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04/05/2017 | FRANCE | N°16VE01672

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 04 mai 2017, 16VE01672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts auxquels la SARL TBT Terrassements a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 2004, et au paiement desquels ils ont été déclarés solidairement responsables sur le fondement de l'article 1745 du code général des im

pôts.

Par un jugement n° 1506863 du 11 avril 2015, le Tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts auxquels la SARL TBT Terrassements a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 2004, et au paiement desquels ils ont été déclarés solidairement responsables sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1506863 du 11 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2016, M. et MmeB..., représentés par

Me Fitoussi, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions et majorations litigieuses ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le service n'établit pas que les factures au titre desquelles la SARL TBT Terrassements a déduit les charges et la taxe sur la valeur ajoutée litigieuses présentent un caractère fictif, pour les unes, et de complaisance, pour les autres ;

- dès lors que la réintégration des charges litigieuses au résultat de la SARL TBT Terrassements n'est pas fondée, le service ne pouvait infliger à cette dernière la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts à raison de l'absence de désignation du bénéficiaire des distributions correspondantes.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chayvialle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.

1. Considérant que, par un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du

14 octobre 2009, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 septembre 2011,

M. B...a été reconnu coupable de fraude fiscale et a été condamné, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, au paiement solidaire des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société

TBT Terrassements au titre de l'année 2004 ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 11 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ils ont été assujettis, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge de la majoration prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

2. Considérant que les requérants n'ont pas été assujettis à l'amende de 100% prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; que, par suite, ainsi que le relève le ministre des finances et des comptes publics, leurs conclusions tendant à la décharge de cette amende sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :

3. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts :

"Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...)" ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

4. Considérant que le service a estimé que les charges de sous-traitance d'un montant global hors taxe de 582 892 euros, résultant de trois écritures passées au 31 décembre 2004 ne correspondaient pas à des prestations effectives ; que si la société TBT Terrassements produit des factures au nom de deux sociétés, CRCM Carrelage Marbre et I BTP, pour un montant global hors taxe de 303 435 euros, le service relève que ces factures ne correspondent pas dans leur montant et dans leur date aux charges inscrites dans la comptabilité de la société, laquelle ne mentionne pas les sociétés émettrices des factures, et que les chèques émis par la société

TBT Terrassements en règlement de ces factures ont été encaissés par des tiers, dont

M. B...lui-même ; que l'administration rajoute, en outre, d'une part, que la société CRCM Carrelage Marbre, auprès de laquelle il a exercé son droit de communication, a indiqué que la société TBT Terrassements ne faisait pas partie de ses clients et que les factures produites par cette dernière ne correspondaient pas aux siennes et, d'autre part, que les effectifs déclarés à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) par les deux fournisseurs allégués, à savoir deux salariés pour chacun, sont insuffisants au regard des prestations facturées ; qu'enfin, le service vérificateur souligne que la société n'a produit aucun contrat de sous-traitance avec ces deux sociétés et que les dossiers de sous-traitance ouverts à leurs noms ne sont pas complets ; qu'en se bornant à faire valoir de façon très générale que certains des éléments invoqués par le service sont insuffisants ou contradictoires, sans d'ailleurs en remettre en cause la matérialité, M. et Mme B...ne justifient pas de la réalité des opérations mentionnées sur les factures qu'ils ont produites ; qu'en outre, pour la part des charges excédant les montants figurant sur les factures produites, il est constant qu'aucun justificatif n'a été produit ni devant l'administration fiscale, ni devant le juge de l'impôt ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le service s'est fondé sur le caractère fictif des charges litigieuses pour remettre en cause leur déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, alors en vigueur, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

S'agissant des charges non justifiées et les factures fictives :

6. Considérant que pour les motifs indiqués au point 4., la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux charges de sous-traitance d'un montant global hors taxe de 582 892 euros résultant de trois écritures passées au 31 décembre 2004 ;

S'agissant des factures de complaisance :

7. Considérant que le service a remis en cause à hauteur de 54 851 euros la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre des factures des sociétés Aksu, Bat Irem et CFB au motif que ces dernières ne correspondaient pas à des prestations fournies par les émetteurs de ces factures ;

8. Considérant, d'une part, que, s'agissant des factures établies par les sociétés CFB et Aksu, le service n'établit pas que les trois chèques émis les 20 août, 14 septembre et 12 octobre 2004 en paiement de ces factures pour les montants hors taxes de respectivement 3 500 euros, 7 670,99 euros et 18 507,79 euros, soit au total 29 678,78 euros, n'auraient pas été encaissés par les émetteurs de ces factures, alors que les éléments communiqués par l'établissement bancaire teneur du compte de la société TBT Terrassements comportent pour ces chèques la mention " pas de retour " ; que si le service invoque également le caractère insuffisant de l'effectif de ces sociétés par rapport aux prestations réalisées, l'absence de contrat de sous-traitance et le caractère incomplet des dossiers de sous-traitance ouverts au nom de ces sociétés, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir qu'à hauteur des règlements litigieux, les factures ne correspondraient pas à des prestations réalisées par les auteurs de ces factures ; que, dans cette mesure, M. et Mme B...sont fondés à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la remise en cause de ces paiements ;

9. Considérant, d'autre part, que, s'agissant du surplus des factures émises par les sociétés CFB et Aksu et de celles établies par la société Bat Irem, le service fait valoir sans être contredit que les éléments transmis dans le cadre du droit de communication par l'établissement auprès duquel la société TBT Terrassements a ouvert un compte bancaire indiquent que les chèques émis en règlement de ces factures ont été encaissés par des tiers, que l'effectif déclaré aux URSSAF par ces sociétés, compris entre un et deux salariés, est insuffisant au regard des prestations litigieuses, que la société TBT Terrassements n'a produit aucun contrat de

sous-traitance avec ces sociétés et que les dossiers de sous-traitance ouverts à leur nom étaient incomplets ; que, dans ces conditions, le service établit que les factures ne correspondent pas à des prestations effectuées par les auteurs de ces factures, ce que la société TBT Terrassements ne pouvait ignorer ; qu'enfin, les requérants ne sauraient utilement à cet égard se prévaloir de la circonstance que trois chèques émis pour le règlement des factures de la société Aksu ont bien été encaissés par cette dernière, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée déduite à raison de ces factures n'a pas été remise en cause ; que, par suite, c'est à bon droit que le service s'est fondé sur l'existence de factures de complaisance pour remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande en tant qu'elle portait sur la réduction des rappels de la taxe sur la valeur déduite au titre des factures émises par les sociétés CFB et Aksu à concurrence d'un montant hors taxe de 29 678,78 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

11. Considérant qu'il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de

M. et Mme B...de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. et Mme B...sont déchargés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déduits par la société TBT Terrassements au titre des factures émises par les sociétés CFB et Aksu à concurrence d'un montant hors taxe de 29 678,78 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1506863 du 11 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

2

N° 16VE01672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01672
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMPOY
Rapporteur ?: M. Nicolas CHAYVIALLE
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-04;16ve01672 ?
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