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26/10/2017 | FRANCE | N°16VE01915

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 26 octobre 2017, 16VE01915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 26 juin 2015 lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire sans lui laisser de délai de départ volontaire, lui assignant un pays de retour et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1506676 en date du 10 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a an

nulé cette interdiction de retour et rejeté le surplus de la demande de

M.C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 26 juin 2015 lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire sans lui laisser de délai de départ volontaire, lui assignant un pays de retour et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1506676 en date du 10 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette interdiction de retour et rejeté le surplus de la demande de

M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2016, M.C..., représenté par

Me Redler, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2° d'annuler en totalité l'arrêté attaqué ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans ce délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son avocat qui s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

M. C...soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute d'admettre les circonstances exceptionnelles et le caractère humanitaire de sa situation ;

- elle contrevient au 7° de l'article L. 313-11 de ce code et à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la mesure d'éloignement est entachée des mêmes vices.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le

26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par arrêté du 26 juin 2015, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à M.C..., ressortissant sri-lankais, né en 1976, l'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui laisser un délai de départ volontaire, lui a assigné un pays de retour et lui a interdit de revenir en France pendant deux ans ; que l'intéressé relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du

10 décembre 2015, en tant qu'il a confirmé cet arrêté, à l'exception de la décision d'interdiction de retour ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'à supposer que M. C...soit effectivement entré sur le territoire français le 10 décembre 1999, il ne produit, au titre de l'année 2005, qu'une demande de réexamen de sa demande d'asile en date du 16 janvier 2005 et l'avis de réception d'envoi en recommandé en date du 1er février 2005, ces seuls documents ne permettant pas de justifier de sa présence habituelle en France cette année-là ; qu'au titre de l'année 2007, il verse au dossier l'avis de dépôt postal d'un objet recommandé du mois de juin, la convocation du

15 octobre devant la commission de recours des réfugiés, et une attestation d'assurance maladie, documents trop peu probants, par leur nombre et leur nature, pour établir cette présence habituelle en France du requérant ; qu'enfin, au titre de l'année 2012, ni la décision du

5 avril 2012 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français, ni l'ordonnance de renvoi du Tribunal administratif de Montreuil du 27 septembre 2012, ne sauraient à elles seules prouver la présence habituelle de M. C...; que, dans ces conditions, ce dernier n'établit pas résider habituellement en France depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'étant par suite pas tenu de saisir la commission du titre de séjour, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code déjà mentionné, par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présente pas une menace pour l'ordre public, de vérifier, dans un premier temps, si cette admission par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité professionnelle ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

5. Considérant, enfin, que si M. C...soutient que la durée de séjour en France doit être prise en compte en cas de demande d'admission exceptionnelle au séjour, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il n'établit pas le caractère habituel de son séjour en France depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que si le métier d'officier de cuisine est de ceux qui présentent des tensions, M. C...ne saurait se prévaloir de l'exercice de ce métier dans l'entreprise Sarl Le Café Jade, en raison du caractère très récent de son contrat de travail, signé le 14 mars 2014 ; que, par ailleurs, M. C...soutient vivre maritalement avec MmeB..., sa compatriote, depuis le mois de septembre 2014, union dont est né un enfant, Tharunan, le 11 juin 2015 ; que, toutefois, même munie d'un récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile et valable jusqu'au 30 septembre 2015,

Mme B...ne disposait pas d'un titre de séjour à la date de la décision attaquée ; qu'au surplus, la relation maritale est trop récente pour caractériser une situation exceptionnelle ; qu'en l'absence d'octroi du statut de réfugié politique à Mme B...à la date de la décision attaquée de refus de séjour, cette dernière ne conduisait pas par elle-même à une séparation du requérant d'avec son enfant ; que, partant, ces circonstances de fait ne révèlent pas une situation exceptionnelle, ni n'appellent un traitement humanitaire, au sens de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus d'admission exceptionnelle au séjour doit être écarté, au titre tant de la vie privée que de l'activité salariée ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;

7. Considérant que M. C...met en avant sa maîtrise de la langue française, son contrat à durée indéterminée comme officier de cuisine, ses déclarations de revenus, la communauté de vie avec sa compagne, qui est en situation régulière, à défaut de disposer d'un titre de séjour ; mais que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de l'âge auquel le requérant serait entré en France, du caractère récent de sa relation, de ce que son enfant est encore en bas âge, et de ce qu'il ne conteste pas avoir au Sri Lanka ses deux parents, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en refusant de régulariser la situation de

M.C..., porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ; que cette décision n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

9. Considérant que, compte tenu de l'âge de Tharunan, et de ce que ses parents, au demeurant de même nationalité, peuvent reconstituer la cellule familiale dans un autre pays, le moyen tiré de l'atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la mesure d'éloignement :

10. Considérant que doivent être écartés pour les mêmes motifs que ci-dessus les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant que M. C...expose, comme il a été dit, vivre maritalement avec Mme B...depuis le 3 septembre 2014, date de l'entrée en France de cette dernière avec laquelle il a eu un enfant né le 11 juin 2015 ; qu'il fait valoir qu'après son arrivée sur le territoire, sa compagne a formé une demande d'asile, sans en préciser la date, auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis qu'elle a saisi la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 février 2015, pour soutenir que la décision du préfet du 26 juin 2015 qui lui fait obligation de quitter le territoire sans délai, alors que la CNDA n'a pas encore statué sur le recours de sa compagne, méconnaît l'intérêt de son enfant et donc les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, au motif que si le statut de réfugié était reconnu à la mère de son enfant, ce dernier serait placé sous la protection de l'OFPRA, ce qui entraînerait une séparation inéluctable avec son père, la protection ainsi accordée à l'enfant l'empêchant de le rejoindre au Sri Lanka ; que toutefois si le statut de réfugié devait être reconnu pour sa compagne et son enfant, et si M.C..., ainsi qu'il le fait valoir, ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de ce que la demande d'asile de sa compagne a été déposée après le début de leur relation maritale stable, l'existence d'une procédure de regroupement familial, qui pourrait être mise en oeuvre ultérieurement, permettrait la reconstitution de la cellule familiale en France ; que si ce statut de réfugié ne devait pas leur être reconnu, le requérant ne fait pas état d'obstacles à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France ; que dans ces conditions la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations précitées au point 8 de l'article 3-1 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas annulé en totalité l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du

26 juin 2015 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

N° 16VE01915 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01915
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : REDLER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-26;16ve01915 ?
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