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23/05/2017 | FRANCE | N°17VE00151

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 23 mai 2017, 17VE00151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation des arrêtés du 21 juillet 2016 du préfet de l'Essonne ordonnant sa remise aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile et prononçant son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1605288 du 25 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif

, enregistrés les 13 janvier et 14 février 2017, M.B..., représenté par Me Dauchez, avocat, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation des arrêtés du 21 juillet 2016 du préfet de l'Essonne ordonnant sa remise aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile et prononçant son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1605288 du 25 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 13 janvier et 14 février 2017, M.B..., représenté par Me Dauchez, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2016 du préfet de l'Essonne ordonnant sa remise aux autorités italiennes ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'État au profit de son avocate la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative en contrepartie de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- dès lors qu'un certain nombre d'informations indispensables ne lui ont pas été communiquées au cours de la procédure, celle-ci a méconnu les dispositions de l'article 4.2 du règlement (UE) n° 604/2013 en date du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en outre, contrairement aux prescriptions de cet article, l'arrêté attaqué ne mentionne pas s'il parle ou non le Français ;

- la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 10 du également susmentionné ; en effet, son frère, âgé de quatorze ans, a formé une demande d'asile en France.

- elle méconnaît également les dispositions de l'article 13 de ce règlement qui faisaient obligation au préfet de saisir les autorités grecques, dès lors qu'il a déclaré avoir transité par la Grèce ;

- cette décision méconnaît, enfin, les dispositions de l'article 8-3 du règlement précité, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, elle a pour effet de l'éloigner de son frère mineur qui réside en France.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Huon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité pakistanaise, relève appel du jugement du 25 juillet 2016 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2016 de l'Essonne ordonnant sa remise aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide le transfert de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ;

3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que, le 13 janvier 2016, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile en France, M. B...a reçu, outre le guide du demandeur d'asile, les brochures d'information intitulées A " j'ai demandé l'asile dans l'union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ", et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", rédigées en langue ourdoue que l'intéressé a déclaré comprendre, qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, figurant en annexe au règlement du 30 janvier 2014 susvisé ; que le requérant a donc bénéficié, dès le 13 janvier 2016, de l'ensemble des éléments d'informations prévus par les dispositions de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

4. Considérant, d'autre part, que M.B..., arguant de ce que les convocations ultérieures en préfecture ne lui ont été adressées qu'en langue française, soutient qu'il n'a pas eu connaissance de ce que les autorités italiennes avaient accepté sa réadmission ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que cette information lui a été délivrée pour la première fois au plus tard le 9 mai 2016 par le truchement d'un interprète en langue ourdoue ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter utilement ses observations lors de l'entretien du 21 juillet suivant, à l'occasion duquel il a, du reste, expressément indiqué ne vouloir en formuler aucune, ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. " ;

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que, durant toute la procédure, M. B...a été informé de ses droits et entendu dans la langue qu'il avait déclaré comprendre ; qu'ainsi la seule circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas qu'il ne parle pas le français ou qu'il sait lire, n'est pas susceptible de l'avoir privé d'une garantie ou d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ; que le défaut de cette mention n'est donc pas, par lui-même, de nature à entacher ladite décision d'illégalité ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 10 du règlement du 26 juin 2013 : " Si le demandeur a, dans un État membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet État membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, et État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. " ;

8. Considérant que M. B...soutient que son frère, âgé de quatorze ans, est présent en France et y a formé une demande d'asile, il n'apporte aucun commencement de preuve à cet égard ; qu'au demeurant, à la supposer établie, cette circonstance ne serait pas de nature à lui permettre de bénéficier des dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013, dès lors qu'en vertu du g) de l'article 2 de ce même règlement, la notion de " membres de la famille " n'inclut pas les frères et soeurs ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est établi (...) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. " ;

10. Considérant que M. B...fait grief au préfet de s'être abstenu d'avoir sollicité sa réadmission en Grèce alors que, lors de son entretien du 13 janvier 2016, il avait indiqué avoir traversé ce pays ; que, toutefois, et même à supposer, ce qui n'est pas établi, que l'intéressé ait effectivement transité par la Grèce, il ressort de ses déclarations qu'il a séjourné en dernier lieu en Serbie qui n'est pas un Etat membre de l'Union européenne, sur le territoire de laquelle il est entré pour la dernière fois en franchissant la frontière hongroise avant de rejoindre l'Italie ; que le préfet n'était dès lors pas tenu de saisir les autorités grecques en vue d'une éventuelle réadmission de l'intéressé ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

12. Considérant, ainsi qu'il a été dit que M. B...n'établit pas, ainsi qu'il l'allègue, que son frère mineur résiderait en France ni a fortiori qu'il y aurait demandé l'asile ; que, par suite, le requérant, qui ne se prévaut d'aucune autre attache sur le territoire national, n'est pas fondé à soutenir que, pour ce seul motif, la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant, enfin, que le requérant, qui est lui-même majeur, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du 3. de l'article 8 du règlement du 26 juin 2013 relatif aux critères de détermination de l'État membre responsable du traitement d'une demande d'asile d'un mineur non accompagné ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait l'arrêté du 21 juillet 2016 de l'Essonne ordonnant sa remise aux autorités italiennes ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

5

N° 17VE00151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00151
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : DAUCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-23;17ve00151 ?
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