La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2018 | FRANCE | N°16VE00463

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 janvier 2018, 16VE00463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 septembre 2008 par laquelle le maire de Gagny a préempté un immeuble situé 188 bis boulevard de la Boissière et la décision dudit maire du 19 février 2015 en refusant le retrait.

Par un jugement n° 1503398 du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé lesdits arrêtés.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 17 février 2016, 30

novembre 2016 et 6 avril 2017, la COMMUNE DE MONTREUIL, représentée par Me Pelé, avocat, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 septembre 2008 par laquelle le maire de Gagny a préempté un immeuble situé 188 bis boulevard de la Boissière et la décision dudit maire du 19 février 2015 en refusant le retrait.

Par un jugement n° 1503398 du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé lesdits arrêtés.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 17 février 2016, 30 novembre 2016 et 6 avril 2017, la COMMUNE DE MONTREUIL, représentée par Me Pelé, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. et Mme A...présentée en première instance ;

2° de mettre à la charge de M. et Mme A...le versement d'une somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée à l'encontre de la décision de préemption en première instance était irrecevable pour tardiveté, dès lors qu'elle a été présentée plus de six ans après la décision de préemption ; en l'absence de notification de cette décision, le délai de recours commence à courir à compter du moment où le requérant en a eu connaissance ; or les

époux A...ont eu connaissance de cette décision au plus tard le 18 mars 2013, date à laquelle ils ont adressé un courrier à la commune, comportant en pièce jointe la décision de préemption ; le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce qu'une décision puisse être contestée indéfiniment par une personne qui en a eu connaissance ;

- la demande présentée à l'encontre de la décision du 19 février 2015, sept ans après la décision de préemption, est devenue sans objet ; cette décision de préemption a épuisé tous ses effets, dès lors que le transfert de propriété a eu lieu, et que cette vente constitue un obstacle au retrait de la décision attaquée ;

- la réalité et l'antériorité d'un projet de construction d'un centre

médico-psychiatrique est établi ; le programme de construction de ce bâtiment était établi au mois de juin 2013 ;

- la décision refusant de prononcer le retrait de la décision de préemption n'avait pas lieu d'être en l'absence de toute illégalité de cette dernière ; le retrait de cette décision ne peut intervenir dès lors que le bien en cause avait été vendu à la commune ;

- les autres moyens soulevés en première instance par les époux A...ne sont pas fondés ;

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de M. Toutain, rapporteur public,

- et les observations de Me Bakari-Bardini, avocat, substituant à Me Pelé, pour la commune de Montreuil ;

1. Considérant que M. et Mme A...ont demandé l'annulation de la décision du

24 septembre 2008 par laquelle le maire de Montreuil a préempté un immeuble situé 188 bis, boulevard de la Boissière à Montreuil, pour lequel ils étaient titulaires d'une promesse de vente, et de la décision du 19 février 2015 de la même autorité, refusant de procéder à son retrait ; que, par jugement du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions susmentionnées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 septembre 2008 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; et du premier alinéa de l'article R. 421-1 du même code : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle, d'autre part, que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, le délai de deux mois susmentionné n'est pas opposable ;

3. Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. et Mme A...n'ont pas reçu notification de la décision de préemption du 24 septembre 2008 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils ont adressé à la COMMUNE DE MONTREUIL, le 18 mars 2013, une lettre relative à l'état d'avancement du projet de construction, à laquelle était jointe la décision de préemption contestée, laquelle ne comportait toutefois pas la mention des voies et délais de recours ; que M. et Mme A...ne sauraient ainsi être regardés comme ayant eu notification de la décision en litige, le 18 mars 2013, au sens des dispositions de

l'article R. 421-5 susmentionné ; que, dès lors, le délai de deux mois fixé par l'article R.421-1 du code de justice administrative ne leur était pas opposable ; que, toutefois, en saisissant le Tribunal administratif de Montreuil le 17 avril 2015, soit plus de deux ans après avoir eu connaissance de la décision de préemption contestée, leur recours excédait le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé ; que leur demande présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil devait ainsi être rejetée comme tardive ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 février 2015 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune ;

5. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;

6. Considérant que la décision de préemption du bien en cause du 24 septembre 2008 a constitué pour les vendeurs une décision créatrice de droits ; que le transfert de propriété de ce bien, réalisé à la date du 10 décembre 2009, n'a pas eu pour effet de retirer à la décision de préemption son caractère de décision créatrice de droits à l'égard des anciens propriétaires ; que, par suite, la COMMUNE DE MONTREUIL ne pouvait retirer la décision contestée, à supposer qu'elle ait été entachée d'illégalité, que dans le délai de quatre mois à compter du 24 septembre 2008 ; que, dès lors, la demande de M. et MmeA..., adressée le 4 février 2015, tendant au retrait de la décision de préemption contestée ne pouvait qu'être rejetée par la commune ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la

COMMUNE DE MONTREUIL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision de préemption du

24 septembre 2008 et celle du 19 février 2015 refusant de retirer cette décision de préemption ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme A...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE MONTREUIL, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à

M. et Mme A...; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de M. et Mme A...le versement à la COMMUNE DE MONTREUIL d'une somme sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 21 décembre 2015 annulant les décisions du maire de la COMMUNE DE MONTREUIL du 24 septembre 2008 et du

19 février 2015 est annulé. Les demandes présentées par M. et Mme A...devant le Tribunal administratif de Montreuil sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme A...et le surplus des conclusions de la COMMUNE DE MONTREUIL sont rejetés.

2

N° 16VE00463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00463
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. TOUTAIN
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-01-25;16ve00463 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award