Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 4 mai 2016 du PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1606059 du 16 novembre 2016, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande ;
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal, pour annuler son arrêté du 4 mai 2016, a retenu une méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il résulte, en effet, d'un faisceau d'indices que la reconnaissance de paternité faite par M.A..., ressortissant français, au bénéfice de l'enfant de MmeD..., avec laquelle il n'a jamais vécu et qui faisait suite à quatre autres reconnaissances de paternité d'enfants de ressortissantes étrangères ayant obtenu de ce fait un titre de séjour en qualité de mères d'enfants français, était frauduleuse car faite dans le seul but de permettre la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée ;
- la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'incompétence ;
- elle est motivée en fait et en droit ;
- elle ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le 7° de l'article L. 313-11 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français repose légalement sur la décision de refus de titre de séjour, dont l'illégalité n'est pas établie ;
- cette décision ne méconnaît par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'a pas été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, MmeD..., représentée par Me de Metz, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'État, à verser à son conseil, qui renoncera alors au versement de l'aide juridictionnelle, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bergeret a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE relève appel du jugement du 16 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 4 mai 2016 refusant à Mme D...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;
Sur les conclusions de la requête du PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français " ; que l'article 316 de ce même code dispose : " (...) La filiation (...) est (...) établie (...) par une reconnaissance de paternité (...) faite avant ou après la naissance. La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. Elle est faite (...) par acte reçu par l'officier d'état-civil (...) L'acte comporte les énonciations prévues à l'article 62 et la mention que l'auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi " ; qu'aux termes de l'article 336 de ce code : " La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi " ;
3. Considérant que si, comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., ressortissante camerounaise née le 4 décembre 1994, entrée en France en janvier 2013 depuis l'Espagne où elle vivait avec sa mère et sa fratrie, est la mère d'un enfant né en France le 21 août 2014 ; que M. B..., Odo, JeanA..., de nationalité française, avait reconnu cet enfant dans les formes requises par l'article 316 du code civil, dès le 13 mars 2014 ; que le PRÉFET DES
HAUTS-DE-SEINE, par son arrêté précité du 4 mai 2016, a néanmoins rejeté la demande de titre de séjour formée par Mme D...le 2 janvier 2015 sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il résultait d'un faisceau d'indices concordant que la reconnaissance de paternité faite par M. A...avait eu pour seul but de permettre la délivrance d'un titre de séjour à MmeD..., en qualité de parent d'enfant français, et revêtait ainsi un caractère frauduleux la rendant inopposable aux tiers ;
5. Considérant que s'il est constant que Mme D...ne justifie pas d'une vie commune, actuelle ou passée, avec M.A..., elle a déclaré sur procès-verbal d'audition que, contrairement à ce qu'indique l'arrêté contesté, ce dernier entretient un lien affectif, même distant, avec son enfant, et participe, par des visites régulières et des aides matérielles et financières ponctuelles, à son entretien et son éducation ; qu'aucun élément du dossier ne vient remettre en cause la réalité de ces affirmations ; que s'il résulte, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A...avait antérieurement reconnu quatre autres enfants, nés en 2004, 2005, 2007 et 2013 de quatre mères de nationalité ivoirienne, qui, selon les affirmations du PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE, auraient obtenu par ce moyen la régularisation de leur séjour en France, ces circonstances, qui ne remettent pas en cause, en l'état, la réalité de la paternité de l'enfant de Mme D...telle que déclarée par M.A..., n'établissent pas formellement que cette dernière déclaration de paternité aurait été faite dans le but de permettre la régularisation du séjour de MmeD... ; que le rapport de police produit par le préfet qui fait état de rapports minimaux entre le père et l'enfant ne conteste pas l'existence de quelques relations ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges, après avoir relevé qu'une suspicion de fraude était fondée, ont relevé que le PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE, à qui la preuve de l'existence d'une telle fraude incombe, ne l'établissait pas, et que, par suite, il avait méconnu le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre de séjour de Mme D...et en l'obligeant à quitter le territoire français ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PRÉFET DES
HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 4 mai 2016 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me de Metz, avocat de MmeD..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me de Metz de la somme de 1 200 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me de Metz une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que
Me de Metz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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N° 16VE03674