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07/02/2017 | FRANCE | N°16VE01726

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 février 2017, 16VE01726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 30 mars 2016 du PREFET DU VAL-D'OISE le reconduisant à la frontière en fixant le pays de destination duquel il sera éloigné et de l'arrêté du même jour du même préfet le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602334 du 1er avril 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande et a enjoint au préfet de réexaminer sa situatio

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 30 mars 2016 du PREFET DU VAL-D'OISE le reconduisant à la frontière en fixant le pays de destination duquel il sera éloigné et de l'arrêté du même jour du même préfet le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602334 du 1er avril 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2016, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. D...B...au Tribunal administratif de Versailles.

Le PREFET DU VAL-D'OISE soutient que :

- le tribunal a retenu à tort que l'arrêté du 30 mars 2016 portant reconduite à la frontière était erroné en droit au motif que l'intéressé détenait un titre de séjour italien valide et que, dans ce cas de figure, il incombe à l'administration, en vertu de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier avant de prendre une décision d'éloignement qu'une réadmission vers l'État qui a délivré ce titre n'est pas possible ; en effet, s'il s'est avéré que M. B...détenait bien un titre de séjour italien valide, qu'il n'avait pas présenté lors de son interpellation, une procédure de réadmission a été mise en oeuvre auprès des autorités italiennes, qui ont refusé la réadmission ;

- la reconduite à la frontière se fondait ainsi à bon droit sur les dispositions de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant une telle mesure d'éloignement en cas de travail irrégulier au regard de l'article L. 5221-5 du code du travail.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement du

1er avril 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, a, d'une part, annulé ses deux arrêtés du 30 mars 2016 ordonnant la reconduite à la frontière de M. D...B...en fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative et, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation administrative de l'intéressé et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article

L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 533-1 du même code, alors applicable : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger (...) doit être reconduit à la frontière : 1° Si son comportement constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail " ; qu'aux termes de l'article

L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit prendre une mesure l'obligeant à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ou le reconduisant à la frontière ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration décide de prononcer une décision d'éloignement bien qu'elle ait initialement envisagé de demander la réadmission de l'étranger à un autre État membre de l'Union Européenne ; que, toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'État membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un État membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel État, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet État ou de le réadmettre dans cet État ; que, cependant, ces principes restent sans application au cas où une reconduite à la frontière est prononcée, pour des motifs ne tenant pas à l'irrégularité de son séjour mais en raison de son comportement ou pour exercice d'une activité professionnelle sans autorisation, à l'encontre d'un étranger sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non visées par celles de l'article L. 531-1 du même code régissant les cas où, par dérogation à ceux permettant la prise d'une mesure d'éloignement pour irrégularité du séjour, un étranger peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner ;

4. Considérant, dès lors, que la mesure de reconduite à la frontière prise par le PREFET DU VAL-D'OISE le 30 mars 2016 sur le fondement de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de M. B...pour exercice d'une activité professionnelle sans autorisation, après son interpellation sur un chantier de construction où il travaillait illégalement en tant qu'électricien, n'a pu méconnaître les dispositions alors en vigueur de l'article L. 531-1 du même code, faute d'examen préalable d'une éventuelle possibilité de réadmission de l'intéressé vers l'Italie, pays qui, selon ses déclarations alors non vérifiées, lui avait délivré un titre de séjour alors en cours de validité ; qu'il suit de là que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce motif pour prononcer l'annulation de cet arrêté du 30 mars 2016 portant reconduite à la frontière et, par voie de conséquence, les décisions préfectorales du même jour fixant le pays de destination et plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal ;

6. Considérant, en premier lieu, que dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... avait admis, lors de son interpellation du 30 mars 2016, qu'il travaillait sans autorisation, la mesure contestée de reconduite à la frontière trouve son fondement légal dans les dispositions précitées, alors en vigueur du 2°, de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, par un arrêté du 27 janvier 2016, publié au recueil des actes administratifs de l'État dans le département du Val-d'Oise, le PREFET DU VAL-D'OISE a donné délégation à Mme A...C...à l'effet de signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière, les décisions fixant le pays de renvoi et les décisions de placement en rétention administrative ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, d'une part, que l'arrêté par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a décidé de reconduire à la frontière M. B...en fixant le pays de renvoi vise les dispositions de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, en indiquant notamment que l'intéressé, lors d'un contrôle effectué le 30 mars 2016, a méconnu l'obligation de détenir une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle ; que cet arrêté indique, d'autre part, que M. B...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que l'arrêté portant placement en centre de rétention administrative mentionne que l'intéressé présente un risque de se soustraire à l'obligation d'éloignement, faute d'avoir présenté une pièce d'identité en cours de validité et de justifier d'un domicile stable, l'intéressé ayant, par ailleurs, présenté un passeport britannique obtenu frauduleusement ; qu'ainsi, les trois décisions contestées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivées ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède, et de l'ensemble des circonstances de l'affaire, que M.B..., qui ne justifie pas d'une présence ancienne et stable sur le territoire français et dont l'épouse et le fils mineur vivent dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté portant reconduite à la frontière serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas que l'arrêté portant reconduite à la frontière serait illégal ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi et celle portant placement en rétention administrative seraient illégales en conséquence de l'illégalité de la mesure de reconduite à la frontière ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, enfin, que M.B..., qui n'avait justifié lors de son interpellation ni de son identité, ni d'un domicile stable, ni d'un travail régulier, ni d'une insertion quelconque sur le territoire français, n'est pas fondé à faire valoir qu'en décidant son placement en rétention administrative au lieu de l'assigner à résidence, le PREFET DU VAL D'OISE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 30 mars 2016 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B...dans un délai de trois mois en lui délivrant dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, et que les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602334 du 1er avril 2016 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

N° 16VE01726 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01726
Date de la décision : 07/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : MARGERIE-ROUE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-02-07;16ve01726 ?
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