié la réalisation de ces travaux à la société Outarex, aux termes d'un acte d'engagement du

8 juillet 1997 ; qu'elle a passé un contrat de contrôle technique avec la société QUALICONSULT, le 31 mai 1997 ainsi qu'un contrat de maîtrise d'oeuvre le 16 juillet 1997 avec l'atelier d'architecture Malisan ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 11 décembre 1997, réserves levées le 30 avril 1998 ; que toutefois, en 1998, de nouveaux désordres se sont manifestés dans le bâtiment existant du réfectoire, notamment un affaissement du mur du restaurant et de l'office, un soulèvement des joints de dalle et des fissurations dans les murs ; qu'à la demande de la commune, un expert judicaire, désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, a rendu un rapport le 18 juillet 2008 relatif à ces désordres ; que, par jugement du 4 octobre 2011, le Tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la société Outarex, l'atelier d'architecture Malisan et la société QUALICONSULT à payer à la commune de Saint-Michel-sur-Orge la somme de 636 002,78 euros TTC en réparation des préjudices subis et réparti les responsabilités à hauteur de 50% pour le titulaire du marché, 20% pour le maître d'oeuvre, 20% pour la société QUALICONSULT et 10% pour la commune ; que la société QUALICONSULT a relevé appel de ce jugement ; que, par un arrêt n° 11VE04049 du 30 décembre 2013, la Cour administrative d'appel de Versailles a déchargé cette société, la société Atelier d'architecture Malisan et la société Outarex des condamnations prononcées à leur encontre et rejeté les conclusions d'appel incident de la commune ; que la commune de Saint-Michel-sur-Orge a introduit un pourvoi contre cet arrêt ; que par une décision n° 376229 du 15 avril 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 30 décembre 2013 et renvoyé l'affaire à la cour ;

Sur l'exception d'incompétence opposée par la SMABTP et la société Outarex :

2. Considérant que les conclusions de la commune de Saint-Michel-sur-Orge à l'encontre de la SMABTP, prise en sa qualité d'assureur de la société Outarex, reposent sur l'exécution du contrat de droit privé liant cette compagnie d'assurances à son assuré et doivent dès lors être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société QUALICONSULT, les premiers juges se sont prononcés sur le caractère apparent des désordres pour estimer en l'espèce qu'ils ne l'étaient pas et n'ont donc pas entaché leur jugement d'omission à statuer sur ce point, alors même, par ailleurs, qu'ils n'ont pas répondu à l'ensemble des arguments invoqués ;

Sur la garantie décennale des constructeurs :

4. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

En ce qui concerne la nature des désordres :

5. Considérant, d'une part, qu'il est constant que les ouvrages ont été réceptionnés par la commune au terme d'un procès-verbal comprenant des réserves qui ne concernaient pas les désordres litigieux le 11 décembre 1997 et que ces réserves ont, en tout état de cause, été levées le 30 avril 1998 ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant la partie existante du bâtiment du groupe scolaire Jules Ferry de la commune de

Saint-Michel-sur-Orge résidaient, ainsi qu'il a été rappelé, dans des fissurations des murs porteurs dans la partie cuisine, une déformation en cuvette très marquée du plancher du réfectoire, la rupture de plaques de plâtre de doublage dans la salle de restaurant ainsi que des fissurations visibles à l'extérieur du bâtiment ; que ces désordres, que l'expert a regardé comme étant de nature à rendre insalubre la salle de restaurant et qui ont d'ailleurs amené la commune à louer des bâtiments provisoires afin de pouvoir accueillir les élèves, étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

7. Considérant enfin que s'il est constant que la commune de Saint-Michel-sur-Orge a eu connaissance des désordres affectant le restaurant scolaire et de l'origine de ces derniers dès 1994, de même qu'elle a été informée de l'existence de solutions techniques permettant d'y remédier, le projet d'extension et de réaménagement de l'école ayant donné lieu au marché conclu en juin 1997 comprenait notamment un volet de confortement des bâtiments existants par une reprise en sous-oeuvre des fondations (micro-pieux et longrines de répartition) du réfectoire du groupe solaire Jules Ferry ; qu'au terme de ce marché, et alors que ces prestations lui avaient été facturées par l'entrepreneur, qu'aucune remarque de l'architecte, ou du bureau de contrôle technique ne l'avait alertée sur l'absence de réalisation de ces prestations, et que les services de la commune ne pouvaient vérifier la réalisation effective de ces travaux, notamment par un contrôle visuel s'agissant de travaux de reprise en sous-oeuvre, la commune était raisonnablement fondée à penser que ces prestations avaient été réalisées ; qu'ainsi, et alors même que la commune de Saint-Michel-sur-Orge ne s'est pas enquise de la réalisation de ces prestations au cours des réunions de chantier alors qu'elle connaissait l'impérieuse nécessité de les réaliser pour assurer la pérennité des bâtiments du groupe scolaire face à l'inéluctable perspective d'aggravation de ces désordres, ces derniers ne peuvent être regardés comme apparents à la date de la réception ; qu'ils étaient donc de nature à être couverts par la garantie décennale due par les constructeurs au maître de l'ouvrage ;

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres aux constructeurs :

S'agissant de l'imputabilité des désordres à l'entrepreneur et à l'architecte :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des études géotechniques commandées par la commune en 2005 et 2006 ainsi que du rapport d'expertise ordonnée en première instance et rédigé par M.C..., que si les désordres constatés trouvent leur origine dans les variations climatiques des années 1990 à 1992 ayant entraîné la fragilisation du sol de fondation qui supporte l'ouvrage, les travaux de reprise en sous-oeuvre par micro-pieux et longrines de répartition, prévus par le cahier des clauses techniques particulières du marché passé en juin 1997 dont l'entreprise Outarex était titulaire et mentionnés dans son bordereau des prix, n'ont pas été pas été réalisés par l'entreprise ; que l'atelier d'architecture Malisan, qui était chargé par un acte d'engagement du 16 juillet 1997 d'une mission d'assistance à la passation du marché et de direction des travaux, n'a pas surveillé la réalisation desdits travaux omis par l'entrepreneur et n'a pas signalé cette carence à la commune ; que les désordres engagent donc la garantie décennale de l'entrepreneur et de l'architecte à l'égard de la commune ;

S'agissant de l'imputabilité des désordres au bureau de contrôle technique :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable à la date de l'acte d'engagement : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article dans sa dernière version en vigueur depuis le 14 mai 2009 : " Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage " ;

10. Considérant, d'une part, que si cet article a été complété par l'article 4 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 aux termes duquel le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage, la société QUALICONSULT ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions envers le maître de l'ouvrage, créancier de la garantie décennale, avec lequel elle était liée par un contrat en date du 12 mai 1997, dès lors que l'article 5 de la même ordonnance ne les rend opposables qu'aux marchés, contrats ou conventions conclus après la publication de la dite ordonnance ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, ainsi que le reconnaît la société QUALICONSULT elle-même que trois missions lui avaient été confiées par la personne publique : une mission " L " relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, une mission " SEI " relative aux conditions de sécurité des personnes dans les constructions achevées applicable aux ERP et IGH et une mission " E " relative à l'examen de la compatibilité du programme des travaux avec l'état des existants ; que la convention de contrôle technique de 1997, qui comprend donc cette mission " E ", définit l'étendue de cette mission en ses articles 16.1 à 16.3.2. des conditions générales d'intervention ; que ces articles prévoyaient que l'intervention de la société avait pour objet l'examen sous l'angle de la solidité, de la compatibilité du programme des travaux (...) avec l'état des existants et incluaient donc la compatibilité avec l'existant ; que l'article 17.1 des conditions générales relatif, quant à lui, à la mission de solidité des existants définit ce qu'il convient d'entendre par " bâtiments existants " : " (...) Par existants, il faut entendre les parties anciennes de la construction existant avant ouverture du chantier et qui (...) sont directement concernées par les travaux neufs. " ; qu'enfin, les stipulations du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché prévoyaient que la reprise en sous oeuvre par micro-pieux et longrines de répartition devait être effectuée " conformément au recommandations (rapport sol progrès) du 23 janvier 1995 et avec l'accord du bureau de contrôle " ; que, dès lors, l'exercice des missions confiées à la société QUALICONSULT en vertu de ces documents contractuels aurait dû la conduire, à tout le moins, à alerter le maître d'ouvrage sur le fait qu'une partie de sa mission prévue au CCTP n'avait pas été réalisée puisque l'entreprise Outarex ne l'avait pas sollicitée sur la reprise des fondations ; qu'ainsi, et même si la société ne pouvait donner d'ordres aux différents constructeurs ni même se substituer à eux et qu'elle n'était pas présente lors de la réception des travaux, les désordres litigieux doivent être regardés comme lui étant également imputables ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les juges du Tribunal administratif de Versailles ont jugé qu'en raison de l'origine commune des désordres, il y avait lieu de prononcer la condamnation, solidaire en raison de l'imputabilité commune des désordres, de la société Outarex, de l'atelier d'architecture Malisan et de la société QUALICONSULT ;

Sur les préjudices, les intérêts et leur capitalisation :

En ce qui concerne les travaux de reprise des fondations :

13. Considérant que si la commune de Saint-Michel-sur-Orge demandait le paiement de la somme de 1 258 025 euros en réparation des préjudices subis dont 950 590 euros pour la destruction des ouvrages et leur reconstruction, elle porte, dans son mémoire du 22 juillet 2016, cette somme à 2 170 222 euros en indiquant qu'il y a lieu de réapprécier les conclusions de l'expert ; que toutefois, si l'expert expose plusieurs solutions pour remédier aux désordres, ce dernier explique préconiser la proposition formulée par la société Pergolèse Ingénierie, moins onéreuse dès lors qu'elle ne porte que sur la reprise en sous-oeuvre du bâtiment ancien, solution qui lui paraît suffisante dès lors que la réalisation des désordres affectant la partie existante peut être valablement déconnectée de la partie nouvelle ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin de diligenter une nouvelle expertise sur ce point dès lors notamment que la commune n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'utilité de la demande d'expertise complémentaire qu'elle formule, il convient de ramener l'évaluation faite de ce poste de préjudice par les premiers juges à la somme de 178 445, 87 euros TTC ;

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

14. Considérant que les deux actes d'engagement signés avec la société Algéco, les

4 mai 2007 et 31 juillet 2008, établissent que la commune a exposé des frais pour la location d'un bâtiment modulaire à l'usage du restaurant scolaire Jules Ferry, pour les montants de

125 000 euros hors taxes (149 500 euros toutes taxes comprises) et de 63 000 euros hors taxes (75 348 euros toutes taxes comprises) ; que, par suite, ladite commune a droit au remboursement de la somme totale de 224 848 euros TTC ainsi qu'elle le demande ; que par ailleurs, la commune se prévaut d'une prolongation de ce préjudice depuis lors et jusqu'à l'achèvement des travaux de réfection des locaux sinistrés ; qu'eu égard aux coûts exposés pour la location de tels bâtiments, de l'ordre de 4 186 euros par mois et à la durée prévisible des travaux, et dès lors que la commune justifie de frais exposés à ce titre, elle peut prétendre à une somme complémentaire de 50 232 euros TTC ainsi qu'elle le demande ;

15. Considérant que la commune a également droit aux intérêts au taux légal sur la somme totale de 453 525, 87 euros TTC, la taxe sur la valeur ajoutée devant être comprise dans le montant des sommes allouées au titre de la garantie décennale, à compter du 11 juillet 2007, date d'enregistrement de sa requête et à la capitalisation des intérêts à compter du 11 juillet 2008, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts ainsi que l'ont jugé les premiers juges ;

Sur les appels en garantie :

16. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit, la société Outarex, entrepreneur, n'a pas réalisé les travaux de reprise en sous-oeuvre par micropieux et longrines de répartition du bâtiment existant, travaux pourtant prévus par le cahier des clauses techniques particulières du marché et mentionnés dans son bordereau des prix, alors même, par ailleurs qu'elle a facturé ces prestations à la commune ; que l'atelier d'architecture Malisan a failli à sa mission de direction des travaux en ne s'assurant pas de la réalisation effective de ses prestations et en s'abstenant de signaler cette carence à la commune ; qu'enfin, ainsi qu'il a été dit également, la société QUALICONSULT, contrôleur technique, n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur le fait qu'une partie de sa mission prévue au CCTP n'avait pas été réalisée ;

17. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que si la commune avait connaissance des désordres et de leur caractère évolutif depuis 1994, et si elle connaissait la nature des prestations nécessaires pour y remédier dès lors que celles-ci lui avaient été indiquées par la société QUALICONSULT, le temps mis pour décider la réalisation effective des travaux ne saurait être regardé comme excessif dès lors que ce n'est qu'une fois ces rapports remis - en août 1994 et octobre 1995 - que la commune pouvait décider de lancer une opération, que l'année 1995 était une année d'élections municipales et que l'acte d'engagement la liant à la société Outarex a été conclu le 8 juillet 1997 ; que par ailleurs, la commune avait expressément inclus dans les prestations confiées à l'entrepreneur les travaux de reprise des fondations de l'existant, et avait fait le choix de se faire assister d'un maître d'oeuvre et d'un bureau de contrôle technique ; que si, au cours du marché, la commune n'a pas réclamé d'élément attestant de la réalisation effective d'une reprise en sous-oeuvre du bâtiment existant et, lorsqu'elle a réceptionné les travaux, n'a pas exprimé de réserves sur ce point, il résulte de ce qui précède, alors que les prestations étaient explicitement prévues au contrat, qu'elles lui avaient été facturées, que son attention n'avait été attirée par aucun intervenant au chantier sur l'absence de réalisation de ces prestations et qu'aucun contrôle visuel ne pouvait être effectué par ses services s'agissant de travaux affectant les fondations, que la commune pouvait légitimement ne pas douter de la réalisation effective des travaux ; qu'elle ne peut donc être regardée comme ayant manqué au devoir de vigilance pesant sur le maître d'ouvrage normalement précautionneux et ne saurait se voir imputer une part de responsabilité dans la réalisation des désordres ;

18. Considérant que compte tenu de l'implication de chaque constructeur dans la réalisation des désordres dans la mesure décrite, pour chacun de ces intervenants au chantier, aux points 11 et 12, il y a lieu de fixer leur part de responsabilité dans l'apparition des désordres ayant donné lieu à engagement de la garantie décennale à 50% pour l'entreprise Outarex, à 35% pour l'Atelier d'architecture Malisan et à 15% pour la société QUALICONSULT ;

19. Considérant que si, à l'appui de ses conclusions tendant à la limitation du montant des sommes susceptibles d'être mises à sa charge, la société QUALICONSULT invoque l'article 6 de la convention de contrôle technique qui stipule que sa responsabilité ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires qu'elle perçoit, il ressort de la rédaction même de cette clause limitative de responsabilité qu'elle ne joue que dans les cas où les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ne s'appliquent pas, soit lorsque la responsabilité du contrôleur technique n'est pas engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs ; que, dès lors la société QUALICONSULT n'est pas fondée à se prévaloir de l'application de cet article 6 de la convention pour limiter le montant des sommes mises à sa charge ;

Sur les dépens et les frais d'expertise :

20. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ;

21. Considérant que les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 308, 09 euros TTC par une ordonnance du Président du Tribunal administratif de Versailles en date du 29 septembre 2008 doivent être mis à la charge de la société Outarex, de l'atelier d'architecte Malisan et de la société QUALICONSULT dans la même proportion que les appels en garantie ;

Sur les conclusions à fin de restitution des sommes versées présentées par la société Outarex :

22. Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ces conclusions à fin d'injonction dès lors qu'une telle demande de la société Outarex, à la supposer fondée, constitue la conséquence nécessaire de la chose jugée par le présent arrêt et, en cas d'inexécution de ce dernier, relève de la compétence du juge de l'exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

24. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties à l'instance introduites sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la commune de Saint-Michel-sur-Orge tendant à la condamnation de la SMABTP sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : La société Outarex, l'atelier d'architecture Malisan et la société QUALICONSULT sont condamnés solidairement à payer à la commune de Saint-Michel-sur-Orge la somme de

453 525, 87 euros toutes taxes comprises (quatre cent cinquante trois mille cinq cent vingt-cinq euros et quatre-vingt sept centimes), assortie des intérêts à compter du 11 juillet 2007. Les intérêts échus à la date du 11 juillet 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La charge définitive des condamnations résultant du présent jugement sera supportée par la société Outarex, l'atelier d'architecture Malisan, et la société QUALICONSULT à concurrence, respectivement de 50 %, 35 %, et 15 %.

Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 308, 09 euros TTC par une ordonnance du Président du Tribunal administratif de Versailles en date du 29 septembre 2008 sont mis à la charge de la société Outarex à hauteur de 50%, de l'atelier d'architecte Malisan à hauteur de 35% et de la société QUALICONSULT à hauteur de 15%.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 0707270 du 4 octobre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

11

N° 15VE01442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01442
Date de la décision : 13/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs - Ont ce caractère.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Responsabilité de l'architecte - Faits de nature à engager sa responsabilité.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Responsabilité de l'entrepreneur - Faits de nature à engager sa responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : PARINI - TESSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-13;15ve01442 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award