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03/11/2016 | FRANCE | N°15VE04053

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 03 novembre 2016, 15VE04053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2014 par lequel le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis lui a infligé un blâme, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de cette sanction disciplinaire, d'autre part, de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des frais engagés pour sa défense et du préjudice moral qu'il estime

avoir subi du fait de l'illégalité de cette sanction, enfin, de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2014 par lequel le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis lui a infligé un blâme, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de cette sanction disciplinaire, d'autre part, de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des frais engagés pour sa défense et du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette sanction, enfin, de mettre à la charge du département le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1411010 du 20 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2015, M.E..., représenté par Me Gonzalez, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté et cette décision implicite de rejet ;

3° de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

4° de mettre à la charge du département le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le mémoire en duplique du département de la Seine-Saint-Denis, enregistré le 29 octobre 2015 et qui contenait des éléments nouveaux, ne lui ayant pas été communiqué en méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ;

- ce jugement, qui omet de répondre au moyen fondé sur le respect de la loi pénale et tiré de ce qu'à ce titre, il avait le devoir de désobéir, moyen distinct de celui fondé sur l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, est irrégulier ;

- en examinant ses conclusions tendant au remboursement de la somme de 35 euros, présentées sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, alors qu'il les avait expressément abandonnées en cours d'instance, le tribunal administratif a statué ultra petita ;

- la sanction infligée à son encontre est entachée d'erreur de droit dès lors qu'en donnant l'instruction de remplir, pour le recueil des données au titre de l'année 2013, soit la grille G12, soit la grille simplifiée, l'administration a émis un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ; en effet, la grille G12 présentait un caractère manifestement illégal tant au regard de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le département n'ayant pas assuré la protection des données sensibles recueillies par cette grille de collecte de données, qu'au regard du premier alinéa de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 relatif au secret professionnel, en l'absence de garanties quant à la confidentialité des données recueillies ; ainsi, l'une des deux grilles étant illégale, l'ordre était illégal dans son entier, l'administration ne pouvant laisser à ses agents le choix de se conformer ou non à la légalité ; en outre, l'ordre donné était de nature à compromettre gravement l'intérêt de l'ensemble des usagers du service public social de la Seine-Saint-Denis ; en conséquence, il était en droit de désobéir en vertu de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 ; par ailleurs, son refus d'obéissance n'a eu aucune incidence sur le bilan d'activités de l'année 2013 et n'a généré aucune charge de travail supplémentaire pour les autres agents ;

- la sanction en litige revêt, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des appréciations portées sur sa manière de service, de ses fonctions d'assistant social et syndicales, de la contestation dont a fait l'objet la grille G12 et du devoir qu'il avait de désobéir, un caractère disproportionné ;

- cette sanction revêt, comme le démontrent les propos tenus à son encontre par sa responsable de circonscription et alors que le département n'apporte aucun élément de nature à établir que cette sanction reposerait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, un caractère discriminatoire tant en raison de ses opinions syndicales que de son origine ;

- en lui infligeant cette sanction, l'administration a cherché en réalité à le dissuader d'exercer librement son activité syndicale et a commis ainsi un détournement de pouvoir ;

- ses conclusions à fin d'indemnité sont recevables dès lors qu'en première instance, le département n'a pas opposé, à titre principal, une fin de non-recevoir et, en répondant au fond, a lié le contentieux ;

- la sanction prononcée à son encontre, illégale et discriminatoire, est constitutive d'une faute qui lui a occasionné un préjudice moral devant être évalué à la somme de 3 000 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le département de la Seine-Saint-Denis.

1. Considérant que M.E..., recruté à compter du 7 décembre 2000 par le département de la Seine-Saint-Denis en qualité d'assistant territorial socio-éducatif et affecté depuis lors comme assistant social à la circonscription du service social de La Courneuve, relève appel du jugement du 20 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2014 du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis lui infligeant un blâme, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de cette sanction disciplinaire, d'autre part, à la condamnation du département à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette sanction ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'en réponse au moyen soulevé par M. E...selon lequel la sanction en litige revêtirait un caractère discriminatoire, d'autres agents ayant été sanctionnés, mais pour des motifs différents, le département de la Seine-Saint-Denis a produit un second mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal le 29 octobre 2015, auquel était jointe la copie d'arrêtés du président du conseil général infligeant à quatre agents la même sanction que celle infligée à l'intéressé et pour les mêmes faits ; que ce mémoire n'a pas été communiqué à M. E... alors qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal a tenu compte des éléments nouveaux qu'il comportait ; que, dans ces conditions, ce jugement a été rendu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure et est, par suite, entaché d'irrégularité ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés, M. E...est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de ce jugement ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué en date du 9 juillet 2014 infligeant à M. E...un blâme a été signé par M. B...D..., directeur général adjoint des services du département de la Seine-Saint-Denis ; que l'intéressé disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis en date du 5 septembre 2012, régulièrement affiché et transmis au représentant de l'Etat, conformément à l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales, à l'effet de signer, notamment, " tous (...) arrêtés (...) relatifs : / aux affaires de personnel, en particulier : / (...) f) les actes disciplinaires des agents de toutes catégories " ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise les textes applicables, notamment l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, indique que " le service social départemental demande chaque fin d'année des statistiques aux circonscriptions de service social, que ces statistiques sont établies par les assistants sociaux-éducatif sur la base de grilles de recueil élaborées par le service depuis 2004 et que, pour le recueil des statistiques de 2013, une grille simplifiée dénommée G12 a été adoptée après une démarche de concertation " ; que cet arrêté fait état également de ce que M. E..." a refusé de compléter la grille G12 de recueil des statistiques pour l'année 2013 et a confirmé son refus de le faire dans le cadre de l'entretien hiérarchique puis dans le cadre de l'entretien contradictoire " ; qu'ainsi, l'arrêté en litige mentionne, d'ailleurs avec précisions, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que cet arrêté est, dès lors et contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, aujourd'hui codifiés aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la décision implicite de rejet par le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis du recours gracieux formé par M.E..., le 23 juillet 2014, à l'encontre de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée par l'arrêté du 9 juillet 2014, n'est pas au nombre des décisions administratives défavorables dont la loi du 11 juillet 1979 susvisée, aujourd'hui codifiée aux articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, impose la motivation ; qu'il suit de là que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de cette décision implicite de rejet, intervenue le 25 septembre 2014, pour défaut de motivation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté litigieux en date du 9 juillet 2014 rappelée au point 6, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a entendu infliger une sanction à M. E...à raison de son refus d'assurer sa mission de recueil de données au titre de l'année 2013, en vue de l'établissement du bilan d'activités du service social départemental, et, en particulier, à raison de son refus d'utiliser la grille de collecte de données simplifiée mise en place, à titre transitoire, pour l'année en cause, refus réitéré par l'intéressé lors d'un premier entretien avec sa hiérarchie le 28 février 2014 puis lors d'un second le 20 mai 2014 ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, en lui infligeant une sanction pour ce refus d'obéissance, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a commis aucune confusion entre la grille de collecte de données, dite G12, utilisée les années précédentes et qui avait fait l'objet d'une contestation de la part d'une partie des agents et de deux organisations syndicales, et celle dite simplifiée qui a été adoptée par le service social départemental, après une démarche de concertation, et que l'intéressé a refusé d'utiliser pour le recueil des données au titre de l'année 2013 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, qui serait fondé sur une confusion entre les deux grilles de collecte de données, serait entaché d'une inexactitude matérielle des faits ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. " ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que tout fonctionnaire est tenu de se conformer aux ordres qu'il reçoit de ses supérieurs hiérarchiques, sauf si ces ordres sont manifestement illégaux et de nature, en outre, à compromettre gravement un intérêt public ;

11. Considérant que M. E...soutient qu'il avait le droit de désobéir aux instructions données par ses supérieurs hiérarchiques quant aux modalités de collecte des données en vue de l'établissement du bilan d'activités du service social départemental au titre de l'année 2013 ; qu'à cet égard, il fait valoir que ces instructions et, notamment, la note de service en date du 29 novembre 2013, en demandant aux agents d'utiliser soit la grille de collecte de données, dite G12, utilisée les années précédentes et qui avait fait l'objet, ainsi qu'il a été dit au point 8, d'une contestation de la part d'une partie des agents et d'organisations syndicales, soit la grille dite simplifiée, adoptée en 2013 après une démarche de concertation, constituaient des instructions manifestement illégales et de nature, en outre, à compromettre gravement l'intérêt de l'ensemble des usagers du service social du département ; qu'il fait valoir, en particulier, que la grille de collecte de données, dite G12, n'était conforme ni aux prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 susvisée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ni aux prescriptions du premier alinéa de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, relatif au secret professionnel, en l'absence de toute garantie quant à la protection des données sensibles recueillies par l'utilisation de cette grille de collecte ; qu'enfin, il fait valoir qu'en laissant un tel choix aux agents des circonscriptions du service social du département entre une grille de collecte de données non conforme à la légalité et un procédé légal de collecte, l'autorité départementale a donné des instructions prohibées par les dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, justifiant son refus d'obéir ;

12. Considérant, toutefois, que M. E...ne fournit aucune précision ni aucun élément de nature à démontrer que l'utilisation de la grille de collecte de données, dite G12, aurait eu pour objet ou pour effet l'utilisation ou le traitement de données à caractère personnel ou sensibles en non-conformité avec les prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; que, sur ce point, le département de la Seine-Saint-Denis fait valoir en défense, sans être contesté sérieusement par le requérant, que le traitement des données statistiques recueillies à l'aide de cette grille dite G12 était anonymisé et qu'en particulier, la grille en cause ne prévoyait l'inscription d'aucun numéro de dossier de bénéficiaire du service social départemental ; qu'en outre et en tout état de cause, à supposer même que cette grille dite G12 puisse être regardée comme étant contraire aux prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, il ressort des termes mêmes de la note de service en date du 29 novembre 2013 qu'il était loisible à M.E..., comme à l'ensemble des agents des circonscriptions de service social du département, d'utiliser la grille de collecte de données dite simplifiée, mise en place en 2013 et à l'élaboration de laquelle l'intéressé avait d'ailleurs participé et contre laquelle il n'avait émis aucune critique ; que, par suite, M. E...ne saurait être fondé à soutenir qu'il était en droit, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, de désobéir aux instructions qui lui ont été données par ses supérieurs hiérarchiques d'assurer sa mission de collecte de données au titre de l'année 2013, au besoin par la seule utilisation de la grille de collecte dite simplifiée ;

13. Considérant, en sixième lieu, que si M. E...soutient également que les instructions qui lui ont ainsi été données l'auraient conduit à commettre une infraction pénale au regard des articles 226-16 et suivants du code pénal, punissant les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, et de l'article 226-13 du même code, réprimant l'atteinte au secret professionnel, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucune précision ni aucun élément de nature à en démontrer le bien-fondé ; qu'en outre et en tout état de cause, ainsi qu'il vient d'être dit, il était loisible à M.E..., afin d'assurer sa mission de collecte de données au titre de l'année 2013, d'utiliser la grille de collecte de données, dite simplifiée, dont il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier et il n'est pas même allégué que son utilisation l'aurait exposé à commettre une infraction pénale ;

14. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 13 juillet 1983 susvisé portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. " ; qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / (...) - le blâme (...). " ;

15. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

16. Considérant, d'une part, que le refus de M. E...de se soumettre aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques quant à la collecte de données au titre de l'année 2013 en vue de l'établissement du bilan d'activités du service social départemental et, en particulier, d'utiliser la grille de collecte de données, dite simplifiée, refus réitérée par l'intéressé lors d'un premier entretien avec sa hiérarchie le 28 février 2014 et lors d'un second entretien ayant eu lieu le 20 mai 2014, constitue une faute de nature à justifier le prononcé à son encontre d'une sanction disciplinaire ;

17. Considérant, d'autre part, que, nonobstant les appréciations portées sur sa manière de servir depuis son recrutement et compte tenu de la nature des faits reprochés à M. E..., soit un refus d'obéissance caractérisé et réitéré aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques et de ses effets sur le bon fonctionnement du service, son refus ayant, contrairement à ce qu'il prétend, généré une charge de travail supplémentaire pour les autres agents chargés de collecter les données à sa place, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant à son encontre un blâme, mesure du premier groupe ;

18. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 susvisé portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. " ;

19. Considérant que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

20. Considérant que si M. E...soutient que la sanction qui lui a été infligée revêt un caractère discriminatoire tant en raison de son activité syndicale, l'intéressé étant le secrétaire général du syndicat SUD des personnels du département de la Seine-Saint-Denis, qu'en raison de son origine, il n'apporte aucun élément de fait susceptible de faire présumer un agissement à son égard qui serait constitutif de discrimination ; qu'à cet égard, les seuls propos tenus, lors d'une réunion de service, par la responsable de la circonscription de service social où l'intéressé est affecté, qui lui a reproché de " faire du terrorisme " à l'égard des agents lors d'une discussion sur les grilles de collecte de données, ne sauraient, aussi regrettable que soit l'emploi de ces termes qui ont pu être mal reçus par M.E..., faire présumer une attitude ou un comportement à caractère discriminatoire à son égard ; qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des écritures et des pièces produites en défense que la sanction litigieuse prononcée à l'encontre de M. E...repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'à cet égard, le département produit, en particulier, plusieurs arrêtés du président du conseil général infligeant à d'autres agents la même sanction pour les mêmes faits que ceux reprochés à l'intéressé ;

21. Considérant, en neuvième lieu, que les moyens soulevés par M. E... et tirés de la méconnaissance des articles 6 bis, 6 ter et 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisé portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

22. Considérant, enfin, que si M. E...soutient qu'en lui infligeant la sanction en litige, l'autorité départementale aurait cherché, en réalité, à le dissuader d'exercer librement son activité syndicale, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucune précision ni aucun élément de nature à en établir la véracité ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2014 du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis lui infligeant un blâme, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de cette sanction disciplinaire ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

24. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans le délai de deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...). " ;

25. Considérant que les conclusions à fin d'indemnité présentées par M. E... n'ont été précédées d'aucune demande préalable, ni fait l'objet d'une régularisation en cours d'instance ; qu'en outre et contrairement à ce que soutient le requérant, le département de la Seine-Saint-Denis n'a défendu au fond qu'à titre subsidiaire, en utilisant les termes : " en tout état de cause ", et a, à titre principal, excipé de l'irrecevabilité de ces conclusions indemnitaires, en l'absence de décision préalable de nature à lier le contentieux ; que, par suite, la fin de non-recevoir ainsi opposée par le département de la Seine-Saint-Denis doit être accueillie ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Seine-Saint-Denis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. E...une somme de 1 000 euros à verser au département de la Seine-Saint-Denis sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1411010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil en date du 20 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : M. E...versera au département de la Seine-Saint-Denis une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 15VE04053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE04053
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions - Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELARL LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-11-03;15ve04053 ?
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