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14/11/2017 | FRANCE | N°17VE01129

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 14 novembre 2017, 17VE01129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 23 août 2016 de la préfète de l'Essonne refusant de lui accorder un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°1607487 du 13 mars 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :
r>Par une requête et une régularisation de requête, enregistrées les 7 et 19 avril 2017,

M.B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 23 août 2016 de la préfète de l'Essonne refusant de lui accorder un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°1607487 du 13 mars 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et une régularisation de requête, enregistrées les 7 et 19 avril 2017,

M.B..., représenté par Me Azoulay-Cadoch, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- le jugement du Tribunal administratif de Versailles est entaché d'une insuffisance de motivation au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté préfectoral du 23 août 2016 a été signé par une autorité incompétente, faute qu'il soit justifié d'une délégation de signature régulière ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du

19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Livenais a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant marocain né le 15 novembre 1984, relève appel du jugement du 13 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 23 août 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il résulte des termes du jugement attaqué qu'il écarte de façon suffisamment motivée les différents moyens présentés par M.B..., qui n'est donc pas fondé à soutenir qu'il serait entaché d'irrégularité au regard des dispositions précitées du code de justice administrative, seules applicables à la motivation des jugements, à l'exclusion des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 codifiées au code des relations entre le public et l'administration ;

Sur la légalité de l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 23 août 2016 :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par Mme C...A..., directrice de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de l'Essonne, en vertu d'une délégation consentie par le préfet de ce département sur le fondement d'un arrêté du

17 mai 2016 à l'effet, notamment, de signer tous arrêtés, actes ou décisions en toutes matières ressortant à ses attributions ; que cet arrêté a été régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire des décisions attaquées ne bénéficiait pas à cette fin d'une délégation régulière doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, dont les dispositions se sont substituées à celles de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 à compter du 1er janvier 2016 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

5. Considérant que l'arrêté attaqué, pris au visa, notamment, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, conformément au fondement juridique de la demande de M.B..., qui sollicitait une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, écarte cette demande de titre de séjour en constatant que l'intéressé, eu égard à la durée justifiée de son séjour sur le territoire français, aux conditions, contraires à la législation du travail, dans lesquelles il a exercé son activité professionnelle, et à l'absence de liens personnels et familiaux établis en France alors même que sa famille réside toujours dans son pays d'origine, ne justifie de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens et pour l'application de ce texte ; qu'il expose ainsi de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait qui fondent le refus de titre de séjour ; qu'en outre, ledit arrêté vise également le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dispose notamment " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français (...) n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I " ; que, dès lors que M. B...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est fondée sur l'application du 3° du I de l'article L. 511-1 précité ; que, dans la mesure où comme il a été dit ci-dessus, la décision de refus de titre de séjour énonce les motifs de droit et de fait qui l'ont fondée, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; que l'arrêté attaqué est, dans ces conditions, suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

7. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Essonne ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par M. B...en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui était pas applicable ; que, toutefois, il y a lieu de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que M.B..., qui se borne à invoquer la longévité et la stabilité de son séjour en France depuis 2007, alors même qu'il n'établit la continuité de sa résidence en France qu'à compter de l'année 2011, et ne conteste pas sérieusement ne pas avoir développé d'attaches particulières en France, ne fait valoir aucun motif exceptionnel ni aucune considération humanitaire justifiant sa régularisation ; que, si l'intéressé a, par ailleurs, exercé une activité professionnelle en France pour le compte de la société Soir Service, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, cette activité professionnelle s'est effectuée dans des conditions contraires à la législation sur le travail et que, d'autre part, M. B...a cessé toute activité professionnelle à compter de la date à laquelle il s'est vu remettre un récépissé de demande de titre de séjour ; que, dès lors, la préfète de l'Essonne pouvait lui refuser, dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " à titre exceptionnel ;

10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant que M. B...est célibataire et sans enfant ; qu'il ne conteste pas sérieusement le motif opposé par la préfète tiré de ce que ses parents et ses deux frères et cinq soeurs résident dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans ; que dès lors, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, les moyens tirés, d'une part, et en tout état de cause, de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de l'existence d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle ne peuvent également qu'être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 17VE01129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01129
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : AZOULAY-CADOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-11-14;17ve01129 ?
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