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25/04/2017 | FRANCE | N°16VE00358

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 25 avril 2017, 16VE00358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2007, 2008, et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300799 du 15 décembre 2015 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.>
Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2016, M.A...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2007, 2008, et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300799 du 15 décembre 2015 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2016, M.A..., représenté par Me Haddad, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance et " tous frais exposés dans le cadre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ".

M. A...soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la taxation par l'administration fiscale des sommes qu'il avait détournées au détriment de son employeur en 2007, 2008 et 2009, et qu'il a été condamné à rembourser par un jugement rendu le 4 octobre 2010 par le Tribunal de grande instance de Versailles, méconnaît le principe " non bis in idem ", en violation du droit européen aussi bien que du droit interne ;

- en effet, elle méconnaît l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui place ce principe au rang de droit fondamental et doit être interprété de manière homogène avec les droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, laquelle, au vu de l'article 4 de son protocole additionnel n° 7, fait obstacle à un cumul de poursuites lorsque l'une d'entre elles a été close par une décision définitive ; en l'espèce, dès lors que la condamnation pénale et le rappel d'imposition s'analysent en des poursuites découlant des mêmes faits matériels, constitués par l'appréhension illégale de sommes, le cumul est établi ;

- elle méconnaît de même, s'agissant d'une double sanction, de même nature pécuniaire, punissant les mêmes faits, le principe " non bis in idem " et le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à tout le moins en ce que la base des impositions réclamées n'a pas été réduite à due concurrence du remboursement des sommes détournées auquel il a été condamné pénalement ;

- les impositions réclamées constituent une sanction pécuniaire de nature répressive dans la mesure où elles ne peuvent qu'être analysées que comme punissant, de façon disproportionnée, le manquement à l'obligation de déclaration et non la disposition de la somme détournée, la condamnation pénale prononcée en 2010 ayant rétroactivement fait disparaître l'appropriation de cette somme au cours des années 2007 à 2009 ; l'imposition d'un contribuable sur une somme qu'il est condamné à rembourser, sur une base devenue ainsi inexistante, présente le caractère d'une sévère punition et remplit tous les critères posés par la jurisprudence tant de la Cour européenne des droits de l'homme que des juridictions françaises pour définir la notion de sanction pénale ;

- le principe de l'annualité de l'impôt n'est pas applicable dès lors que les sommes réclamées par l'administration fiscale doivent être qualifiées de sanctions pénales ; l'administration ne peut donc faire valoir que le remboursement peut être imputé sur l'impôt dû au titre de l'année de ce remboursement.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 7 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

1. Considérant que M. et Mme B...A...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, au terme duquel leur foyer fiscal a fait l'objet de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2007, 2008 et 2009, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur la base des profits représentés par les détournements de fonds commis par M. A... au préjudice de son employeur, faits qu'il a reconnus et pour lesquels il a été condamné le 4 octobre 2010 par le Tribunal correctionnel de Versailles ; que M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins de décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités correspondantes ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes de l'article 92 du même code : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre de l'année au cours de laquelle ils ont été appréhendés par le contribuable ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union européenne par un jugement pénal définitif conformément à la loi " ; que l'article 4 du protocole additionnel n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose, de même : " 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a été déjà acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État " ; que, de même, aux termes du paragraphe 7 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ouvert à la signature à New York le 19 décembre 1966 et introduit ultérieurement dans l'ordre juridique français : " Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires " ;

4. Considérant, en premier lieu, que les impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu objet du présent litige, qualifiées à bon droit de " sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus " en application des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, n'ont pour seul objet que de soumettre à l'impôt des revenus ayant indûment échappé à celui-ci et ne constituent donc pas, par leur nature même, une peine, ou une sanction de nature pénale assimilable à une peine, ni une " punition ", ni ne sont intervenues à l'issue d'une poursuite ou accusation en matière pénale, au sens et pour l'application des différents textes précités ;

5. Considérant, en second lieu, que M. A...soutient néanmoins qu'en conséquence de l'intervention du jugement correctionnel précité du 4 octobre 2010, qui comprendrait notamment une condamnation au remboursement des sommes détournées à son employeur, l'imposition mise à sa charge en 2012, portant sur des sommes ne figurant plus dans son patrimoine, revêt, par suite, nécessairement un caractère punitif et est ainsi intervenue en méconnaissance des diverses stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, du pacte international relatif aux droits civils et politiques, et en outre méconnaît les prescriptions précitées de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en le sanctionnant par une imposition assise sur un revenu qu'il ne peut plus être regardé comme ayant appréhendé, à hauteur de la différence entre les remboursements ordonnés par le juge pénal et les bases de ces rappels d'imposition ;

6. Considérant toutefois, qu'en vertu du principe d'annualité de l'impôt sur le revenu, édicté par les dispositions précitées de l'article 12 du code général des impôts et applicable dans le présent litige fiscal, les évènements postérieurs à une année d'imposition restent sans incidence sur l'impôt dû au titre de cette année, et doivent seulement, le cas échéant, être pris en compte sur l'impôt dû au titre de l'année de leur survenue ; qu'il n'est, par ailleurs, ni établi, ni même allégué, que tout ou partie des sommes détournées auraient été remboursées en exécution du jugement correctionnel précité, rendu postérieurement aux années 2007, 2008 et 2009 seules concernées par le présent litige ; qu'ainsi, M. A...soutient, en tout état de cause, en vain que les impositions contestées devraient se voir conférer une qualification de peine, de sanction ou de poursuite pénale et seraient ainsi illégales au regard du principe " non bis in idem ", tel que consacré par les divers textes mentionnés ci-dessus au point 5, du fait d'un tel remboursement ; que ces textes sont donc invoqués inutilement par M.A... ;

7. Considérant, enfin, que pour le même motif, M. A...n'est pas fondé à soutenir que des impositions établies dans ces conditions méconnaîtraient, en tant qu'elles seraient assises sur des profits devenus rétroactivement inexistants sur les années concernées, le principe de nécessité et de proportionnalité des peines résultant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, moyen qui, au demeurant, ne serait recevable que s'il était présenté à la Cour par un mémoire distinct lui soumettant une question prioritaire de constitutionnalité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en est de même des conclusions qu'il présente aux fins de remboursement des dépens de l'instance, au demeurant inexistants, et de celles qu'il présente aux fins de remboursement, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des frais visés par cet article qu'il aurait exposés et dont il ne justifie d'ailleurs pas ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

4

N° 16VE00358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00358
Date de la décision : 25/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : HADDAD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-04-25;16ve00358 ?
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