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01/03/2018 | FRANCE | N°17VE02798

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 01 mars 2018, 17VE02798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE du 21 février 2017 rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1701982 du 28 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté préfectoral pour erreur manifeste d'appréciation et a enjoint au préfet de délivrer un t

itre de séjour à M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE du 21 février 2017 rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1701982 du 28 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté préfectoral pour erreur manifeste d'appréciation et a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 août et le 21 décembre 2017, le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- son arrêté était suffisamment motivé ;

- l'intéressé n'établit pas la réalité d'une présence continue sur le territoire français depuis seize ans ;

- les articles L. 313-11-7°, L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnus ;

- sur la décision fixant le pays de renvoi, aucun élément n'est produit au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. D... B..., né le 1er novembre 1978, de nationalité tunisienne, entré en France le 22 mars 2001 muni d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour a sollicité le renouvellement de son titre de séjour précédemment délivré en qualité de salarié, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, pour la période du 22 juillet 2015 au

21 juillet 2016 ; que, par un arrêté du 21 février 2017, le PREFET DE L'ESSONNE a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que, par un jugement du 28 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté préfectoral pour erreur manifeste d'appréciation et a enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour sollicité ;

2. Considérant que le Tribunal administratif a retenu, pour annuler la décision préfectorale contestée, que M. B...justifiait d'une ancienneté de séjour sur le territoire français de près de seize ans, qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de salarié valable du 22 juillet 2015 au 21 juillet 2016, qu'il a exercé une activité professionnelle de septembre 2014 à juin 2015 puis du 4 janvier au 16 mars 2016 et qu'il est employé par un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 4 avril 2016 en qualité d'employé polyvalent en cuisine ; que, toutefois, M.B..., entré en France en mars 2001, n'établit sa présence en France de manière continue que pour les années 2007 et 2008 puis à compter de l'année 2014 ; que s'il a exercé une activité professionnelle comme employé polyvalent en cuisine au sein de la société GKR de

septembre 2014 à juin 2015, il n'est pas contesté qu'il a démissionné de cet emploi au

1er octobre 2015, que son emploi de préparateur au sein de la société Seventy Tolbiac à compter du 4 janvier 2016 a donné lieu à une rupture de contrat à l'initiative de son employeur à la fin de la période d'essai et que son travail d'employé polyvalent en cuisine dans la société Best Food depuis le 4 avril 2016 n'a fait l'objet d'aucune autorisation administrative ; que, par ailleurs, il a vécu en Tunisie au moins jusqu'à l'âge de 23 ans, où se situait alors le centre de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, et eu égard notamment à l'absence d'éléments justifiant sa présence continue en France pendant la période alléguée, le PREFET DE L'ESSONNE n'a pas pris une décision entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif ;

4. Considérant que, par un arrêté n° 2016-PREF-MCP-068 du 6 septembre 2016, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, le PREFET DE L'ESSONNE a donné à Mme C...A..., directrice de l'immigration et de l'intégration de la préfecture, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'acte attaqué aurait été pris par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;

Sur le refus de titre de séjour :

5. Considérant que l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans l'article 3 de l'accord franco-tunisien, qui peut être substitué à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants tunisiens, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'étranger d'aucune garantie et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

6. Considérant qu'aux termes des stipulations du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, substitué à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. B...a été titulaire d'un titre de séjour en qualité de salarié, valable du 22 juillet 2015 au 21 juillet 2016, il n'est pas contesté que, lors de sa demande de renouvellement dudit titre, l'intéressé avait quitté son premier emploi à compter du 1er octobre 2015, qu'il a été mis fin, au terme de la période d'essai, à son deuxième emploi le 12 mars 2016 et qu'il ne justifie pas avoir obtenu l'autorisation de travail demandée pour un troisième emploi occupé à compter du 4 avril 2016 ; qu'à la suite de l'avis défavorable sur ses conditions d'emploi rendu le 25 novembre 2016 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi

d'Ile-de-France, M. B...n'a pas été en mesure de présenter un nouveau contrat de travail visé par les autorités habilitées du travail en contravention avec les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ; que c'est, dès lors, à bon droit, que le PREFET DE L'ESSONNE a refusé à l'intéressé le renouvellement de la carte de séjour temporaire qu'il sollicitait en qualité de salarié étranger ;

8. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie, au vu des pièces qu'il verse au dossier, d'une présence habituelle en France que pour les années 2007 à 2008 et depuis 2014, à la date de l'arrêté attaqué ; qu'enfin, selon les termes non démentis de l'arrêté qu'il attaque, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; que, par suite, M. B... ne saurait ainsi prétendre que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, et pour les mêmes motifs, les moyens tirés d'une méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, d'une part, que la décision attaquée vise l'accord franco-tunisien du

17 mars 1988, la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'autre part, le PREFET DE L'ESSONNE mentionne dans son arrêté que l'intéressé ne remplit pas les conditions requises pour le renouvellement de son titre de séjour dès lors que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a rendu le

25 novembre 2016 un avis défavorable, qu'il ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires pour bénéficier d'un titre de séjour à titre exceptionnel, et qu'étant célibataire, sans charge de famille et ayant vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 23 ans, il ne peut bénéficier des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, cette décision comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, le moyen tiré de l'insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas que la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour serait entachée d'illégalité ; que, par suite, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée ;

Sur le pays de renvoi :

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'en cas de retour dans son pays, il serait séparé de sa famille, M. B...n'assortit le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'aucun élément de nature à en établir le bien-fondé ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 21 février 2017 ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la demande formée par M. B...devant le Tribunal administratif de Versailles ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 28 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions formées par M. B...devant le tribunal administratif et devant la Cour sont rejetées.

N° 17VE02798 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02798
Date de la décision : 01/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET COTESSAT-BUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-01;17ve02798 ?
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