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06/06/2017 | FRANCE | N°17VE00579

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 06 juin 2017, 17VE00579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2015 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la perquisition de son domicile et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices en ayant résulté.

Par un jugement n° 1600681 du 22 décembre 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2017, M. A..., représenté par Me Maa

ti, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2015 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la perquisition de son domicile et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices en ayant résulté.

Par un jugement n° 1600681 du 22 décembre 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2017, M. A..., représenté par Me Maati, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine

du 24 novembre 2015 ;

3° de condamner l'Etat à lui verser une somme de 13 960 euros en réparation des préjudices subis, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2016 et de la capitalisation de ces intérêts ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de justifier avoir informé le procureur de la République de l'ordre de perquisition, avoir exécuté celle-ci en présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent et avoir établi un compte-rendu communiqué au procureur de la République, dans le délai et sous astreinte d'un montant fixés par la Cour.

M. A... soutient que :

- le préfet des Hauts-de-Seine a entaché son arrêté d'erreur d'appréciation en estimant qu'il existait des raisons sérieuses de penser que son comportement constituait une menace pour la sécurité et l'ordre public ;

- les choix d'effectuer la perquisition de nuit malgré la présence d'enfants et de menotter M. A...constituent des fautes engageant la responsabilité de l'Etat ; l'heure de perquisition méconnaît les stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il a subi un préjudice moral à hauteur de 10 000 euros et un préjudice matériel à hauteur de 3 960 euros.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guibé,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me Maati pour M.A....

Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 24 novembre 2015 :

1. Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République " soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique " ; que selon l'article 2 de la même loi, l'état d'urgence est déclaré par décret en conseil des ministres ; que sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi ; qu'aux termes de l'article 11 de cette loi, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 : " Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics " ; que l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain, l'article 2 de ce décret conférant à l'autorité administrative le pouvoir d'ordonner des perquisitions sur le fondement de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ;

2. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté du 24 novembre 2015 que le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la perquisition du domicile de M. A...aux motifs que celui-ci aurait effectué du prosélytisme religieux au Kosovo, qu'il fréquente les milieux religieux radicaux et prône une application littérale de la charia et qu'il ne s'était pas rendu sur son lieu de travail depuis plusieurs jours sans justification ; qu'il ressort par ailleurs du rapport de perquisition administrative du 2 février 2016 qui, s'il est postérieur à l'arrêté attaqué, précise la nature des éléments dont disposait le préfet des Hauts-de-Seine à la date à laquelle la perquisition a été ordonnée, que les services de renseignements ont été alertés par un informateur en novembre 2015 de ce que M. A... " prônerait âprement autour de lui l'éthique de la charia et les " vraies valeurs " des préceptes islamiques " et qu'il " refuserait de serrer la main aux femmes " ; que ces services ont appris de l'employeur de l'intéressé que celui-ci avait réduit son temps de travail depuis le mois de juillet 2015 et qu'il ne s'était pas rendu sur son lieu de travail le 13 novembre 2015, jour des attentats commis à Paris et à Saint-Denis, ni les jours suivants, sans justifier de son absence ; que, devant la Cour, M. A...se borne à faire valoir qu'il n'a jamais été mis en examen ni en garde à vue pour des faits en relation avec une entreprise terroriste et que sa pratique de l'islam est " orthopraxe " mais pas radicale ; qu'il ne conteste pas la réalité de ses séjours au Kosovo ni son absence injustifiée de son lieu de travail au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 ; que, dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il existait des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. A...constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics ; qu'ainsi, la perquisition de son domicile était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2015 ;

Sur les conditions d'exécution de la perquisition :

3. Considérant que toute faute commise dans l'exécution des perquisitions ordonnées sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une demande en ce sens, d'apprécier si une faute a été commise dans l'exécution d'une perquisition, au vu de l'ensemble des éléments débattus devant lui, en tenant compte du comportement des personnes présentes au moment de la perquisition et des difficultés de l'action administrative dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence ; que les résultats de la perquisition sont par

eux-mêmes dépourvus d'incidence sur la caractérisation d'une faute ;

4. Considérant que M. A...soutient que le fait d'avoir procédé à la perquisition de son domicile de nuit malgré la présence d'enfants et celui de l'avoir menotté constituent des fautes engageant la responsabilité de l'Etat ; que, toutefois, il ressort du rapport de perquisition administrative du 2 février 2016 que celle-ci a été ordonnée en urgence dans le contexte qui a immédiatement suivi les attentats du 13 novembre 2015, au vu d'informations qui venaient d'être signalées aux services de renseignements faisant état de la radicalisation de l'intéressé et de son absence injustifiée de son lieu de travail depuis le 13 novembre 2015 ; qu'il ne pouvait être exclu que cette absence soit en relation avec les attentats commis à Paris et à Saint-Denis ; qu'ainsi, l'heure de la perquisition était, dans les circonstances de l'espèce, justifiée par l'urgence ; que, de même, la circonstance que M. A...ait été menotté au cours de la perquisition, qui n'est au demeurant pas établie, était justifiée par la nécessité d'assurer la sécurité des forces de l'ordre, compte tenu des informations dont elles disposaient quant au risque élevé de danger présenté par l'intéressé ; que, par ailleurs, l'heure de la perquisition n'est pas, à elle seule, de nature à établir que l'autorité administrative aurait insuffisamment pris en compte la situation des enfants mineurs de M. A... présents, sans avoir été inquiétés, au cours de l'opération ni, par suite, que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant auraient été méconnues ; qu'ainsi, aucune faute des services de police n'est établie dans l'exécution de la perquisition en cause ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

2

N° 17VE00579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00579
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-06-01 Police. Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police. État d'urgence.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Céline GUIBÉ
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : MAATI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-06;17ve00579 ?
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