Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 juillet 2015 et le 23 juin 2016, la société MAGAUD, représentée par Me Bineteau, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler la décision n° 2538 T en date du 6 mai 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Essonne du 9 décembre 2014 autorisant la société Compagnie de Phalsbourg et la société Maguy à procéder à la création d'un ensemble commercial dénommé " Central Parc Val Vert ", de 62 396 mètres carrés de surface de vente au Plessis-Pâté (Essonne) ;
2° de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société MAGAUD soutient que :
- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article R. 752-49 du code de commerce, dans la mesure où il ne ressort pas de la décision attaquée que les membres de la CNAC aient été régulièrement convoqués et qu'ils aient reçu l'ensemble des documents visés par les dispositions de l'article R. 752-49 du code de commerce ;
- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article R. 752-7 du code de commerce, le dossier de demande d'autorisation ne permettant pas d'apprécier les effets du projet et occultant le fait que les enseignes de l'ensemble commercial de la Croix Blanche spécialisées en équipement de la maison représentent 67 % de la surface totale ;
- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article R. 752-8 du code de commerce relatives à la zone de chalandise, cette dernière n'étant pas délimitée de manière appropriée ;
- elle méconnait également les dispositions de l'article L. 752-6 du même code, la zone commerciale de la Croix Blanche comportant déjà une forte proportion de surfaces de vente consacrées à l'équipement de la maison ; le projet entraînera des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine, en raison d'un risque de création de friches commerciales ; l'appréciation de la CNAC relative aux flux de transport est erronée ; la CNAC a pris en compte une liaison routière dont la réalisation n'est pas certaine.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Errera,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la société MAGAUD, et de Me A..., pour la société Compagnie de Phalsbourg et la société Maguy.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-49 du code de commerce :
1. Considérant qu'aux termes de ces dispositions, dans leur rédaction alors applicable : " La Commission nationale d'aménagement commercial se réunit sur convocation de son président./ Les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement commercial, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs départementaux (...) " ;
2. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obligation à la CNAC d'attester que la convocation de ses membres a été régulièrement effectuée ni que ces derniers ont reçu l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations ; qu'il suit de là que le moyen susvisé doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-7 du code de commerce :
3. Considérant qu'aux termes de ces dispositions, dans leur rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée : 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; 2° Des renseignements suivants : a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8, et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; b) Desserte en transports collectifs et accès pédestres et cyclistes ; c) Capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises. II.- La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; 3° La gestion de l'espace ; 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; 5° Les paysages et les écosystèmes (...) " ;
4. Considérant que la société requérante conteste le caractère complet de l'étude visée au II des dispositions précitées ; que notamment celle-ci omettrait de préciser que les enseignes de l'ensemble commercial de la Croix Blanche spécialisées en équipement de la maison représentent 67 % de la surface totale ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment, du dossier de présentation du projet, que, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, l'équipement de la maison représente seulement 9 % des surfaces de vente de plus de 300 mètres carrés situées dans la zone de chalandise ; que le taux de 67 %, avancé par la société requérante résulte de l'agrégation des sous-ensembles bricolage (18 %), ameublement (34 %) et culture / loisirs / jouet (12 %) ; qu'il n'est pas établi que cette agrégation serait méthodologiquement pertinente ;
5. Considérant que la société requérante soutient en outre qu'à l'échelle de la zone de chalandise, les enseignes spécialisées dans l'équipement de la maison seraient déjà très nombreuses et que le projet litigieux conduirait à une saturation de l'offre dans ce domaine ; que pour étayer cette argumentation, elle ne se saurait toutefois se borner, comme elle le fait en page 8 de son mémoire, à mentionner le nombre de mètres carrés dévolus aux enseignes concernées sans rapporter ce chiffre à l'ensemble de la surface de vente de la zone et à la population desservie et sans même livrer de ratios permettant de se livrer à une appréciation en termes de proportions ; qu'il suit de là que le moyen susvisé doit être écarté en ses deux branches ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-8 du code de commerce :
6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 752-8 du code de commerce : " I.- Pour l'application de l'article L. 751-2, la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale correspond à l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ainsi que de la localisation des magasins exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné " ;
7. Considérant que la société requérante critique la délimitation de la zone de chalandise retenue pour le projet litigieux ; qu'elle fait valoir que cette zone a été définie de manière trop large et qu'elle inclut des communes se situant en réalité à plus de 30 minutes de temps de trajet de la zone commerciale de la Croix-Blanche ;
8. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la zone de chalandise a été déterminée sur la base d'un temps de trajet de 30 minutes maximum, en prenant en compte la nature et la taille de l'équipement projeté, les temps de déplacement nécessaires pour y accéder, les barrières géographiques ou psychologiques et le pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que dans la délimitation de cette zone aient été commises des erreurs de nature à avoir faussé l'appréciation de la commission ; qu'il suit de là que le moyen susvisé doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale se serait prononcée au vu d'un dossier incomplet au regard notamment des dispositions de l'article R. 752-7 précité du code de commerce ou entaché d'erreurs susceptibles d'avoir faussé son appréciation ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce :
S'agissant de l'effet sur l'animation de la vie urbaine :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission (...) se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine (...) ;b) L'effet du projet sur les flux de transport (...) 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. " ;
11. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés aux dispositions précitées ;
12. Considérant que la société requérante soutient que la création du projet Val Vert risque de déstabiliser l'activité de la zone commerciale de la Croix-Blanche, notamment en provoquant un phénomène de " siphonnage " au détriment de certaines des enseignes de cette zone ; qu'elle s'appuie, à cet égard, sur des éléments relevés par les services instructeurs en page 6 de leur avis : " Le dossier met en avant une complémentarité avec la zone de la Croix Blanche en termes d'offres, d'animation, de circulation et d'attractivité commerciale. Néanmoins, il existe un risque non négligeable de friches commerciales dans la zone de la Croix Blanche, notamment par transfert d'activités sur Val Vert. Le rôle du Comité d'Enseigne sera important afin de limiter ce risque " ;
13. Considérant, toutefois, que la Compagnie de Phalsbourg fait valoir, dans son intervention en défense et sans être utilement contredite sur ce point, qu'une telle hypothèse n'est pas vraisemblable ; qu'en effet, ayant elle-même lourdement investi dans la zone commerciale de la Croix-Blanche, où elle détient 17 bâtiments représentant 15 % de son patrimoine, elle n'a pas intérêt à diminuer l'activité commerciale qui s'y développe ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que ce risque a été anticipé et que des procédures ont été mises en place pour en empêcher la survenance ; que le projet litigieux prévoit ainsi, à la suite du règlement de consultation concernant la création de la ZAC, la création d'un comité d'enseigne composé du président de la Communauté d'agglomération du Val d'Orge (CAVO), du président de la SORGEM, du représentant de la Compagnie de Phalsbourg et du maire de la commune de Plessis-Pâté ; que le rôle de ce comité est défini dans un règlement, dont l'article 4 prévoit, préalablement à toute installation d'une enseigne dans la ZAC Val Vert Croix Blanche, la délivrance d'un avis favorable de ce comité dont le caractère obligatoire est rappelé au point 1 de l'article 6 aux termes duquel : " les avis du comité d'enseigne sont nécessaires pour toute implantation commerciale dans la ZAC Val Vert Croix Blanche " ; que le point 2 du même article précise que " le comité d'enseigne émet un avis obligatoire pour les premières locations " ; que les modalités d'éventuels transferts d'enseignes depuis la zone de la Croix Blanche sont régies par l'article 7 du même texte aux termes duquel : " en cas de transfert de commerces de la Croix Blanche, le comité d'enseigne pourra conditionner son accord à la présentation d'un projet immobilier ou commercial sur la parcelle d'origine du locataire. Une enseigne de substitution pourra être proposée " ; qu'enfin, la Compagnie de Phalsbourg s'engage par l'article 9 à ne pas conclure de bail avec un exploitant tant que le comité d'enseigne n'a pas donné son accord à l'installation de l'enseigne concernée ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet contreviendrait à l'objectif d'aménagement du territoire ;
S'agissant de l'effet du projet sur les flux de transport :
14. Considérant que la société requérante fait grief à la CNAC d'avoir tenu compte, dans son appréciation concernant la desserte routière du projet litigieux, de la " Liaison Centre Essonne ", dont la réalisation ne serait pas certaine et qui ferait encore l'objet, à la date de la décision attaquée, d'une concertation préalable ;
15. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en premier lieu, que le projet litigieux se situe en continuité de la zone commerciale, déjà existante, de la Croix Blanche, et bénéficie, à ce titre, d'une desserte routière préexistante ; que la réalisation de la " Liaison Centre Essonne " est prévue dans le cadre de la réalisation de la ZAC ; que le schéma de financement de cette liaison sera assuré de manière conjointe par l'État, le conseil général dans le cadre du contrat de redynamisation du site de défense (CRSD) et la communauté d'agglomération du Val d'Orge (CAVO) ; que, par délibération du 19 juin 2013, le conseil communautaire du Val d'Orge a décidé la réalisation de la Liaison Centre Essonne, conformément aux engagements pris dans le cadre du CRSD, et rappelé que le programme pluriannuel d'investissement de la Liaison Centre Essonne a été validé dans le cadre du budget primitif 2013 ; que, par délibération du 17 décembre 2014, le conseil communautaire du Val d'Orge a approuvé la convention de financement avec le conseil général pour la Liaison Centre Essonne ; que la commission permanente du conseil général de l'Essonne a approuvé en mars 2015 la convention d'application de la fiche action n°4 du CRSD : " participation financière et modalités techniques de réalisation d'une partie de la Liaison Centre Essonne " ; qu'il ressort donc des pièces du dossier qu'en raison notamment des engagements énumérés plus haut et pris par les différentes collectivités concernées, la réalisation de ces aménagements en temps utile était suffisamment certaine à la date de la décision attaquée ; que le moyen doit donc être écarté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, par application des mêmes dispositions, de condamner la société MAGAUD à verser à la Compagnie de Phalsbourg et à la société Maguy une somme globale de 2 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société MAGAUD est rejetée.
Article 2 : La société MAGAUD versera à la Compagnie de Phalsbourg et à la société Maguy une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 15VE02667 3