La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2017 | FRANCE | N°17VE00676

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 20 juillet 2017, 17VE00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2016 par lequel le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1608878 du 2 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er, 19 mars et 20 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2016 par lequel le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1608878 du 2 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er, 19 mars et 20 juin 2017, M. B... représenté par Me Boda, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- la compétence de l'auteur de la décision n'est pas démontrée ;

- la décision est insuffisamment motivée s'agissant des risques encourus ;

- elle est entachée de deux erreurs de fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les articles 3-1 et 9 de la convention internationale de sauvegarde des droits de l'enfant ;

- la décision méconnaît la loi pénale dès lors qu'elle l'a empêché de se rendre à une convocation du tribunal correctionnel ;

- elle méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe constitutionnel des droits de la défense ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- la compétence de l'auteur de la décision n'est pas démontrée ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la compétence de l'auteur de la décision n'est pas démontrée ;

- la décision est insuffisamment motivée s'agissant des risques encourus ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision méconnaît la loi pénale dès lors qu'elle l'a empêché de se rendre à une convocation du tribunal correctionnel ;

- elle méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe constitutionnel des droits de la défense ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la compétence de l'auteur de la décision n'est pas démontrée ;

- la décision est insuffisamment motivée s'agissant des risque encourus ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée et injustifiée à sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- il peut se prévaloir de motifs humanitaires.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rollet-Perraud,

- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,

- et les observations de Me Boda, pour M.B....

1. Considérant que M. B..., ressortissant ukrainien, né le 8 novembre 1991, a fait l'objet le 28 décembre 2016 d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire de deux ans ; que par un jugement du 2 janvier 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; que M. B... fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, que le Tribunal administratif de Versailles a répondu au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué en indiquant que par un arrêté du 28 novembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet des Yvelines a donné au signataire de l'arrêté attaqué, délégation aux fins de signer les décisions contenues dans cet arrêté ; que, dès lors le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier en raison d'une insuffisante motivation sur ce point ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, d'autre part, que M. B... soutient que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions au regard des risques encourus ; que, toutefois l'argumentation ainsi soulevée par le requérant constitue non pas un moyen mais un simple argument, auquel le tribunal n'était pas tenu de répondre, à l'appui du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de chacune des décisions ;

4. Considérant enfin que si M. B... reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu aux moyens tirés de ce qu'il ne disposerait que d'un passeport et de ce que le préfet n'aurait pas fait un examen particulier de sa situation personnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a soulevé aucun de ces moyens en première instance ;

Sur le moyen commun aux différentes décisions contestées :

5. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que par un arrêté du 28 novembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet des Yvelines a donné au signataire de l'arrêté litigieux, délégation laquelle n'était pas limitée au cas d'absence ou d'empêchement du préfet, aux fins de signer les décisions contenues dans les arrêtés attaqués ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

6. Considérant que M. B... soutient que la décision litigieuse est insuffisamment motivée au regard des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine et que ce défaut de motivation est lié à la circonstance que le préfet ne l'a pas interrogé sur l'existence de tels risques lors de son audition par les forces de police ; qu'il ressort toutefois du procès-verbal d'audition en retenue du 28 décembre 2016, qu'à la question " Etes-vous persécuté dans votre pays d'origine ' " le requérant a répondu " Non je ne suis pas persécuté mais les autorités de mon pays cherchent à m'enrôler pour la guerre " ; que, par suite, le préfet n'avait pas à motiver sa décision sur ce point, décision qui par ailleurs est suffisamment motivée en fait et en droit ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. B... n'a pas fait état des risques qu'il encourrait en cas de retour en Ukraine lors de son audition alors que la question lui avait été posée ; que, par ailleurs, si l'arrêté précise que M. B... a été initialement contrôlé par les services de gendarmerie dans le cadre d'une procédure de poursuite pour travail dissimulé, lors de laquelle il s'est déclaré de nationalité ukraino-roumaine, le préfet a indiqué que l'intéressé était de nationalité ukrainienne ; qu'à supposer même que M. B... ne se serait pas livré à de telles déclarations, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas pris la même décision ; que par suite, le moyen tiré de l'existence d'erreurs de fait doit, en tout état de cause, être écarté ;

8. Considérant que le requérant n'ayant pas fait état, lors de son audition par les forces de police, de risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, il ne saurait être reproché au préfet un défaut d'examen sur ce point ;

9. Considérant que M. B... soutient que lors de son audition par les forces de police, il n'a pas été informé de ses droits, en particulier de son droit à l'assistance d'un avocat et d'un interprète en méconnaissance des dispositions des articles 77 et 61-1 du code de procédure pénale ; que toutefois ces circonstances sont sans incidence sur la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision litigieuse a été prise ;

10. Considérant que le requérant soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance" ; que si M. B... est entré en France au printemps 2011, il est reparti en Ukraine au mois de mai 2013 puis revenu en France en septembre 2013 ; qu'en outre, son épouse de nationalité ukrainienne qui réside en France, ainsi que leurs deux jeunes enfants, sont également en situation irrégulière ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale qui peut se reconstituer en Ukraine, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant que, comme il a été indiqué ci-dessus, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale de M. B...se reconstitue en Ukraine ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit par conséquent être écarté ;

13. Considérant que la décision attaquée ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que M. B...se fasse représenter par un conseil lors de l'audience pénale dont il allègue devoir faire l'objet ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaît son droit à un procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes des stipulations de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

16. Considérant qu'à supposer même que l'audition de M. B... par les services de police aurait été irrégulière, l'intéressé n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il serait personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine auxquels ne saurait être assimilée l'obligation de servir dans l'armée ukrainienne en tant que telle ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté ;

17. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 77 et 61-1 du code de procédure pénale doit être écarté ;

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;

19. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, le requérant n'ayant pas fait état, lors de son audition par les forces de police, de risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, il ne saurait être reproché au préfet une insuffisance de motivation de la décision litigieuse et un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé sur ce point ;

20. Considérant que si M. B...soutient que la décision contestée l'a empêché de comparaître devant le juge pénal, il disposait de la possibilité de se faire représenter par un conseil ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaît la loi pénale et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe constitutionnel des droits de la défense ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;

22. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, le requérant n'ayant pas fait état, lors de son audition par les forces de police, de risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, il ne saurait être reproché au préfet une insuffisance de motivation de la décision litigieuse sur ce point ;

23. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'est pas mentionné dans la décision litigieuse que M. B...disposerait de deux passeports ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté serait entaché d'erreur de fait ;

24. Considérant que pour les mêmes motifs qu'indiqués précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 77 et 61-1 du code de procédure pénale doit être écarté ;

25. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " ;

26. Considérant que M. B...fait valoir sa situation en France, l'absence de toute menace pour l'ordre public, sa vie stable avec sa femme et ses deux filles, et les motifs humanitaires tenant à l'impossibilité pour lui de retourner dans son pays et de voir sa famille l'y rejoindre ; que toutefois, compte tenu des motifs énoncés aux points 11 et 16, ces circonstances ne constituent pas des motifs humanitaires justifiant que l'administration ne prononce pas d'interdiction de retour ;

27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que doivent également être rejetées, en conséquence, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

2

N° 17VE00676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00676
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMPOY
Rapporteur ?: Mme Claire ROLLET-PERRAUD
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : BODA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-20;17ve00676 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award