La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2017 | FRANCE | N°16VE02758

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 20 juillet 2017, 16VE02758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SOCIETE GENERALE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des intérêts de retard y afférents.

Par un jugement n° 1508761 du 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés le 23 août 2016, le 3 janvier 2017 et le

21 avril 2017, la SA SOCIETE GENERALE, représentée par Me B... et Me A..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SOCIETE GENERALE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des intérêts de retard y afférents.

Par un jugement n° 1508761 du 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés le 23 août 2016, le 3 janvier 2017 et le 21 avril 2017, la SA SOCIETE GENERALE, représentée par Me B... et Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de la décharger des impositions litigieuses et des intérêts y afférents ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SA SOCIETE GENERALE soutient que :

- en motivant son rejet par le fait que les frais d'avis à tiers détenteur facturés par la banque à son client doivent être considérés comme la rémunération d'une prestation de service de la banque à son client, le tribunal a entaché son jugement d'une irrégularité en tant qu'il procède à une substitution de motivation et de qualification juridique des faits qui n'ont pas été demandées par l'administration ;

- la somme perçue par la banque des clients dont les comptes font l'objet d'un avis à tiers détenteur (ATD) ne constitue pas la rémunération d'une prestation de services rendue ni au Trésor public, ni au détenteur du compte et n'est donc pas imposable à la TVA ; il n'existe, du fait des actes réalisés par la banque saisie d'un ATD, aucun rapport juridique caractérisant l'existence d'une prestation de services ni aucune consommation par un tiers d'un tel service ; bien qu'un montant forfaitaire soit prélevé du fait de l'ouverture d'un dossier d'ATD et dès sa réception par la banque, il n'existe pas de lien entre la somme prélevée auprès du client et un service qui lui serait rendu ; les diligences que la banque est tenue d'exécuter lorsqu'elle se voit notifier un ATD sont propres aux établissements teneurs de comptes saisis d'un ATD et ne concernent pas les tiers saisis ; l'émission de l'ATD constitue, vis-à-vis du Trésor public, un acte unilatéral de recouvrement ayant pour effet immédiat de faire de la banque le débiteur de ce dernier, le paiement de sa dette par la banque ne pouvant constituer une quelconque prestation de services ; aucun rapport synallagmatique n'existe ni avec le client, ni avec le Trésor public puisque le dispositif n'institue pas une relation entre un prestataire qui serait la banque et un bénéficiaire qui serait le titulaire du compte ou le Trésor, au titre de laquelle des prestations réciproques seraient échangées ;

- les actes réalisés par la banque ne caractérisent pas une prestation de recouvrement de créances qui suppose l'existence d'une relation tripartite entre un créancier, un débiteur et un tiers mandaté par le créancier pour obtenir le paiement de sa créance par le débiteur ; si la banque agissait au profit de son client, cela exclurait qu'elle puisse lui rendre une prestation de recouvrement de créances dès lors que le détenteur de compte n'est pas le créancier mais le débiteur dans l'acte de recouvrement que constitue l'avis à tiers détenteur et qu'il perd d'ailleurs sa qualité de créancier des sommes en compte à l'égard de la banque en raison de l'effet d'attribution immédiate de la créance qu'il détient entre les mains du Trésor public ; la banque n'agit pas davantage pour le compte du Trésor public comme le soutient l'administration en l'absence d'un mandat donné par le Trésor public pour recouvrer pour son compte la créance qu'il détient sur son débiteur ;

- la somme mise à la charge du détenteur de compte ne constitue pas la contrepartie d'une quelconque prestation de services mais la réparation du préjudice subi par la banque du fait de la procédure d'exécution dont elle supporte les coûts de mise en oeuvre ; cette somme se justifie uniquement par les coûts que supporte la banque saisie d'un ATD et n'a pas de lien avec une prestation de services ; conformément à la réglementation bancaire en vigueur, le client est informé dès l'ouverture de compte de ce que l'ouverture d'un dossier pour traitement d'un avis à tiers détenteur rend immédiatement exigible une somme forfaitaire dont le montant est dûment répertorié dans la rubrique " incidents de fonctionnement nécessitant un traitement particulier " ; cette somme est prélevée automatiquement sur le compte du client à réception de l'ATD et reste due quelle que soit l'issue des actes diligentés par la banque, comme le prévoit la tarification générale qui ne comporte aucune clause exonératoire, ni de reversement ; la somme réclamée au client détenteur de comptes trouve ainsi sa cause dans le coût des démarches que la banque est tenue d'engager du fait de l'ATD ; cette somme, déterminée de façon forfaitaire, n'a pas d'autre objet que celui d'indemniser le préjudice subi par la banque du fait des moyens qu'elle doit mobiliser pour le suivi des comptes saisis, l'information qu'elle doit communiquer au Trésor et le paiement de la somme dont elle se trouve redevable, qui excèdent les moyens mis en oeuvre pour le fonctionnement usuel des comptes ouverts au nom du client ;

- à supposer même que la somme perçue par la banque des clients dont les comptes font l'objet d'un avis à tiers détenteur constitue la contrepartie d'une prestation de services rendue à ce client et consistant en la gestion de son compte, cette prestation de services est exonérée sur le fondement des dispositions du c) du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ; l'ensemble des tâches effectuées par la banque lorsqu'elle reçoit un avis à tiers détenteur a pour seul objectif, après les vérifications et précautions imposées par la loi, d'effectuer le paiement des sommes dues par le client au Trésor public ; la circonstance que ce service de paiement soit rendu non à l'initiative du client mais du fait de l'acte de recouvrement émis par le Trésor public ne modifie pas la nature du service rendu par la banque à son client ; ce qui distingue les deux situations est que, dans la première, l'opération relève des opérations de paiement courantes réalisées pour le compte de client qui ne donnent habituellement pas lieu à une rémunération spécifique tandis que, dans la seconde, la banque réclame une rémunération spécifique justifiée par les tâches supplémentaires que lui imposent le paiement lorsqu'il est effectué dans le cadre du traitement d'un ATD ;

- elle entend se prévaloir sur ce dernier point de la doctrine exprimée dans les paragraphes n°7 à 9 de la documentation administrative 3 L 511 à jour au 10 mai 1996.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Campoy,

- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SA SOCIETE GENERALE.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme (SA) SOCIETE GENERALE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que les frais facturés par la banque à ceux de ses clients faisant l'objet d'un avis à tiers détenteur (ATD) ne relevaient pas de l'exonération de TVA prévue pour les opérations bancaires et financières par les dispositions du 1° de l'article 261 C du code général des impôts dès lors que les opérations accomplies à cette occasion se rapportaient à des opérations de recouvrement de créances pour le compte du Trésor public en vertu d'une prérogative de puissance publique ; qu'elle a, en conséquence, rappelé la TVA sur ces frais pour l'ensemble de la période considérée ; que la SA SOCIETE GENERALE relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de TVA résultant de ce chef de rectification ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort de la demande de première instance de la SA SOCIETE GENERALE que cette dernière a expressément soutenu que les frais liés aux avis à tiers détenteur portant sur les comptes de ses clients ne constituaient pas la rémunération d'une prestation de service rendue à ces client, mais la réparation du préjudice subi par la banque du fait de la procédure d'exécution dont elle supporte les coûts de mise en oeuvre ; qu'ainsi, en se fondant pour rejeter la demande sur la circonstance que les frais d'avis à tiers détenteur facturés par la banque à son client devaient être considérés comme la rémunération d'une prestation de service de la banque à son client, consistant en la gestion de son compte et entrant, à ce titre, dans le champ d'application de l'article 256 du code général des impôts, le tribunal s'est borné à répondre à l'argument soulevé par la société requérante ; que la SA SOCIETE GENERALE n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, sur ce point, procédé d'office à une " substitution de motivation et de qualification juridique des faits " ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 3 du d) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE, reprises au d) du 1 de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, que les États membres exonèrent de TVA les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances ; qu'aux termes de l'article 261 C du code général des impôts qui transpose en droit national ces dispositions : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) c. Les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances (...). " ;

4. Considérant, en premier lieu, que les opérations auxquelles procède la banque lorsque le compte de l'un de ses clients fait l'objet d'un ATD, sont rémunérées par des frais prévus par la convention de compte conclue avec ce client et constituent l'un des éléments du prix de la prestation de tenue de compte facturée à ce dernier ; que ces frais ne visent pas à indemniser d'un quelconque préjudice la banque qui ne procède pas, à cette occasion, à des opérations fondamentalement différentes de celles qu'elle pratique dans ses activités ordinaires de tenue de compte, mais sont représentatifs d'un service rendu à son client sous la forme, notamment, d'opérations consistant à vérifier, au bénéfice de ce dernier, si le solde du compte permet le paiement total ou partiel de l'acte de poursuites, à procéder momentanément au blocage de ce solde ainsi qu'à calculer le solde effectivement disponible sur les comptes en fonction des opérations en cours et, à l'issue de cette procédure seulement, à effectuer le paiement requis auprès du Trésor public lorsque le solde du compte le permet ; que ces frais constituent, de la sorte, la contrepartie effective d'une prestation individualisable fourni dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées ; qu'ainsi, et alors même que les prestations au titre desquelles ces frais sont perçus ne constituent pas un service rémunéré rendu par la banque au Trésor public, elles entrent dans le champ de la législation relative à la TVA ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si le service rendu par la banque à ceux de ses clients faisant l'objet d'un ATD comprend éventuellement des paiements, il comporte, comme il a été dit au point précédent, diverses opérations visant notamment à vérifier le solde du compte saisi, à procéder au blocage de ce solde et à calculer le solde disponible en fonction des opérations en cours ; que le service rendu ne se limite donc pas à un simple transfert de fonds entre le compte du client et celui du Trésor public qui peut d'ailleurs parfaitement ne pas intervenir si l'approvisionnement du compte client est insuffisant, mais vise, quelle que soit l'issue de la procédure, à assurer le paiement d'une dette d'argent ; qu'il constitue, de ce fait, une mesure de recouvrement de créances au sens des dispositions précitées de l'article 261 C du code général des impôts ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, que les termes employés pour désigner les exonérations prévues au c. du 1° de l'article 261 C du code général des impôts sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque livraison de biens et chaque prestation de services effectuées à titre onéreux par un assujetti ; que la notion de " recouvrement de créances " en tant qu'exception à une disposition dérogatoire à l'application de la TVA, ayant pour effet que les opérations qu'elle vise sont soumises à la taxation qui constitue la règle de principe à la base de la directive européenne, doit ainsi recevoir une interprétation large ; que, par suite, et alors même que les opérations susmentionnées comprennent des paiements en principe exonérés de TVA, les frais d'ATD facturés par la société requérante à ses clients qui se rapportent aux diverses opérations mentionnées aux points 3 et 4, constituent une opération unique de recouvrement soumise à la TVA ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

7. Considérant, d'une part, que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la doctrine exprimée dans la documentation administrative 3 L 511 à jour au 10 mai 1996 qui, si elle indique que l'exonération de TVA " s'applique à toutes les opérations de quelque nature dès lors qu'elles concernent des dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance, des comptes courants, des créances, des effets de commerce, des bons de caisse, des chèques bancaires ou postaux. " précise, dans son alinéa précédent, que l'exonération à laquelle elle fait référence ne concerne que les opérations concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, " à l'exception du recouvrement de créances " conformément aux dispositions précitées du c. du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ;

8. Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait pas davantage revendiquer, sur le même fondement, le bénéfice des dispositions de la même documentation qui indique que " les diverses rémunérations afférentes aux opérations suivantes sont exonérées: commission de tenue de compte et de mouvement de compte, commission sur chèque certifié, commission sur chèque circulaire, commission sur chèque de banque, commission sur opposition à chèque, commission sur demande de chéquier spécial, commission sur virement, commission sur avis de prélèvement, commission forfaitaire d 'arrêté de compte, etc. ", dès lors que l'administration a, là encore, entendu réserver le bénéfice de cette exonération s'agissant des opérations de recouvrement ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA SOCIETE GENERALE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA SOCIETE GENERALE est rejetée.

2

N° 16VE02758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02758
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMPOY
Rapporteur ?: M. Luc CAMPOY
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-20;16ve02758 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award