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06/10/2016 | FRANCE | N°14VE02807

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 06 octobre 2016, 14VE02807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Colombes à lui verser la somme de 145 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du comportement fautif de la commune à son égard.

Par un jugement n° 1201638 en date du 15 juillet 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de Mme A...

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Colombes à lui verser la somme de 145 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du comportement fautif de la commune à son égard.

Par un jugement n° 1201638 en date du 15 juillet 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 22 septembre 2014 et le 26 janvier 2016, Mme A..., représentée par Me Gauthier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune de Colombes à lui verser une somme de 145 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

3° de mettre à la charge de la commune de Colombes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du

10 juillet 1991, à verser à son conseil, Me Gauthier, sous réserve de sa renonciation à la part contributive versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Mme A... soutient :

- qu'elle a été victime de harcèlement moral dont elle a, à plusieurs reprises, averti sa hiérarchie ;

- que la décision refusant de requalifier ses contrats successifs en contrat à durée indéterminée est entachée d'une illégalité fautive ;

- qu'elle justifie d'un préjudice moral, d'un préjudice de carrière et d'un préjudice financier.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 70 %, par une décision du 9 octobre 2015.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Errera,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de Me Gauthier, pour MmeA..., et de MeE..., pour la commune de Colombes.

Une note en délibéré présentée pour Mme A...a été enregistrée le 26 septembre 2016.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Colombes a été enregistrée le 29 septembre 2016.

1. Considérant que Mme A...a été recrutée par la commune de Colombes en qualité d'ingénieur territorial non-titulaire pour une durée d'un an à compter du 14 janvier 2002 ; que cet engagement a été renouvelé chaque année jusqu'au 13 juillet 2011, date à laquelle son dernier engagement - d'une durée de six mois - est arrivé à son terme ; que Mme A...a exercé ses fonctions en tant que responsable du service de l'écologie urbaine, dépendant du pôle technique de la direction de l'environnement ;

Sur le harcèlement moral invoqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

3. Considérant que Mme A...soutient que son travail a, depuis son recrutement au mois de janvier 2002, donné toute satisfaction à sa hiérarchie, mais que, à compter de l'année 2009, l'arrivée d'une nouvelle responsable, Mme C...B..., à la tête de la direction de l'environnement, s'est traduite par une brusque dégradation de ses conditions de travail ; qu'à l'appui de son argumentation, Mme A...énumère différents agissements qu'elle impute à une volonté délibérée de Mme B...de la mettre en difficulté dans la perspective de l'évincer ; que ces pratiques seraient constitutives, selon elle, de faits de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

En ce qui concerne le traitement des demandes de congés de MmeA... :

4. Considérant, en premier lieu, que Mme A...a présenté une demande d'autorisation d'absence pour le 23 septembre 2010, son fils étant malade depuis le 20 septembre et un médecin généraliste ayant certifié, après consultation du même jour, que l'état de santé de l'enfant nécessitait la présence de sa mère du mardi 21 au jeudi 23 septembre inclus ; que

Mme B...a refusé de valider la demande de MmeA..., au motif que le certificat n'avait pas été établi conformément aux règles définies par la note de service du 8 janvier 2010, aux termes de laquelle le certificat doit mentionner la date du premier jour d'absence ; qu'à la demande de Mme B..., Mme A...a fait établir par son médecin un nouveau certificat répondant aux prescriptions précitées ; que, par courrier électronique en date du 28 septembre 2010, Mme B... a insisté auprès de Mme A...pour que cette dernière lui fournisse le premier certificat médical ; que, ce faisant, Mme B... s'est bornée à rappeler à l'intéressée les règles qui lui étaient applicables sans, ce faisant, porter atteinte aux droits et à la dignité de MmeA... ;

5. Considérant, en second lieu, que, le 28 décembre 2010, Mme A...n'a pu se rendre sur son lieu de travail en raison d'intempéries ; qu'elle a informé sa hiérarchie de cette situation et rédigé, à son retour le lendemain, une fiche de régularisation ; que Mme B... a d'abord refusé de régulariser cette absence puis a accepté de le faire après production à sa demande, par Mme A..., de douze pages de documents météorologiques confirmant l'existence de conditions climatiques difficiles et de verglas le 28 décembre 2010 ;

6. Considérant que ces deux épisodes, s'ils révèlent que Mme B... exerçait les pouvoirs hiérarchiques qu'elle détenait sur MmeA... d'une manière particulièrement rigoureuse, ne se sont en tout état de cause pas répétés à l'excès et ne peuvent dans cette mesure être regardés comme ayant dégradé les conditions de travail de cette dernière ; qu'il en est de même des mauvaises relations qu'entretenait la requérante avec sa supérieure hiérarchique, cette mésentente n'ayant eu d'autre conséquence que des propos irrités ou peu amènes parfois adressés à Mme A... ;

En ce qui concerne les obligations imposées à MmeA... :

7. Considérant, en premier lieu, que Mme A...a été invitée, par courrier électronique envoyé par Mme B... le 24 septembre 2010 à 17 h 07, à se rendre à une manifestation dite " Fête des jardins " devant se tenir le lendemain, samedi 25 septembre, de 10 heures à 19 heures, en remplacement d'un autre agent du service, victime d'un empêchement de dernière minute ; que Mme A...s'est exécutée, en dépit de ce préavis très court ; que Mme A...soutient, sans être contredite sur ce point, qu'un autre agent du service s'était proposé pour remplacer sa collègue empêchée, mais que Mme B... n'a pas donné suite à cette proposition, souhaitant que ce soit spécifiquement Mme A...qui se rende à la manifestation en question ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...a été invitée, par courrier électronique envoyé par Mme B... le 8 novembre 2010 à 18 h 24, à se rendre à une manifestation prévue le 25 novembre 2010, alors que Mme A...était en congés annuels du 1er au 15 novembre 2010 inclus ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, par note en date du 15 novembre 2010, Mme B... a demandé à Mme A...de lui remettre une proposition de budget pour 2011 pour le 16 novembre en fin de matinée, alors que, comme il vient d'être dit, Mme A...était en congés annuels du 1er au 15 novembre 2010 et ne pouvait donc disposer, pour la réalisation du travail ainsi demandé, que d'une demi-journée ;

10. Considérant que ces épisodes, par lesquels il a été exigé de Mme A...une grande disponibilité et une capacité à réaliser des objectifs dans des délais contraints, ne sont pas de nature à faire présumer l'exercice d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de MmeA... dès lors que celle-ci, qui exerçait des responsabilités de chef de service, devait être à même de répondre à ces exigences ;

En ce qui concerne la notation de MmeA... :

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la note de MmeA..., qui était de 17 / 20 en 2009 et au titre des années antérieures, a été baissée d'un point dans le cadre de son entretien d'évaluation au titre de l'année 2010 ; que Mme B... a justifié cette baisse par des carences dans la gestion de l'équipe de Mme A...ainsi que par un manque de rigueur dans le suivi budgétaire, caractérisé par une sous-consommation des crédits et par le fait qu'au mois de décembre 2010, le service de Mme A...n'avait consommé que 35 % des crédits qui lui avaient été attribués, contre 75 à 80 % pour les budgets des autres services ; que ces faits sont attestés par le tableau triennal des consommations budgétaires produit au dossier ; qu'en tout état de cause, une simple baisse de note d'un point, quelle qu'en puisse être la justification, ne saurait être regardée comme un signe de harcèlement moral ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la requérante, que les agissements susmentionnés de Mme B... aient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; qu'ils ne sont pas à ce titre constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées ;

Sur la qualification de l'engagement de Mme A...:

13. Considérant qu'aux termes des troisième à cinquième alinéas de l'article 3 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. " ; qu'aux termes des septième et huitième alinéas du même article : " Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée " ; qu'aux termes du I de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de la publication de la présente loi (...), le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 3 de la même loi " ;

14. Considérant, en premier lieu, que si les dispositions citées ci-dessus de la loi du 26 janvier 1984, applicables aux agents recrutés sur un emploi permanent en fonction à la date de la publication de la loi du 26 juillet 2005, prévoient que la durée totale de contrats à durée déterminée successifs ne peut excéder six ans et que, si l'autorité compétente entend les reconduire à l'issue d'une telle période, elle doit prendre une décision expresse et ne peut conclure avec l'agent qu'un contrat à durée indéterminée, il ne saurait en résulter qu'un contrat à durée déterminée conclu, en méconnaissance de ces dispositions, pour une durée qui, compte tenu de la durée des contrats successifs précédemment conclus avec le même agent, conduit à dépasser la durée maximale d'emploi de six années, serait tacitement transformé en contrat à durée indéterminée ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir d'une transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

15. Considérant, en second lieu, que s'il est constant qu'à compter de 2009, les contrats à durée déterminée dont a bénéficié Mme A...ont été illégalement conclus pour une durée excessive, dans la mesure où la durée cumulée des contrats la liant à la commune dépassait la durée de six ans mentionnée au septième alinéa des dispositions précitées, la requérante ne justifie d'aucun préjudice à avoir bénéficié de renouvellements successifs de son engagement au sein des effectifs de la commune ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par la commune de Colombes sur ce même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Colombes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14VE02807 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02807
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Antoine ERRERA
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : JACQUEZ DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-10-06;14ve02807 ?
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