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06/06/2017 | FRANCE | N°15VE03740

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 juin 2017, 15VE03740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1103293 du 13 octobre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2015, M. et MmeB..., rep

résentés par Me Moinet, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de pronon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1103293 du 13 octobre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Moinet, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires contestées ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- compte tenu de ce que les bénéfices d'une société de personnes sont imposables à l'impôt sur les sociétés dans le chef de la société de capitaux associée, l'administration, compte tenu de la détention directe ou indirecte des parts sociales de la SCI cédante, ne pouvait imposer la prétendue minoration du prix de vente, qu'elle fixe à 101 132 euros, du bien cédé par la SCI Poissy Maximilien Robespierre à la SCI Sainte-Clotilde qu'à hauteur d'au plus 84 % de ce montant, soit la somme de 84 951 euros ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une part, de l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé dès lors que cet écart est inférieur à 20 % et, d'autre part, de l'existence d'une intention, pour la société cédante, d'octroyer à la société acquéreuse, une libéralité, le prix de vente du lot n° 6 ayant été fixé par un expert indépendant, la société Urbi et Orbi, en fonction de méthodes en usage au sein de la profession, ainsi qu'en atteste son rapport d'expertise du 29 janvier 2004 ; il s'ensuit que le prix de vente reçu ne dissimule aucun avantage occulte ;

- la méthode d'évaluation par comparaison utilisée par l'administration, sur la base des évaluations fixées par la société Urbi et Orbi, ne peut valablement leur être opposée dès lors que, pour l'évaluation du prix de cession du lot n° 6, si les lots nos 2 et 3 pouvaient en effet être retenus comme termes de comparaison, le lot n° 1, qui différait grandement par sa surface (plus de 720 %) et par sa nature (supermarché, et non boutique) du lot cédé, aurait dû être écarté ; ainsi, en ne conservant que les lots nos 2 et 3 pour l'évaluation par comparaison, la valeur vénale, après abattement de 10 %, du bien cédé ressortit à un prix de 1 660 euros/m2, différant de seulement 17,73 % du prix de vente effectif, de 1 410 euros/ m2 ;

- à cet égard, l'argument du tribunal, pour le moins contradictoire, selon lequel le rapport d'expertise de la société Orbi et Urbi, du fait de son ancienneté de plus de deux ans par rapport à la date de cession du bien, ne serait pas de nature à remettre en cause les évaluations effectuées par l'administration, n'est pas pertinent dans la mesure où les termes de comparaison ont eux-mêmes été vendus dans les mêmes délais en fonction des prix fixés dans ce rapport selon la même méthode d'évaluation que celle retenue pour le bien cédé ;

- la valeur vénale du bien litigieux doit être réduite des frais de commercialisation économisés, dont les décotes admises oscillent entre 5 % et 20 % de celle-ci ;

- la surface réelle du lot n° 2 est de 78 m2, et non de seulement 39 m2 du fait de la possibilité d'y bâtir un étage supplémentaire ; en outre, ce lot a été cédé avec une place de stationnement, si bien que son prix de vente doit être corrigé à due proportion et ramené à

1 051 euros/m2.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) " Poissy Maximilien Robespierre ", dont les parts sont détenues par des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, a vendu en 2006 un local commercial de 227 m2 à la société civile immobilière (SCI) " Sainte Clotilde " ; que l'administration a estimé que le prix de vente de ce local avait été volontairement minoré pour dissimuler une distribution occulte, à raison de laquelle elle a imposé M. et Mme B...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à proportion de leur quote-part dans la SCI " Sainte Clotilde " ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du

13 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, en conséquence de cette distribution occulte ;

Sur l'existence d'une distribution :

2. Considérant que la SCI " Poissy Maximilien Robespierre ", qui exerce l'activité de construction et de vente de biens immobiliers, a cédé, par acte notarié en date du 30 mars 2006, un local commercial neuf de 277 m², correspondant au lot n° 6 d'un ensemble immobilier, sis place des Poètes dans le quartier de Noailles à Poissy (78), à la SCI " Sainte Clotilde ", pour un prix de 390 543 euros, soit 1 410 euros le m² ; que le service a estimé que la vente de ce local avait été effectuée à un prix inférieur de 101 132 euros à la valeur vénale du bien, qu'elle a évaluée à 491 675 euros, soit 1 775 euros le m², et que la libéralité ainsi accordée était constitutive d'un avantage occulte au profit des associés de la SCI " Sainte Clotilde " ;

3. Considérant que la preuve de l'existence d'une libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession ; que, dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée ; qu'il est constant que l'acquéreur et le cédant du local en cause sont liés par des relations d'intérêt ; que, pour évaluer la valeur vénale de ce bien, qui s'inscrit dans le cadre d'une vaste reconstruction du quartier de Noailles à Poissy, le service a pris comme termes de comparaison trois autres locaux commerciaux neufs, les lots n° 1, n° 2 et n° 3 - le deuxième ayant été vendu à la société Nextone et le troisième à l'une de ses filiales - faisant partie du même programme immobilier et construits dans le même périmètre géographique autour de la place des Poètes à Poissy ; que ces biens, d'une superficie comprise entre 39 m2 et 2 261 m², ont été vendus entre le 1er septembre 2005 et le 30 mars 2006 pour des prix s'échelonnant entre 1 587 et 2 225 euros le m2 ; que, pour tenir compte des défauts affectant le bien cédé, tels que l'existence d'un décaissé obligeant l'acquéreur à effectuer des travaux, d'arcades ceinturant le local rendant le commerce moins visible aux clients et d'une cage d'escalier en son centre desservant les habitations situées au-dessus du lot, le service a appliqué au prix moyen unitaire de 1 972 euros le m², une décote de 10 %, le ramenant ainsi à 1 775 euros le m² ;

4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., l'écart entre la valeur vénale du local commercial litigieux retenue par l'administration et le prix stipulé dans l'acte, de près de 26 %, après application d'une décote de 10 % pour tenir compte de défauts du bien cédé, est suffisamment significatif pour justifier la réintégration de la différence constatée dans le bénéfice imposable de la SCI " Poissy Maximilien Robespierre " et leur assujettissement à un supplément d'impôt sur le revenu à raison de l'avantage occulte procuré à la " SCI Sainte Clotilde " ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, pour contester l'existence d'une libéralité sans contrepartie, les requérants soutiennent que les termes de comparaison retenus par le service ne sont pas pertinents ; qu'en particulier, ils contestent le choix de l'administration de retenir le

lot n° 1, aux motifs que sa surface, de 2 261 m², était huit fois supérieure à celle du lot n° 6 et qu'en outre, un supermarché ne saurait être comparé à la boutique vendue ; que, toutefois, il n'est pas sérieusement contesté que les surfaces importantes sont susceptibles d'être vendues à une valeur vénale unitaire inférieure à celle d'une boutique de bien plus petite dimension en raison du principe de désutilité marginale des mètres carrés ; que le fait que la surface commerciale du lot n° 1 soit affectée à un usage de supermarché - plutôt que de boutique - n'est pas de nature à remettre en cause, à elle seule, la constatation précédente, compte tenu de cette disparité de surface ; que les requérants contestent également la prise en compte du lot n° 2 au motif que la possibilité, ultérieurement réalisée, de doubler la surface de ce lot par la construction d'une dalle reliée au rez-de-chaussée et supportant un étage a été prise en compte dans la cession, dont le prix au mètre carré devrait ainsi être divisé par deux et que, de surcroît, la vente de ce lot inclut une place de stationnement ; que, toutefois, l'acte de vente en date du 30 mars 2006 du lot n° 2 ne mentionne que la possibilité d'y édifier une mezzanine ; que, de plus, l'administration fait valoir sans être utilement contredite que, le 30 septembre 2010, la société " Poissy Maximilien Robespierre " a cédé deux emplacements de stationnement pour un prix modique de 2 827 euros hors taxe, par suite insusceptible de modifier substantiellement le prix de vente unitaire de ce lot ; que, dans ces conditions, les termes de comparaison retenus par l'administration doivent être regardés comme pertinents ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme B...soutiennent que le prix de vente du lot n° 6 a été fixé selon une étude réalisée par un expert indépendant ayant également estimé les valeurs vénales, non remises en cause par l'administration, d'autres lots cédés de l'ensemble immobilier de Poissy ; que, toutefois, ce rapport, qui est antérieur de plus de deux ans à la date de cession du lot n° 6 et ne justifie, par aucun élément, les valeurs de loyers qu'il avance, n'est pas susceptible de remettre en cause les constatations effectuées par le service à partir des transactions réelles intervenues à des dates proches de celle en litige ;

7. Considérant, enfin, que si M. et Mme B...estiment que les frais de commercialisation, qu'ils évaluent, sans plus de précision, à un montant compris entre 5 % et 20 % du prix de la transaction, auraient dû venir en diminution de la valeur vénale du lot n° 6 retenue par le service, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que de tels frais auraient été pris en compte dans les valeurs vénales des lots retenus comme termes de comparaison ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'administration établit, par ces éléments de comparaison pertinents, que la valeur du lot n° 6 n'était pas inférieure à

491 675 euros et qu'en consentant un prix de vente de seulement 390 543 euros, la SCI " Poissy Maximilien Robespierre " a délibérément octroyé à la SCI acheteuse une libéralité, représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts ;

Sur le montant de la distribution et l'interposition de la société en participation Perret :

9. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que la distribution que l'administration a regardée comme imposable à l'impôt sur le revenu des associés de la SCI " Sainte Clotilde " pouvait au plus être fixée à 84 % de la minoration du prix de vente du local cédé dès lors que 40 % des parts sociales de la société cédante, détenues par la société Nextone, avaient été mis à la disposition de la société en participation (SEP) Perret, elle-même détenue, à hauteur de 40 %, par la société civile Marignan imposable à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés ;

10. Considérant qu'en vertu de l'article 8 du code général des impôts, les membres d'une société de personnes sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1871 du code civil : " Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors "société en participation". Elle n'est pas une personne morale (...) " et qu'aux termes de l'article 1872 dudit code : " A l'égard des tiers, chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à la disposition de la société " ;

11. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes du c) de l'article 111 du code général des impôts, les " rémunérations et avantages occultes " constituent des revenus distribués ; qu'en vertu des articles 8, 218 bis et 238 bis K du même code, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont imposables à raison des bénéfices, déterminés selon les règles prévues pour l'impôt sur les sociétés, réalisés par les sociétés de personnes dont elles sont associées, dans la mesure des parts qu'elles détiennent ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le versement d'une rémunération ou d'un avantage occulte par une société de personnes dont des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond, dans la mesure de cette part, à une distribution de revenus imposable chez le bénéficiaire de cette rémunération dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le rehaussement correspondant des résultats de la société de personnes a ou non suffi à rendre bénéficiaires les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de ses associés ;

12. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code civil que la SEP Perret, constituée par la société Nextone et la société civile Marignan, est dépourvue de personnalité morale et qu'ainsi, elle ne peut avoir la qualité de membre d'une société civile immobilière ni détenir la propriété de ses parts sociales ; que, dans ces conditions, et nonobstant la double circonstance que 40 % des parts de la SCI " Poissy Maximilien Robespierre " avait été mis à sa disposition et que son existence avait été portée à la connaissance des services fiscaux, la SEP Perret ne pouvait être regardée comme membre de la SCI " Poissy Maximilien Robespierre " et, par suite, comme propriétaire de 40 % de ses parts sociales au sens et pour l'application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts ; qu'ainsi, cette SCI était intégralement détenue par deux associés soumis à l'impôt sur les sociétés ; que c'est, dès lors, à juste titre, que l'administration a estimé que l'intégralité - et non seulement 84 % - du montant de l'avantage occulte consenti par la SCI " Poissy Maximilien Robespierre " à la SCI " Sainte Clotilde " était constitutive de revenus distribués et, par voie de conséquence, entièrement imposable à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés de cette dernière dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

5

N° 15VE03740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03740
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LEXCAP

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-06;15ve03740 ?
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