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06/06/2017 | FRANCE | N°16VE01167

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 juin 2017, 16VE01167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD (AHDB) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre de la période correspondant au troisième trimestre de l'année 2010 pour un montant de 45 947,14 euros.

Par un jugement n° 1503129 du 16 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregist

rée, le 19 avril 2016, la société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD (AHDB), repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD (AHDB) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre de la période correspondant au troisième trimestre de l'année 2010 pour un montant de 45 947,14 euros.

Par un jugement n° 1503129 du 16 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, le 19 avril 2016, la société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD (AHDB), représentée par Me Dorascenzi, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a déposé, conformément à la directive 2008/9/CE du 12 février 2008 transposée à l'article 242-0 R de l'annexe II au code général des impôts, une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée le 30 septembre 2011 sur le portail électronique de l'administration britannique, puis qu'ayant reçu de ce portail un message de rejet l'invitant à régulariser sa demande, elle a obtempéré immédiatement et a donc envoyé la demande régularisée sur son portail national, qui lui a délivré une confirmation de ce dépôt en date du 30 septembre 2011

à 11 heures ; cette obligation étant la seule qui s'imposait à elle, sa demande de remboursement doit donc être considérée comme ayant été valablement déposée à partir du moment où le portail de l'Etat membre d'établissement en a accusé réception ;

- le fait, pour l'Etat membre de remboursement, d'accuser réception de la transmission de la demande de remboursement par l'Etat de résidence est sans incidence sur la validité du dépôt ; il suit de là que ses conclusions dirigées contre le refus implicite opposé à cette demande sont recevables sans que puissent lui être opposées des circonstances indépendantes de sa volonté, telles qu'un dysfonctionnement dans la liaison entre les portails britannique et français ;

- l'administration fiscale ne saurait lui opposer les termes de l'article 13 de la directive 2008/9/CE du 12 février 2008 dès lors que l'existence d'une demande rectificative suppose l'existence d'une demande principale ;

- opposer un tel motif de refus de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, alors de surcroît que l'erreur ne portait que sur un montant de 64,68 euros, est contraire aux principes généraux régissant cet impôt et notamment au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'Etat membre de remboursement, mais dans un autre Etat membre ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD (ci-après AHDB), société de droit britannique, fait appel du jugement du 16 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre de la période correspondant au troisième trimestre de l'année 2010 pour un montant de 45 947,14 euros, au motif que, ainsi que le faisait valoir le service en défense, cette demande n'était qu'une demande rectificative irrégulière qui ne pouvait qu'être rejetée comme ne portant pas sur une modification du prorata de déduction ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts :

" (...) V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 242-0 N de

l'annexe II au code général des impôts : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France (...) " ; qu'aux termes de l'article 242-0 R de la même annexe : " I. Pour bénéficier du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, l'assujetti non établi en France doit adresser au service des impôts une demande de remboursement souscrite par voie électronique au moyen du portail mis à sa disposition par l'Etat de l'Union européenne où il est établi (...) " ; qu'aux termes de l'article 242-0 V de cette annexe : " I. Le service des impôts notifie dans les meilleurs délais au requérant, par voie électronique, la date à laquelle la demande a été reçue. II. Sous réserve des dispositions de l'article 242-0 X, le service des impôts notifie au requérant sa décision d'accepter ou de rejeter la demande de remboursement dans un délai de quatre mois à compter de sa réception " ; qu'enfin, selon l'article 242-0 Z de ladite annexe : " (...) En l'absence de décision du service des impôts dans le délai imparti, le requérant peut saisir de sa réclamation le tribunal administratif compétent dès son expiration " ;

3. Considérant tout d'abord qu'il résulte de l'instruction que, le 30 septembre 2011, la société AHDB a déposé une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de la période correspondant au troisième trimestre de l'année 2010 sur le portail électronique mis à disposition des contribuables par les autorités britanniques qui en a accusé réception le jour même sous la référence GB0000000000107727, puis que le portail britannique a rejeté cette demande en lui envoyant le message suivant : " une référence d'achat est probablement doublonnée ", l'invitant à " corriger cette erreur en suivant la procédure en huit étapes figurant au bas du même message, puis ... à soumettre de nouveau sa demande rectifiée via le même portail informatique ... ", ce qui a été fait immédiatement par la comptable de la société requérante à qui a donc été délivré, ce même jour le 30 septembre 2011 à 11 heures, un accusé de réception mentionnant que la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée ainsi corrigée, avait été " soumise avec succès " et portait le même numéro de référence que la demande initiale ; puis que cette demande soumise avec succès après correction, le 30 septembre 2011, n'a jamais été transférée dans l'application REBECA du SR-TVA et a été rejetée automatiquement par le portail informatique français sans qu'aucune décision expresse de rejet, ni même aucune notification n'ait été adressée à la société AHDB ; qu'ainsi cette demande doit être regardée comme ayant fait l'objet d'un rejet implicite sans que puisse y faire obstacle la double circonstance, invoquée par l'administration, que la société requérante n'aurait pas effectué les diligences minimales dans le suivi de sa demande de remboursement ou qu'il aurait incombé au portail de l'administration britannique d'informer la société du rejet technique de sa demande par le portail français ;

4. Considérant ensuite que le ministre fait valoir que la " demande rectificative " présentée par la société AHDB est irrecevable en tant qu'elle ne porte pas sur une modification du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée, seul cas de présentation d'une demande rectificative admis par les articles 13 et 25 de la directive 2008/9/CE du 12 février 2008 ; que, toutefois, ces dispositions ne sauraient avoir pour objet d'empêcher la régularisation d'une demande erronée qui n'a pas été enregistrée dans le portail informatique, pour ce seul motif, en tant que demande initiale, sauf à empêcher toute possibilité, pour le contribuable de corriger notamment des erreurs de saisie ; qu'ainsi, le rejet de la demande de remboursement de la société AHDB ne saurait trouver son fondement légal dans ces dispositions, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

5. Considérant que si le ministre oppose encore les termes du point 1.12 de l'annexe 1 du document 609 du Standing Committee on Administrative Cooperation du 11 juillet 2012, il est constant que la société contribuable ne pouvait pas être informée de la teneur de ce document de travail interne à l'administration, qui est d'ailleurs postérieur à la date du litige ; que cet argument ne peut qu'être écarté et qu'il en va de même de l'allégation du ministre, tirée de ce que la contribuable, qui a déposé plus de vingt demandes depuis le 1er janvier 2010, aurait du savoir qu'une demande invalide ne pouvait être transmise à la France sans régularisation préalable et dépôt d'une nouvelle demande ; que le ministre ne fait valoir aucun autre motif de forme ou de fond susceptible de justifier légalement, en tout ou en partie, le rejet de la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 45 947,14 euros présentée par la société requérante au titre de la période du troisième trimestre 2010 ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant au remboursement de cette somme ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AHDB est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

7. Considérant que si le ministre soutient que la société AHDB n'est pas recevable à demander le paiement des intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, cette fin de non recevoir est sans objet dès lors que la société n'a pas présenté de conclusions en ce sens ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société AHDB au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1503129 du Tribunal administratif de Montreuil en date du

16 février 2016 est annulé.

Article 2 : Le ministre des finances et des comptes publics versera à la société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD la somme de 45 947,14 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre du troisième trimestre 2010.

Article 3 : Le ministre des finances et des comptes publics versera à la société AGRICULTURE AND HORTICULTURE DEVELOPMENT BOARD une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 16VE01167 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01167
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SARL DORASCENZI-FENART

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-06;16ve01167 ?
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