Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public Voies navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Versailles de constater que l'occupation sans autorisation du domaine public fluvial par le bateau " Revanche" appartenant à Mme A...D...constituait une contravention de grande voirie sur le fondement de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, de la condamner au paiement d'une amende de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions, de lui enjoindre de procéder à l'enlèvement de son bateau " Revanche" du domaine public fluvial, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de l'autoriser, en cas d'inexécution de cette injonction, à requérir le concours de la force publique en vue du déplacement de son bateau et de mettre à sa charge l'ensemble des frais de déplacement spontané ou forcé de celui-ci.
Par un jugement n° 1302381 du 7 juillet 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné Mme D...au paiement d'une amende de 1 500 euros, a enjoint à l'intéressée d'enlever à ses frais le bateau " Revanche" du domaine public fluvial dans un délai de quatre mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard et a autorisé Voies navigables de France, passé ce délai, à procéder d'office avec le concours de la force publique, et aux frais de Mme D...à l'enlèvement du bateau du domaine public fluvial.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2014, MmeD..., représentée par la SCP C...-Briard-Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de la relaxer des poursuites engagées à son encontre par procès-verbal dressé le 30 novembre 2012 ;
3° de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ce qu'il ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties ;
- elle ne pouvait être condamnée à une peine d'amende alors que l'occupation sans titre du domaine public résulte d'une faute de l'administration qui, par une décision du
9 septembre 2013 a refusé, pour un motif illégal tiré de la radiation de l'ancien propriétaire de la liste d'attente, de lui délivrer l'autorisation d'occuper le domaine public fluvial qu'elle a sollicité le 30 juin 2013 ;
- sa condamnation à une amende et l'injonction délivrée au gestionnaire du domaine public fluvial sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où son bateau, en très bon état, disposant d'un certificat de navigation et qui ne constitue pas un obstacle à la navigation, constitue son domicile ; en tout état de cause, cela justifie une réduction de l'amende prononcée ;
- l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à la décision du Conseil Constitutionnel n° 2013-QPC du 27 septembre 2013 et à la réserve d'interprétation dont elle est assortie, fait obstacle à ce que soit mise à sa charge une amende et une redevance d'occupation majorée égale au double de la redevance normalement due ; ayant dû verser une indemnité annuelle majorée conformément à l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques de 6 354,24 euros pour la période du 16 juin 2012 au 15 juin 2013 et de 6 645,43 euros pour la période du 16 juin 2013 au 15 juin 2014, et ayant ainsi dû toujours supporter une redevance majorée de 100 %, il ne pouvait lui être infligé d'amende dont le prononcé, quel qu'en soit le montant, excède nécessairement la sanction que constitue le montant le montant majoré au taux de 100 % de la redevance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des transports ;
- la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 portant dispositions diverses en matière de transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les conclusions de Me C...pour la requérante.
1. Considérant que par procès-verbal du 30 novembre 2012 M.B..., chef d'exploitation principal des travaux publics de l'Etat, dûment assermenté, a constaté que le bateau " Revanche" appartenant à Mme D...stationnait sans autorisation en rivière de Seine, rive gauche, au point kilométrique 28,650 à Villeneuve-la-Garenne ; que, le 27 mars 2013, l'établissement public Voies navigables de France a adressé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ce procès-verbal de contravention de grande voirie notifié à Mme D...par un courrier en date du 9 janvier 2013 dont elle a accusé réception le 15 janvier suivant ; que Mme D...relève appel du jugement du 7 juillet 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise, saisi dans le cadre des poursuites de contravention de grande voirie diligentées à son encontre par Voies navigables de France sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 500 euros, lui a enjoint d'enlever à ses frais le bateau " Revanche " du domaine public fluvial dans un délai de quatre mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard et a autorisé Voies navigables de France, passé ce délai, à procéder d'office avec le concours de la force publique, et à ses frais à l'enlèvement du bateau du domaine public fluvial ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le jugement doit notamment, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, contenir " l'analyse des conclusions et mémoires " ; que le jugement attaqué vise les différents mémoires échangés entre les parties ainsi que leurs moyens et conclusions ; qu'en se bornant à soutenir que le premier juge ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties, sans préciser en quoi l'analyse faite par le premier juge des écritures des parties serait insuffisante, Mme D... ne met pas la Cour en mesure d'examiner le bien-fondé de son moyen qui doit, par suite, être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'action publique :
3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " et que selon l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le bateau " Revanche" était stationné, sans autorisation, au moment de la constatation de l'infraction, en rivière de Seine, rive gauche, sur le territoire de la commune de Villeneuve-la-Garenne ; qu'ainsi, la présence de ce bateau constituait un empêchement, au sens des dispositions précitées, sur le domaine public fluvial, sans qu'y fasse obstacle le fait que ledit bateau serait en bon état ou qu'il ne constituerait pas une gêne pour la navigation ;
5. Considérant, d'autre part, que lorsque le juge administratif est saisi d'un
procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où ce dernier produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure ; que la circonstance que Mme D...a sollicité le 30 juin 2013, postérieurement à la commission de l'infraction constatée par le procès-verbal dressé le 30 novembre 2012 et transmis au juge de la contravention de la grande voirie le 27 mars 2013, la régularisation de sa situation d'occupant sans titre du domaine public fluvial auprès du gestionnaire en lui demandant la délivrance d'une autorisation d'occupation dudit domaine dont elle soutient qu'elle lui a été refusée de manière fautive, est sans incidence sur le bien-fondé des poursuites dont elle a fait l'objet ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que dans sa décision n° 2013-341 QPC du 27 septembre 2013 le Conseil constitutionnel a jugé que si outre le paiement de la majoration de 100 % de la redevance due pour un stationnement régulier prévue à l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, l'occupant sans droit ni titre du domaine public fluvial s'expose aux sanctions prévues par l'article L. 2132-9 du même code, la première de ces dispositions n'était pas contraire au principe de proportionnalité des peines sous réserve qu'elle soit interprétée comme imposant aux autorités administratives compétentes de veiller à ce que le montant global des sanctions administratives et pénales éventuellement prononcées de façon cumulative pour un même fait ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; que l'amende de 1 500 euros à laquelle Mme D...a été condamnée se rapporte à l'occupation sans droit ni titre du domaine public constatée le
30 novembre 2012 ; qu'il résulte de l'instruction que la majoration mise à la charge de la requérante par Voies navigables de France en application des dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques au titre de l'occupation irrégulière du domaine public s'est élevée à la somme totale de 6 499,84 euros ; qu'ainsi, et en tout état de cause, la majoration qui lui a été réclamée, ne dépasse pas, cumulée avec l'amende de 1 500 euros à laquelle elle a été condamnée en application de l'article L. 2123-9 du code général de la propriété des personnes publiques, le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, à savoir la somme de 12 000 euros prévue par ces dernières dispositions ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une réduction du montant de l'amende que sollicite la requérante qui a stationné sans autorisation son bateau sur le domaine public fluvial et alors même qu'elle a été légalement assujettie, sur le fondement de l'article L. 2125-8 du même code, à des indemnités d'occupation irrégulière du domaine public fluvial ;
7. Considérant, en dernier lieu, que Mme D...ne peut utilement soutenir que sa condamnation au paiement d'une amende, qui n'a pas d'incidence sur sa vie privée et familiale, est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'action domaniale :
8. Considérant que la circonstance que le bateau de Mme D...constituerait son domicile n'a pas pour effet de faire obstacle à ce que le juge de la contravention de grande voirie ordonne, dans le cadre de l'action domaniale dont il est saisi et en application des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, l'enlèvement du bateau de l'emplacement qu'il occupe sans autorisation sur le domaine public fluvial, qui n'a par lui-même, contrairement à l'allégation de la requérante, ni pour objet, ni pour effet d'expulser celle-ci de son domicile ; qu'ainsi, cette injonction ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen invoqué doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 500 euros, lui a enjoint d'enlever à ses frais le bateau " Revanche" du domaine public fluvial dans un délai de quatre mois sous astreinte et a autorisé Voies navigables de France, passé ce délai, à procéder d'office avec le concours de la force publique, et aux frais de MmeD..., à l'enlèvement du bateau du domaine public fluvial ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D...demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
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N° 14VE02760