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06/06/2017 | FRANCE | N°16VE03689

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 juin 2017, 16VE03689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des contributions exceptionnelles sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour une somme globale de 1 481 874 euros au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1505921 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à la demande de la société, a prononcé la décharge de ces impositions.

Procédure devan

t la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 décembre 2016 et le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des contributions exceptionnelles sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour une somme globale de 1 481 874 euros au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1505921 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à la demande de la société, a prononcé la décharge de ces impositions.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 décembre 2016 et le 15 mars 2017, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de remettre à la charge de la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH les impositions en litige.

Il soutient que :

- l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, en désignant comme redevable de la contribution exceptionnelle, les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, fait référence, non seulement aux sociétés françaises imposables en France, mais également aux sociétés étrangères redevables de cet impôt par l'intermédiaire de leur établissement stable ; il s'ensuit nécessairement que le chiffre d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation de ce seuil d'assujettissement est le chiffre d'affaires total de la société étrangère ;

- les dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts et l'article 4 de la convention franco-allemande du 21 juillet 1959 fixent les règles d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés selon le principe de territorialité au terme duquel seul le bénéfice réalisé en France, soit directement par une société, que celle-ci soit française ou étrangère, soit par l'intermédiaire de son établissement stable français, est imposable en France ; toutefois, ces dispositions et stipulations n'ont pas pour effet de faire obstacle à la prise en compte du chiffre d'affaires global réalisé par cette société pour l'appréciation du seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle ; à ce titre, les sociétés françaises sont soumises à la contribution exceptionnelle si et seulement si leur chiffre d'affaires global, en ce compris celui qu'elle réalise par l'intermédiaire de leurs établissements stables à l'étranger, est supérieur 250 millions d'euros ; réciproquement, les sociétés étrangères qui sont imposables en France à raison des bénéfices qu'elles y réalisent par le truchement d'un établissement stable seront soumises à cette même contribution si et seulement si leur chiffre d'affaires dans leur Etat de résidence, en France et à l'étranger, est également supérieur à ce seuil ; en ce qu'il fait référence au redevable de l'impôt sur les sociétés pour apprécier la condition de chiffre d'affaires, l'article 235 ter ZAA du code général des impôts n'a ainsi pas pour objet de le limiter au seul chiffre d'affaires réalisé par l'établissement stable français d'une société étrangère ;

- dans sa décision n° 395015 du 9 décembre 2016, le Conseil d'État a statué dans le même sens.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49

et 63 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société de droit allemand Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH, qui exerce une activité de réassurance, a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 20 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH tendant à la décharge de cette imposition ;

Sur le recours du MINISTRE :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à

250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention susvisée conclue entre la France et l'Allemagne le 21 juillet 1959 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants (...) " ;

3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins

250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir jugé que, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, il y avait lieu de ne retenir que le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés, a prononcé la décharge de cette contribution ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des principes de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux découlant des article 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 63 du même traité : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle des stipulations de l'article 49, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ; que les stipulations de l'article 63 s'opposent à toute disposition susceptible d'empêcher ou de limiter l'acquisition de participations dans les entreprises concernées ou de dissuader les investisseurs des autres Etats membres d'investir dans le capital de celles-ci ;

6. Considérant que la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH soutient que les principes de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux imposent que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction aux libertés d'établissement et de circulation des capitaux ;

7. Considérant qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat membre ; que, notamment, une société établie en Allemagne ayant, comme en l'espèce, une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou dans un autre Etat membre dès lors que le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle s'apprécie, dans tous les cas en fonction du chiffre d'affaires agrégé réalisé par la société et son établissement stable ; que, dès lors qu'il n'existe aucune différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de celle-ci,

l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ne porte atteinte, ni à la liberté d'établissement, ni à la liberté de circulation des capitaux ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés établie au titre de ses exercices clos en 2012 et 2013 ;

Sur les conclusions de la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que la société défenderesse sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1505921 du Tribunal administratif de Montreuil, en date du 20 octobre 2016, sont annulés.

Article 2 : Les contributions exceptionnelles sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Münchener Rückversicherungsgesellschaft GmbH sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE03689 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03689
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : GGV GRUTZMACHER/GRAVERT/VIEGENER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-06;16ve03689 ?
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