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28/02/2017 | FRANCE | N°16VE01166

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 février 2017, 16VE01166


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ENTREPRISE F. FERNANDES a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 avril 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er mai 2010 au 30 avril 2011, ainsi que des pénalités et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, correspondantes.

Par un jugement n° 1303757

du 26 février 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ENTREPRISE F. FERNANDES a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 avril 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er mai 2010 au 30 avril 2011, ainsi que des pénalités et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, correspondantes.

Par un jugement n° 1303757 du 26 février 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES, représentée par Me Ferrandini, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que, pour reconstituer le chiffre d'affaires servant de base à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, le vérificateur et le tribunal, se sont fondés sur la date d'émission des factures, en particulier de celle adressée au client Cofely, plutôt que leur date d'encaissement ;

- c'est également à tort que l'administration et le tribunal n'ont pas tenu compte de factures de fournisseurs et de la taxe déductible y afférente, alors que les factures, et notamment la facture de l'entreprise individuelle de M. F. Fernandes, d'un montant de 143 520 euros toute taxe comprise, avaient été présentées lors du contrôle ; il incombait, par suite, à l'administration d'établir que la ou les factures en cause étaient soit fictives, soit de complaisance si elle voulait refuser le droit à déduction de la taxe qui y était mentionnée ;

- en matière d'impôt sur les sociétés, les factures litigieuses, en particulier celle relative à l'entreprise individuelle F. Fernandes, ont également été présentées ; elle n'était pas tenue d'établir la réalité des prestations ainsi facturées dès lors que ces factures étaient régulières en la forme ; il appartenait à l'administration de rapporter cette preuve alors qu'elle a suffisamment établi notamment que l'entreprise individuelle F. Fernandes disposait des moyens techniques et humains pour accomplir la prestation de travaux facturée ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'était pas applicable en conséquence du mal fondé des impositions.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier, notamment la copie, transmise par le ministre le

23 janvier 2017, du relevé informatique M6 du 4 juillet 2016 faisant état d'une remise des amendes pour les sommes de 241 903 euros et 278 808 euros.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2010 au 30 avril 2011, l'administration, après avoir établi un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité et procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires, a notifié à la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES, qui exerce une activité de prestation de services dans le domaine de l'isolation de cheminées industrielles, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales au titre de l'exercice clos le 30 avril 2010 et, suivant la procédure contradictoire, au titre de l'exercice clos le 30 avril 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure contradictoire pour la période allant du 1er mai 2010 au 30 avril 2011 et fait application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à ces suppléments d'impôts ; que la société requérante relève appel du jugement du 26 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, des pénalités et de l'amende correspondantes ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre tirée de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

2. Considérant qu'il est constant que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts a été dégrevée par le service antérieurement à l'introduction de la requête d'appel ; que, dans ces conditions, les conclusions d'appel tendant à la décharge de celle-ci, qui sont sans plus d'objet, sont irrecevables ; que, par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le ministre sur ce point ;

Sur la charge de la preuve :

3. Considérant que les suppléments d'impôts résultant de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire ayant été établis en l'absence de présentation de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES ne peut, en application du dernier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'elle conteste qu'en apportant la preuve de leur exagération ; qu'à cette fin, et si elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact de son chiffre d'affaires et de ses résultats en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, la société peut soit critiquer la méthode de reconstitution que l'administration a suivie en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées, soit soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode de reconstitution aboutissant à des résultats plus satisfaisants ;

4. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) / 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) " ; que, selon l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES ne conteste pas la régularité de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre à son encontre sur le fondement du 2° de l'article L. 66 rappelée au point 1. du présent arrêt en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés rappelé au titre de l'exercice clos le 31 avril 2010 ; que, dès lors, elle ne peut obtenir la décharge ou la réduction du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné selon cette procédure qu'en apportant également la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition par application de l'article L. 193 du même livre ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " (...) 1. Le fait générateur de la taxe se produit: / a) Au moment où (...) la prestation de service est effectué : / (...) 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) " ;

6. Considérant que la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES soutient qu'en matière de prestations de service, la date d'émission des factures adressées aux clients ne pouvait tenir lieu d'encaissement du prix ou des acomptes des prestations et, ainsi, servir de base à la reconstitution de son chiffre d'affaires et à la détermination du montant de la taxe sur la valeur ajoutée exigible ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que, pour reconstituer ses recettes, l'administration a non seulement tenu compte des factures émises par la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES à l'adresse de ses clients, mais également du solde des comptes clients qu'elle avait déclaré en début et en fin de période au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des factures demeurées impayées produites par la contribuable à la clôture de l'exercice 2011 ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les chiffres d'affaires ainsi reconstitués ont pris pour base les encaissements tels qu'ils pouvaient être déterminés à partir des éléments communiqués par l'entreprise ; que, dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant au montant des chiffres d'affaires reconstitués en fonction de cette méthode, qui n'est ni excessivement sommaire, ni radicalement viciée, était exigible par application des dispositions du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts chez la société requérante, en sa qualité de redevable de celle-ci l'ayant dûment collectée pour le compte de l'Etat ; que si la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES soutient que les soldes des comptes clients, notamment ceux relatifs au client Cofely, étaient erronés au 30 avril 2011, certaines factures n'ayant été réglées que postérieurement à cette date, elle ne produit aucun justificatif permettant d'accréditer ses dires alors qu'il lui incombe d'apporter la preuve que la méthode de reconstitution des recettes retenue par l'administration en l'absence de présentation de comptabilité aboutit à des résultats et à une imposition exagérés ; que, par suite, elle ne saurait obtenir, par cette seule affirmation, une réduction des bases imposables à la taxe sur la valeur ajoutée collectée retenues par le service ; que si, par ailleurs, la société requérante allègue, à titre de méthode alternative, que l'administration aurait dû, pour reconstituer ses recettes à partir des dates d'encaissement des factures, se fonder sur les relevés bancaires qu'elle lui avait communiqués lors du contrôle, elle n'établit pas devant le juge, comme il le lui incombe, que cette méthode aurait abouti à des résultats plus précis, alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que les soldes clients y seraient apparus anormalement élevés, et en forte discordance avec ceux déclarés au titre de l'année 2010 et ceux reconstitués au titre de l'année 2011 ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable pendant la période d'imposition : " I. 1 La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) " ; qu'aux termes de l'article 289 du même code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie (...) II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ; que l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction en vigueur pendant la période d'imposition, dispose en particulier que : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client (...) /(...) / 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération (...) / (...) / 10° La date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services ou la date à laquelle est versé l'acompte visé au c du 1 du I de l'article 289 du code général des impôts, dans la mesure où une telle date est déterminée et qu'elle est différente de la date d'émission de la facture (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte notamment de ces dispositions que la dénomination précise et la date à laquelle la prestation est effectuée sont essentielles à l'exercice du droit à déduction ; que, si la mention de ces informations sur la facture établie par le fournisseur ou le prestataire permet de présumer que les biens ou les services lui ont été livrés ou rendus et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées, l'absence de mention de ces informations ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle le contribuable est soumis en raison de ses propres affaires, dans le cas seulement où il apporte la preuve, par tout moyen, du règlement effectif, par

lui-même, de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables ;

9. Considérant que la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES ne peut être regardée comme justifiant, par la seule présentation de la facture du 30 mars 2010, d'un montant de 143 520 euros, toute taxe comprise, qu'elle a effectivement bénéficié d'une prestation par l'entreprise individuelle F. Fernandes dès lors que la mention " travaux de prestation divers pour l'exercice 2009 " qui y est portée ne permet pas de connaître avec suffisamment précision la nature du service rendu, ni de rattacher la date de paiement de cette prestation à l'exercice clos en 2011 ; qu'en outre, la société requérante ne démontre pas que l'entreprise individuelle F. Fernandes aurait disposé de moyens techniques et humains l'autorisant à mettre à disposition, pour l'exécution de la prestation de travaux revendiquée, le seul salarié qu'elle allègue ; qu'à défaut, pour la société requérante, de produire tous autres éléments complémentaires de nature à corroborer ses allégations et à justifier de la réalité de la prestation concernée, l'administration a, à bon droit, refusé à l'entreprise le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée pour un montant de 23 520 euros ; qu'en ce qui concerne les autres factures de fournisseurs, la société, qui, au demeurant ne les produit pas, ne justifie pas qu'elle aurait été en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne les rappels d'impôt sur les sociétés :

10. Considérant qu'en application des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature ; que, dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, outre que la facture émise par l'entreprise individuelle F. Fernandes n'était pas régulière en la forme, la société requérante n'a pas démontré que son fournisseur disposait des moyens techniques et humains pour accomplir la prestation alléguée ; que, par ailleurs, elle n'établit pas, comme il le lui incombe, notamment en s'abstenant de produire toutes factures de charges en ce sens, que des dépenses complémentaires exposées dans son intérêt auprès d'autres fournisseurs auraient eu pour contrepartie effective la réalisation de prestations de service ou de livraisons de biens ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à obtenir la déduction du complément de charges qu'elle sollicite de ses résultats reconstitués, imposables à l'impôt sur les sociétés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ENTREPRISE F. FERNANDES est rejetée.

N° 16VE01166 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01166
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : FERRANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-02-28;16ve01166 ?
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