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28/09/2017 | FRANCE | N°16VE00379

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 septembre 2017, 16VE00379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI FEUILLE DE MIEL a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le maire de La Courneuve a refusé de lui délivrer un permis de reconstruire à l'identique un bâtiment, détruit par un incendie le

16 février 2012, sur une parcelle cadastrée AM n° 91 et situé au 127-131, rue Anatole France, ensemble la décision du 16 février 2015 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1503365 du 10 décembre 2015, le Tribunal administratif

de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI FEUILLE DE MIEL a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le maire de La Courneuve a refusé de lui délivrer un permis de reconstruire à l'identique un bâtiment, détruit par un incendie le

16 février 2012, sur une parcelle cadastrée AM n° 91 et situé au 127-131, rue Anatole France, ensemble la décision du 16 février 2015 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1503365 du 10 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 7 et 23 février 2016 et

9 septembre 2017, la SCI FEUILLE DE MIEL, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, ensemble les décisions contestées des 31 octobre 2014 et 16 février 2015 ;

2° de mettre à la charge de la commune de La Courneuve le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI FEUILLE DE MIEL soutient que :

- en s'abstenant de lui demander, en application des articles R. 423-22 et 423-38 du code de l'urbanisme, de produire les pièces complémentaires justifiant que le projet constituait bien une reconstruction à l'identique d'un bâtiment régulièrement édifié, avant de statuer sur sa demande de permis, la commune a entaché la décision de refus contesté d'un vice de procédure ;

- le refus de permis contesté méconnaît l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que, contrairement à ce qu'a opposé la commune, le projet constituait bien une reconstruction à l'identique d'un bâtiment régulièrement édifié, la commune ne pouvant opposer l'absence de production du permis de construire délivré pour la construction, 60 ans auparavant, du bâtiment initial ;

- en rejetant sa demande de permis au motif que le bâtiment initial n'aurait pas été régulièrement édifié, alors qu'elle n'a pas remis en cause la régularité de cette construction durant 60 ans, laquelle avait d'ailleurs donné lieu, avant sa destruction, à plusieurs décisions administratives et à la perception de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la commune a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens, en méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'exigence tenant à ce que le pétitionnaire doive justifier du caractère régulier de la construction détruite, qu'il envisage de reconstruire, méconnaît également le principe de sécurité juridique, lequel a été reconnu comme constituant un principe général du droit par la décision " Société KPMG et autres ", rendue par le Conseil d'Etat le 24 mars 2006 ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 324 du 15 juin 1943 et l'ordonnance n° 45-2542 du 27 octobre 1945 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SCI FEUILLE DE MIEL, et de MeC..., pour la commune de La Courneuve.

1. Considérant que la SCI FEUILLE DE MIEL est propriétaire d'un terrain, cadastré section AM n° 91 et situé au 127-131, rue Anatole France, à La Courneuve, sur lequel était édifié un bâtiment à usage d'entrepôt ; que ce bâtiment ayant été détruit par un incendie, survenu le 16 février 2012, la SCI FEUILLE DE MIEL a sollicité, le 9 juillet 2014, la délivrance d'un permis de reconstruire ce bâtiment à l'identique, sur le fondement de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ; que, par arrêté du 31 octobre 2014, le maire de La Courneuve a rejeté cette demande, motifs pris, d'une part, de ce que le projet de reconstruction n'était pas identique au bâtiment détruit et, d'autre part, de ce que ce dernier n'avait pas été régulièrement édifié ; que le recours gracieux présenté par la SCI FEUILLE DE MIEL, le 8 janvier 2015, à l'encontre de ce refus de permis a été rejeté par décision du 16 février 2015 ; que, par jugement n° 1503365 du 10 décembre 2015, dont la SCI FEUILLE DE MIEL relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la SCI FEUILLE DE MIEL reprend à l'identique, en cause d'appel, le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de lui demander, par application des articles R. 423-22 et 423-38 du code de l'urbanisme, de produire les pièces complémentaires justifiant que le projet constituait bien une reconstruction à l'identique d'un bâtiment régulièrement édifié, avant de statuer sur sa demande de permis, le maire de La Courneuve aurait entaché sa décision de refus d'un vice de procédure ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur, dans un souci d'équité et de sécurité juridique, a entendu reconnaître au propriétaire d'un bâtiment détruit ou démoli le droit de procéder à la reconstruction à l'identique de celui-ci dès lors qu'il avait été régulièrement édifié, ce qui est notamment le cas lorsqu'il avait été autorisé par un permis de construire ou qu'il avait été édifié avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 1943 susvisée, à une date à laquelle le droit de construire n'était pas subordonné à l'obtention d'une autorisation expresse ; qu'en revanche, les bâtiments construits sans autorisation ou en méconnaissance de celle-ci, ainsi que ceux édifiés sur le fondement d'une autorisation annulée par le juge administratif ou retirée par l'administration, doivent être regardés comme n'ayant pas été régulièrement édifiés ;

4. Considérant qu'il ressort des explications et pièces fournies par les parties que le bâtiment, détruit le 16 février 2012, dont la SCI FEUILLE DE MIEL projetait la reconstruction a été édifié entre 1949, année à partir de laquelle il apparaît sur les photographies aériennes consultées par la commune de La Courneuve, et 1952, année au cours de laquelle son existence a été reportée sur les plans cadastraux versés aux débats ; que, compte tenu de l'époque de sa construction, celle-ci était ainsi subordonnée à la délivrance d'une autorisation, ce que ne conteste d'ailleurs pas la requérante ; que, toutefois, la SCI FEUILLE DE MIEL ne produit aucun élément permettant de justifier que le bâtiment en cause aurait, à l'époque, été autorisé par un permis de construire, dont l'existence n'a pu davantage être établie, malgré les recherches diligentées dans ses archives, par la commune de La Courneuve ; que, dans ces conditions, ce bâtiment ne peut être regardé comme ayant, avant sa destruction, été régulièrement édifié, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ; que le maire de La Courneuve a, dès lors, pu légalement rejeter, pour ce motif, la demande de permis de construire déposée par la requérante ; qu'enfin, ce motif suffisant à justifier légalement ledit refus, le moyen tiré de ce que le maire aurait à tort opposé, de manière surabondante, que la construction projetée n'était pas non plus identique au bâtiment détruit demeure sans incidence en l'espèce ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international./ Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " ; que si ces stipulations ne font pas obstacle à l'édiction, par l'autorité compétente, d'une réglementation de l'usage des biens, dans un but d'intérêt général, ayant pour effet d'affecter les conditions d'exercice du droit de propriété, il appartient au juge, pour apprécier la conformité aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'une décision individuelle prise sur la base d'une telle réglementation, d'une part de tenir compte de l'ensemble de ses effets juridiques, d'autre part, et en fonction des circonstances concrètes de l'espèce, d'apprécier s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les limitations constatées à l'exercice du droit de propriété et les exigences d'intérêt général qui sont à l'origine de cette décision ;

6. Considérant qu'en subordonnant la délivrance du permis de reconstruire un bâtiment détruit à la condition, notamment, que celui-ci ait été régulièrement édifié, les dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme visent à faire obstacle au renouvellement de constructions qui, réalisées sans autorisation ou en méconnaissance de celle-ci, ne respectent pas la réglementation d'urbanisme ; qu'eu égard à cet objectif d'intérêt général, le maire de La Courneuve, en sollicitant de la SCI FEUILLE DE MIEL qu'elle justifie, conformément auxdites dispositions, que le bâtiment qu'elle envisageait de reconstruire avait été régulièrement édifié, puis en rejetant sa demande de permis au motif que cette preuve n'avait pas été rapportée, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de ses biens ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la condition suivant laquelle la délivrance d'un permis de reconstruire à l'identique un bâtiment détruit est subordonnée à la justification de ce que celui-ci avait été régulièrement édifié procède des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ; que la SCI FEUILLE DE MIEL n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cette exigence méconnaîtrait celles découlant du principe général du droit, de valeur infra-législative, de sécurité juridique ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI FEUILLE DE MIEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de La Courneuve, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à la SCI FEUILLE DE MIEL d'une somme en remboursement des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI FEUILLE DE MIEL le versement à la commune de La Courneuve d'une somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI FEUILLE DE MIEL est rejetée.

Article 2 : La SCI FEUILLE DE MIEL versera à la commune de La Courneuve une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE00379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00379
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CHARLES SIRAT ET AUTRES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-09-28;16ve00379 ?
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