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24/10/2017 | FRANCE | N°17VE00849

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 octobre 2017, 17VE00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...alias B...E...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions en date du 17 février 2017, par lesquelles le préfet du Val-d'Oise a décidé sa remise aux autorités portugaises et l'a assigné à résidence ;

Par un jugement n° 1701588 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2017, M. C... alias M. E..., représenté par Me Aucher-Fagb

emi, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...alias B...E...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions en date du 17 février 2017, par lesquelles le préfet du Val-d'Oise a décidé sa remise aux autorités portugaises et l'a assigné à résidence ;

Par un jugement n° 1701588 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2017, M. C... alias M. E..., représenté par Me Aucher-Fagbemi, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne vise pas l'article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 3-2 et 3-3 du règlement Dublin III ; elle manque également de motivation en fait ;

- les documents " aux fins d'application de la procédure de transfert " ne lui ont pas été remis ;

- la décision de transfert viole le principe à valeur constitutionnelle qu'est le droit d'asile, rappelé dans le préambule de la Constitution de 1946 ;

- elle est entachée de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a quitté son pays en raison de graves troubles politiques et des risques pour sa liberté et son intégrité physique, qu'il n'a séjourné que quatre mois au Portugal avant d'arriver fin août 2016 en France où il a séjourné deux ans et dont il maîtrise parfaitement la langue ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il redoute d'être violenté et emprisonné en cas de retour dans son pays d'origine ;

- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée ; elle est systématiquement appliquée aux demandeurs d'asile faisant l'objet d'un transfert vers un autre État de l'Union européenne ; il dispose d'une solide garantie de représentation au domicile de Mme F...A...à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise) ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit Dublin III ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Locatelli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le requérant, qui se présente sous le nom de M. D...C...né le 10 octobre 1991 en République démocratique du Congo, est entré en France le 2 août 2016 pour y solliciter l'asile et que le système Visabio a révélé une autre identité à savoir M. B...E..., ressortissant angolais né le 2 février 1984 en Angola, entré au Portugal muni d'un visa de court séjour valable du 20 avril 2016 au 3 juin 2016 ; que, par arrêté du 17 février 2017, le préfet du Val-d'Oise a décidé son transfert, sous la procédure dite Dublin III, aux autorités portugaises responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence par un second arrêté du même jour ; que le requérant interjette appel du jugement du 21 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;

Sur la légalité de la décision de transfert :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " et qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) " ;

3. Considérant que la décision de transfert du 17 février 2017 vise les textes applicables, notamment les règlements n° 604/2013 du 26 juin 2013 et n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, ainsi que les articles L. 742-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle mentionne que l'intéressé est entré en France le 2 août 2016 sous couvert d'un visa délivré par les autorités portugaises afin d'y demander l'asile sous le nom de M. D...C...né le 10 octobre 1991 à Matadi en République Démocratique du Congo et que le système Visabio a révélé son autre identité à savoir M. B... E...né le 2 février 1984 en Angola ; qu'elle décrit ensuite les étapes de la procédure de transfert Dublin qui se sont déjà déroulées ; qu'enfin, elle précise que les éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relèvent pas des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 du règlement n° 604/2013 ; qu'il suit de là que la décision portant transfert aux autorités portugaises est suffisamment motivée, nonobstant la circonstance que l'autorité administrative n'aurait pas visé l'article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ou spécifiquement l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, qui manque en fait, doit par suite être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si M. C... alias M. E... soutient qu'il ne se serait pas vu remettre l'ensemble des documents de la procédure de transfert tel qu'exigé par le règlement n° 604/2013, cette allégation est toutefois contredite par les mentions de l'arrêté préfectoral du 17 février 2017, contresigné par le requérant, desquelles il ressort que " l'intéressé a été informé par écrit de l'application du règlement Dublin, des délais qu'il prévoit et de ses effets " ; que le moyen sus-analysé doit dès lors être écarté ;

5. Considérant qu'eu égard à la nature et à la portée du règlement (UE) n° 603/2013, qui met en application des procédures respectant le principe de l'effectivité du droit d'asile, de façon harmonisée sur le territoire des Etats membres de l'UE, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral, en tant qu'il met en oeuvre les dispositions dudit règlement, porterait atteinte à l'effectivité du respect du droit d'asile, principe inscrit au Préambule de la Constitution de 1946, dont, au demeurant, les termes s'imposent à l'autorité administrative dans le cadre des lois et règlements qui assurent sa mise en oeuvre et dont il n'est pas établi qu'ils seraient inconstitutionnels, ni qu'ils ont été méconnus, ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que si M. C... alias M. E... fait valoir qu'il est arrivé en France depuis deux ans et y a le centre de ses intérêts personnels, il ne l'établit pas dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'est entré sur le territoire français qu'en août 2016 et qu'ainsi, il n'y résidait que depuis seulement sept mois à la date de la décision attaquée ; qu'en outre, il ne justifie pas de l'existence de liens familiaux en France et ne se prévaut précisément d'aucune circonstance sérieuse faisant obstacle à son transfert au Portugal pour examen de sa demande d'asile ; que l'arrêté attaqué portant transfert aux autorités portugaises, ne peut donc être regardé comme ayant porté au droit de M. C... alias M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, sans qu'à cet égard, le requérant puisse utilement faire valoir les risques encourus en cas de retour dans son pays dès lors que l'arrêté contesté n'autorise qu'une remise aux autorités portugaises ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être rejeté ; que, pour les mêmes motifs de fait, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

8. Considérant enfin, et ainsi qu'il a été dit précédemment, que cet arrêté n'autorise qu'une remise aux autorités du Portugal, État membre responsable du traitement de sa demande d'asile ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce qu'il serait exposé à des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté assignant M. C... alias M. E... à résidence :

9. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté par lequel préfet du Val-d'Oise a assigné le requérant à résidence vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 561-l, R. 561-2 et R. 561-3 ; qu'il précise, en particulier, que M.C..., alias B...E...a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités portugaises dans le cadre des accords " Dublin " et que, justifiant d'une domiciliation postale dans le département du Val-d'Oise, il présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la présente obligation en attente de son exécution effective, alors que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet demeure une perspective raisonnable ; qu'enfin, cette décision indique que, en cas de refus d'exécuter la mesure d'éloignement, l'intéressé pourra néanmoins faire l'objet d'un placement en rétention, conformément à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, sans qu'importe, à cet égard, le bien-fondé de ses motifs ; que, par suite, la décision d'assignation à résidence est suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; (...) Lorsqu'il apparaît qu'un étranger assigné à résidence en application du présent article ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1, notamment parce qu'il n'a pas respecté les prescriptions liées à l'assignation à résidence ou qu'à l'occasion de la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement il a pris la fuite ou opposé un refus, l'article L. 551-1 est applicable. " qu'aux termes de l'article 551-1 du même code : " Dans les cas prévus aux 1° à 7° du I de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures. (...) " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier ainsi que des dispositions précitées que c'est précisément en raison de ses garanties de représentation effectives, en ce qu'il justifiait d'une adresse de domiciliation dans le Val-d'Oise, que M. C... alias M. E... a fait l'objet d'une assignation à résidence sur le fondement L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile plutôt que d'un placement en rétention administrative, mesure plus contraignante, sur celui de l'article L. 551-1 qui se justifie lorsque, notamment, l'étranger ne bénéficie pas ou plus de garanties de représentation effectives ou suffisantes ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être assigné à résidence du fait de ses bonnes garanties de représentation doit rejeté comme inopérant ;

12. Considérant, enfin, que si M. C... alias M. E... fait grief au préfet d'assigner à résidence de manière systématique les personnes faisant l'objet d'un transfert tel que celui en cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. C... alias M. E... n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier sur ce point ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... alias M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, au demeurant suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... alias M. E... est rejetée.

17VE00849 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00849
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-24;17ve00849 ?
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