La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2017 | FRANCE | N°16VE02436

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 septembre 2017, 16VE02436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE GENERALE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sauf à surseoir à statuer, de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant, d'une part, de la mise en demeure valant commandement de payer du 4 décembre 2013 qui lui a été notifiée en vue du recouvrement de la somme de 8 054 633 euros, correspondant à la restitution d'une somme précédemment remboursée au titre d'une créance de précompte de la société Rhodia, assortie des intérêts moratoires et, d'autre part, de

la saisie-attribution du 7 juillet 2014 effectuée en vue du recouvrement de la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE GENERALE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sauf à surseoir à statuer, de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant, d'une part, de la mise en demeure valant commandement de payer du 4 décembre 2013 qui lui a été notifiée en vue du recouvrement de la somme de 8 054 633 euros, correspondant à la restitution d'une somme précédemment remboursée au titre d'une créance de précompte de la société Rhodia, assortie des intérêts moratoires et, d'autre part, de la saisie-attribution du 7 juillet 2014 effectuée en vue du recouvrement de la somme de 8 054 633 euros susmentionnée ;

Par un jugement n° 1404020-1411670 du 21 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2016 et 9 mars 2017, la SOCIETE GENERALE, représentée par Mes Dauchez et Gaulier, avocats, demande à la Cour :

In limine litis :

1° de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des plaintes en manquement déposées devant la Commission européenne à l'encontre de l'État français à la suite de la décision du Conseil d'État du 10 décembre 2012 ;

2° de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de trois questions préjudicielles relatives à la conformité avec le droit de l'Union de la solution dégagée par le Conseil d'État dans son arrêt du 12 décembre 2012 ;

A titre principal :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter sa demande comme présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

3° à défaut, de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la saisie-attribution du 7 juillet 2014 effectuée en vue du recouvrement de la somme de 8 054 633 euros.

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 30 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOCIETE GENERALE soutient que :

- la méthode servant au calcul du précompte à restituer retenue par le Conseil d'État dans ses décisions du 10 décembre 2012 est contraire au droit communautaire de sorte qu'elle est fondée à contester l'obligation de payer les sommes déterminées au moyen de cette méthode, qui ne manquera pas d'être censurée par la Cour de justice de l'Union européenne ; il est donc de bonne administration que la Cour décide soit de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des plaintes en manquement déposées par elle devant la Commission européenne, soit de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles relatives à la conformité avec le droit de l'Union de la solution dégagée par le Conseil d'État ;

- en tant que cessionnaire, par voie de bordereau " Dailly " de la créance de précompte de la société Rhodia, elle n'est ni redevable ni débiteur solidaire de l'impôt ; ainsi, la créance de répétition de l'indu que le Trésor public prétend recouvrer n'a pas le caractère d'une créance fiscale mais d'une créance civile, ainsi d'ailleurs que l'atteste la référence à l'article 1377 du code civil dans l'avis de mise en recouvrement ; par suite, le contentieux du recouvrement relève des juridictions judiciaires, le jugement du 31 juillet 2014 du Tribunal de commerce de Paris étant sans incidence à ce égard ;

- l'action en recouvrement ne pouvait être diligentée qu'à l'encontre de la société Rhodia, seule redevable légale, par les voies prévues aux articles L. 258 A et suivants du livre des procédures fiscales ; en effet, la créance d'impôt née au profit du service à l'encontre de la société Rhodia en conséquence de la décision du Conseil d'État du 10 décembre 2012 n'affecte pas la créance de restitution acquise à la suite du dégrèvement du premier titre de créance fiscale le 18 janvier 2007 ; en outre, l'action en répétition de l'indu revêt, en matière fiscale, un caractère subsidiaire ;

- l'émission de deux avis de mise en recouvrement pour le recouvrement du même impôt constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- le 2. de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales ne peut servir de fondement légal au recouvrement de créances non fiscales auprès d'un tiers à l'impôt de sorte que la saisie-attribution, consécutive à l'avis de mise en recouvrement, est irrégulière.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 317074 du 10 décembre 2012 ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ Société Rhodia.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me Marouby, avocat de la SOCIETE GENERALE.

1. Considérant que la société Rhodia a perçu en 2000 et 2001 des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres États membres de la Communauté européenne devenue Union européenne ; que, lors de la redistribution de ces dividendes, elle a acquitté, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 146 et des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts, un précompte s'élevant au titre des années 2000 et 2001 respectivement à 358 461 euros et 13 759 427 euros ; que, par réclamation en date du 8 juillet 2003, la société a demandé le remboursement de ce précompte en se prévalant de l'incompatibilité de ces dispositions du code général des impôts avec le droit communautaire ; qu'après le rejet de cette réclamation le 1er juillet 2004, la société a saisi le Tribunal administratif de Versailles ; qu'en vertu des articles L. 313-23 et suivants du code civil, elle a cédé, le 1er février 2006, en cours d'instance, à la SOCIETE GENERALE, sa créance sur le Trésor Public correspondant à sa demande de restitution du précompte ; que, par jugement n° 0404552 du 21 décembre 2006, confirmé par un arrêt du 20 mai 2008 de la Cour administrative d'appel de Versailles, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté comme irrecevables ses conclusions relatives à l'année 2000, en raison de la tardiveté de sa réclamation contentieuse, mais a fait droit à sa demande relative à l'année 2001 et a ainsi ordonné la restitution de l'intégralité du précompte versé au titre de ladite année ; qu'après avoir annulé l'arrêt de la Cour et saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, le Conseil d'État, par une décision n° 317074 du 10 décembre 2012, a réformé le jugement mentionné ci-dessus du Tribunal administratif de Versailles et a remis à la charge de la société Rhodia la somme de 6 674 760 euros tout en précisant que, pour l'exécution de cette décision, il devra être tenu compte de ce que la société Rhodia a cédé sa créance fiscale sur le Trésor public, relative à la restitution du précompte dû pour l'année 2001 à la Société Générale ; que l'administration a entrepris de recouvrer cette somme auprès tant de la société Rhodia que de la SOCIETE GENERALE au nom de laquelle elle a émis, le 11 octobre 2013, un avis de mise en recouvrement d'un montant de 8 054 633 euros correspondant au montant du précompte indûment restitué assorti des intérêts moratoires ; que cet acte a été suivi, d'abord par une mise en demeure valant commandement de payer en date du 4 décembre 2013 puis d'une saisie-attribution entre les mains du service des impôts des entreprises de Mans-Ouest dénoncée à la SOCIETE GENERALE le 11 juillet 2014 ; que cette dernière relève appel du jugement du 21 juin 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant que par ce jugement, le Tribunal, après avoir refusé de surseoir à statuer, a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 8 054 633 euros visée par ladite saisie-attribution ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : "Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 281 du même code : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : /1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; /2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 " ;

3. Considérant qu'il est constant que la SOCIETE GENERALE a reçu, en tant que cessionnaire, dans le cadre de la loi dite Dailly, de la créance de précompte, la somme résultant de la restitution prononcée par le jugement du 21 décembre 2006 et dont une fraction lui a été réclamée en conséquence de la décision du 10 décembre 2012, par laquelle, ainsi qu'il a été dit, le Conseil d'État a remis à la charge de la société Rhodia la somme de de 6 674 760 euros en soulignant, en vue de l'exécution de cette décision qu'il devra être tenu compte de la cession de créance fiscale intervenue au profit de la SOCIETE GENERALE ; que l'action engagée par le Trésor public à l'encontre de la banque cessionnaire porte ainsi sur une créance de nature fiscale et non sur une créance devenue civile du fait de la cession intervenue, peu important que la SOCIETE GENERALE ne soit ni redevable ni même débiteur solidaire du précompte ; que, par suite, et ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 13 octobre 2016, l'opposition formée le 4 août 2014 à l'encontre de la saisie-attribution contestée en vue du recouvrement d'un indu fiscal, relève, en tant qu'elle porte sur l'obligation de payer et le montant de la dette, de la compétence du juge de l'impôt qui est, en l'espèce, le juge administratif ; que sont, en tout état de cause sans incidence à cet égard, les mentions portées sur l'avis de mise en recouvrement et, en particulier, celles relatives à l'article 1377 du code civil, dès lors qu'elles ne sauraient valablement primer sur les règles, d'ordre public, régissant la compétence respective des ordres de juridiction ; que, par suite, le tribunal a pu, sans méconnaître les limites de la compétence de la juridiction administrative, statuer sur les conclusions dont il était saisi ;

Sur les conclusions tendant au sursis à statuer ou à la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne :

4. Considérant que la SOCIETE GENERALE soutient que la décision du Conseil d'État du 10 décembre 2012, à raison de laquelle lui est réclamée la somme en litige, méconnaît les stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ce qui pourrait conduire à une condamnation en manquement de l'État français ; que, toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient ce moyen se rattache non à son obligation de payer mais au bien-fondé de l'imposition ; que, par suite, il ne saurait être utilement invoqué au soutien d'une contestation en recouvrement introduite sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées comme dépourvues de portée utile dans le présent litige, les conclusions présentées in limine litis par l'appelante et tendant à ce que la Cour sursoie à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'infraction engagée par Commission européenne à l'encontre de l'État français à la suite de la décision du Conseil d'État du 10 décembre 2012 ou saisisse la Cour de justice de l'Union européenne de plusieurs questions préjudicielles relatives à la conformité avec le droit de l'Union de la solution dégagée par cette décision ;

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision du Conseil d'État du 10 décembre 2012 n'a eu ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge de la société Rhodia une nouvelle imposition, mais seulement de rétablir une fraction de l'imposition initialement déchargée par le tribunal administratif ; que l'administration était donc en droit de réclamer à la banque elle-même cette fraction du précompte, qu'elle avait été auparavant tenue de lui verser en totalité en conséquence de la cession de créance consentie par la société Rhodia ; qu'au demeurant, outre la réserve formulée par le Conseil d'État s'agissant de l'exécution de sa décision, il résulte de l'instruction que, par jugement du 31 juillet 2014, opposable à l'administration - l'appel formé par la SOCIETE GENERALE ayant été déclaré caduc à l'encontre du comptable public par la Cour d'appel de Paris -, le Tribunal de commerce de Paris a, accueillant la demande de la société Rhodia, confirmé qu'il incombait à la SOCIETE GENERALE de payer au Trésor Public la somme réclamée de 8 064 633 euros ; que, par suite, cette dernière ne saurait soutenir que la créance en litige serait distincte de celle acquise par voie de cession, de sorte que le service ne pouvait en poursuivre le recouvrement qu'à l'encontre de son redevable légal ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la saisie-attribution en litige tend au recouvrement d'une somme de nature fiscale indûment payée à la SOCIETE GENERALE ; qu'en application des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, qui vise le restitution de sommes indûment versées par l'État, celle-ci pouvait ainsi faire régulièrement l'objet d'un avis de mise en recouvrement ; qu'en tout état de cause, la décision du Conseil d'État du 10 décembre 2012 remettant l'imposition litigieuse à la charge de la société Rhodia et précisant, pour son exécution, qu'il sera tenu compte de ce que celle-ci a cédé sa créance fiscale sur le Trésor public à la SOCIETE GENERALE, constituait, par elle-même, un titre exécutoire habilitant l'administration à procéder à son recouvrement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration était dépourvue d'un tel titre, régulièrement émis, manque en fait ;

7. Considérant, enfin, que la circonstance que l'administration aurait commis une faute en émettant deux avis de mise en recouvrement, l'un au nom de la requérante et l'autre au nom de la société Rhodia, est sans incidence sur l'obligation de payer mise à la charge de la SOCIETE GENERALE ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GENERALE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE GENERALE est rejetée.

4

N° 16VE02436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02436
Date de la décision : 19/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-09-19;16ve02436 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award